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« Maison de l’histoire de France ». Le débat ne fait que commencer - Vincent Duclert, blog sur Mediapart, 24 janvier 2011
mercredi 26 janvier 2011
L’autosatisfaction affichée au ministère de la Culture et de la communication et à l’Elysée [1] après la formation du comité d’orientation scientifique de la « Maison de l’histoire de France », et le satisfecit que le président de la République a délivré lors de ses vœux au monde de la culture et de la connaissance, se félicitant qu’en France on débatte passionnément d’histoire, constituent une singulière interprétation de la réalité. Il est nécessaire de rappeler un certain nombre de faits, en risquant au passage de refroidir l’enthousiasme ministériel et présidentiel et d’en montrer le caractère fabriqué. Il ne peut y avoir d’analyse raisonnable de la situation sans ramener les actuelles décisions et déclarations au contexte de toute cette affaire de la « Maison de l’histoire de France ».
La formation dudit « comité d’orientation scientifique [2] » a été difficile, lente, preuve de l’hostilité de bon nombre d’historiens qui l’ont publiquement exprimée. Le comité tel que sa composition a été annoncée se partage entre des membres issus de grands corps de l’Etat (conservation des musées ou des archives, inspection générale de l’éducation nationale), des médiateurs renommés des savoirs scientifiques, et enfin des universitaires ou des chercheurs de grands organismes publics ; ces derniers sont finalement en nombre assez restreint. Et le silence qui a accompagné l’annonce de leur présence dans ce comité d’orientation scientifique ne vaut pas approbation. Seuls la rue de Valois ou l’Elysée ont voulu le croire. Dans le monde universitaire et scientifique, le silence est aussi une réponse. Et parfois une réponse claire. Il peut exprimer simultanément un souci de respect de la décision individuelle et une forme de réprobation pour une opération demeurée très politique.
Croire de la même manière que le ralliement d’universitaires réputés de gauche ait pu impressionner la « communauté des historiens » (selon l’expression consacrée) et rendre ce comité légitime est une vision à courte vue. C’est pourtant celle du ministre de la Culture et de la Communication qui a fait de leur arrivée une garantie de l’impartialité du comité. Le silence est avant tout une manière de souhaiter bon courage à des collègues dont on reconnaît la sincérité de l’engagement : ils attendent du dispositif qu’ils ont rejoint des garanties totales d’indépendance et un véritable projet scientifique. Mais leurs intentions louables se heurtent aux logiques de l’opération. Le concept de « maison » censé incarné le projet scientifique et sa distinction d’avec la notion de « musée », renvoyée ici au magasin des archaïsmes, ressemble bien plus à un effet d’annonce répété par les responsables administratifs et politiques de l’opération qu’à un point de départ pour un effectif travail de conception scientifique et culturel.
Le dispositif lui-même ne peut en l’état lever les fortes inquiétudes qu’il inspire. On est étonné, stupéfait même, devant la manière dont le ministère de la Culture et de la Communication a tenu à l’écart le ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche alors que Frédéric Mitterrand et ses adjoints pour ce dossier ne cessent de répéter que la « Maison de l’histoire de France est une chance pour la recherche » (Le Monde, 2 novembre 2010). L’éviction du ministère de Valérie Pécresse est d’autant plus étonnante que celui-ci démontre, dans les nombreux dossiers qu’il conduit, une maîtrise de l’action publique. Cette dernière est au contraire très problématique au ministère de la Culture avec cette opération de la « Maison de l’histoire de France », ou dans l’affaire Céline où la précipitation l’a disputé à la dramatisation (sans préjuger du fond qui aurait mérité une réflexion approfondie).
Pour lire la suite :
Voir en ligne : http://www.mediapart.fr/club/blog/v...
[1] Voir l’analyse de Thomas Wieder dans Le Monde du 21 janvier 2011.
[2] Sur le changement d’appellation du conseil scientifique de la future « Maison de l’histoire de France », le ministre de Culture et de la Communication ne s’est pas expliqué à notre connaissance. On pourrait lire dans cette évolution la volonté de limiter les pouvoirs de cette commission d’historiens, de conservateurs et médiateurs, en réduisant symboliquement la portée du nom qui la désigne.