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Recherche et innovation : heur et malheur du grand emprunt - Sandrine Cassini, Le Monde Economie, 18 février 2018

jeudi 22 février 2018, par Laurence

Pour relancer la croissance après la crise de 2008, Nicolas Sarkozy a fait pleuvoir 35 milliards d’euros sur l’économie française afin d’irriguer les universités, les centres de recherche et les PME. Pour quels effets ?

Que reste-t-il du « grand emprunt », cette politique massive d’investissements mise en œuvre par Nicolas Sarkozy ? Pour relancer la croissance après la crise de 2008, l’ancien chef de l’Etat a fait pleuvoir 35 milliards d’euros sur l’économie française afin d’irriguer les universités, les centres de recherche et les PME. Au cœur du réacteur : la recherche et l’innovation.

Quatre ans après, Jean-Marc Ayrault, alors premier ministre de François Hollande, décidait d’une rallonge de 12 milliards d’euros. Entre-temps, le grand emprunt était rebaptisé « programme d’investissements d’avenir » (PIA). En 2016, une troisième enveloppe de 10 milliards d’euros était attribuée.

Difficile de dire précisément quels ont été les effets réels de cette politique sur l’économie. Mais le chiffre total de 57 milliards d’euros investis ne reflète pas les sommes engagées dans les projets. Une grande partie des fonds est placée, et ce sont uniquement les intérêts qui ont financé les projets. A l’image de l’enseignement supérieur et de la recherche, censé avoir absorbé « 50 % du PIA », comme le précisait un rapport de France Stratégie de mars 2016.

« Placées à 2 %, les dotations en capital du PIA ne rapportaient pas grand-chose  », précise l’économiste Elie Cohen, qui fit partie d’un comité d’évaluation du PIA. « L’idée de ces fonds était de transformer les universités en unités de recherche et d’accélérer le transfert de la connaissance issue du public vers le privé, à travers les instituts de recherche technologique ou les instituts hospitalo-universitaires », complète le directeur de recherche au CNRS.

Raté magistral

Dans ce domaine, il se montre déçu par les résultats des « initiatives d’excellence (IDEX)  ».Ces grands projets devaient réunir des grandes écoles, comme Polytechnique ou Normale Sup, et des universités sous un même étendard. « Je pensais qu’on allait créer le MIT ou Harvard. Mais, à ce jour, c’est un échec, manifeste pour Paris-Saclay et réversible pour Paris-sciences-et-lettres », poursuit M. Cohen.

Et ce même si, d’une manière générale, Jean Pisani-Ferry, auteur en 2017 d’un rapport sur l’investissement pour le compte d’Emmanuel Macron, considère que le PIA « a eu un effet considérable sur les universités, en leur demandant d’élaborer une stratégie, en élargissant leurs marges de manœuvre et en allongeant leurs horizons ».

Dans l’industrie, les investissements d’avenir ont connu un raté magistral. Orange, SFR et Thales avaient perçu un total de 225 millions d’euros pour construire un « cloud souverain  », censé affranchir la France de Google, Amazon et IBM. Le projet a tourné au fiasco. Mais l’aide aux PME et à l’innovation se poursuit de manière significative. C’est Bpifrance, la banque créée en 2013 et financée par les investissements d’avenir, qui a repris le pilotage des subventions et autres prêts.

Le pilotage de cette politique a évolué au fil du temps. Le Commissariat général à l’investissement (CGI), l’organe qui centralisait les décisions sous Nicolas Sarkozy, a perdu de son pouvoir. Ce sont les ministères qui sont désormais décisionnaires. « Ce n’est pas le CGI qui gérera les crédits, ce sont les ministères et ils seront jugés au résultat  », conclut M. Pisani-Ferry.

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