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Réponse à Yves Michaud par un collectif SLU d’enseignants-chercheurs de l’université de Rouen

jeudi 6 mars 2008, par Laurence

Voici la réponse adressée par des enseignants-chercheurs de Rouen à Yves Michaud dont le texte sur la consultation organisée à la fac de Rouen la semaine dernière (LSH) et cette semaine dans les autres composantes est disponible sur :

http://traverses.blogs.liberation.fr/yves_michaud

"À Yves Michaud,

Merci de démontrer par votre abstention au scrutin que nous avons organisé que l’Université n’est plus aujourd’hui un lieu de débat ou de vie démocratique et qu’il est urgent de la réformer.

Merci de démontrer par le ton que vous employez vis-à-vis de vos collègues que la collégialité universitaire n’a pas lieu d’être et qu’il est grand temps de la remplacer par l’autorité des présidents d’Université.

Merci de démontrer par vos raisonnements que la recherche en Sciences humaines en est arrivée à un tel point de certitude qu’il serait souhaitable de réduire les libertés académiques dont se prévalent les enseignants chercheurs et de cesser d’y investir des crédits.

- Les spécialistes de linguistique peuvent remiser la notion de contextualisation de l’énonciation : la formule « êtes-vous pour ou contre l’application de la LRU » est une formule dénuée de tout référent et n’a pas à être comprise dans le contexte particulier des oppositions que la loi a suscitées depuis sa promulgation ni dans celui du vote imminent par le Conseil d’administration de notre Université de nouveaux statuts.

- Les spécialistes de sciences politiques sont ravis que vous ayez tranché sur la question de savoir si l’acte législatif résulte de la seule délibération des représentants du peuple ou s’il découle d’un consensus qui engage des lobbys, des groupes de pression, des groupes de citoyens et parfois des organisations syndicales ou corporatives.

- Les spécialistes de droit administratif sont satisfaits d’apprendre que le devoir de réserve des fonctionnaires signifie qu’ils n’ont ni liberté d’opinion ni liberté d’expression.

- Les spécialistes de droit constitutionnel sont saisis de comprendre enfin que la résistance à l’oppression inscrite dans la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen ne connaît aucun champ d’application.

- Les sociologues peuvent cesser toute étude sur la formation des identités professionnelles puisqu’il est admis grâce à vous qu’elles ne se forgent pas dans une pratique ou une participation active face à des conditions données mais qu’elles peuvent être imposées par le biais de réformes.

- Les historiens ont enfin trouvé quelqu’un pour trancher le débat de savoir si le régime de Vichy est une parenthèse dans l’histoire politique de la France ou s’il se situe dans une continuité quelconque avec la IIIe République.

- Les spécialistes de la philosophie du droit sont ravis d’apprendre que le droit positif épuise totalement le concept de justice et que légalisme et légitimité sont désormais synonymes – débat connexe de celui qui précède.

Merci de confondre le rôle de l’intellectuel et celui du polémiste multimédias : vous démontrez à merveille que l’Université de l’avenir doit sortir de sa tour d’ivoire et que la réflexion des universitaires sera incontestablement stimulée par les normes, les rythmes et les questionnements des médias du futur. La preuve : vous avez réussi ce tour de force de faire apparaître sur internet – mais n’en doutons pas, bientôt sur les ondes – un sujet qui en était presque totalement absent. Pour cela aussi, merci.

Myriam Boussahba-Bravard, MCF Anglais ; Florence Cabaret, MCF Anglais ; Alexis Grélois, MCF Histoire ; Gilles Grivaud, Professeur Histoire ; Anne Levita, MCF Anglais ; Piroska Nagy, MCF Histoire ; Jean-Paul Pichardie, Professeur Anglais ; Pierre Ragon, Professeur Histoire ; Sylvie Steinberg, MCF Histoire ; Nathalie Vienne-Guérin, MCF Anglais…
pour le Collectif SLU
Faculté des Lettres et Sciences Humaines
Université de Rouen