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L’analyse du projet de décret de modification des statuts par Olivier Beaud, professeur de droit à Paris 2, QSF

dimanche 7 décembre 2008, par Laurence

Veuillez ouvrir le document joint pour lire cette analyse. Compte tenu de la relative longueur du texte, voici un résumé de quelques points importants qui s’y trouvent développés. Mais nous vous recommandons vivement la lecture intégrale de cette analyse, d’autant que plusieurs voies de recours possibles y sont mentionnées, qui ne sont pas indiquées dans ce résumé. Tous les passages en gras sont nos mises-en-relief.

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L’auteur situe le projet de décret sur les statuts dans le cadre de la politique, que le ministère déclare vouloir promouvoir, de revalorisation des carrières, et dans celui, décisif pour la compréhension de l’applicabilité et des conséquences de ce projet, de la loi LRU : "la logique qui prévaut est celle de l’individualisation de la carrière, liée à celle d’une excellence qu’il s’agit d’encourager et de récompenser".

Deux domaines principaux d’intervention et de modification par le projet de décret, auquel l’auteur ajoute l’analyse de la carrière telle qu’elle est "pensée" par le projet de décret.

1. La modulation des services

Le projet de décret accorde aux autorités locales le pouvoir décisionnaire en matière d’évaluation et de modulation de service. Il semble concerner tous les universitaires quand la loi LRU n’accorde la compétence d’aménager les services qu’aux universités s’étant placées sous le régime de l’autonomie renforcée.

Il ne prévoit aucun recours pour l’universitaire, marquant " l’effritement du caractère "national" du service dû par l’universitaire et de son statut. "

"Il serait illusoire de croire que ceux qui font de "la recherche" [NB : notion que le projet de décret ne définit nulle part comme il est dit plus haut] au sens du projet de décret échapperont forcément à l’augmentation des services dès lors que "l’intérêt du service" pourra être allégué à tout moment par les responsables" (p. 8). L’intérêt du service sera en effet largement conditionné par l’absence de recrutement et le gel des postes.

L’auteur relève ainsi "l’énorme contradiction de la loi LRU qui semble donner davantage d’autonomie à l’Université alors que jamais la centralisation n’a été si forte en raison de l’importance croissante des contrats d’établissements par lesquels les Universités restent totalement dépendantes, financièrement en tout cas, du ministère."

Les conclusions sur ce premier point : "telle qu’elle est prévue par le projet de décret, l’organisation de la modulation des services est donc inacceptable". Elle marque une " méconnaissance assez stupéfiante de la réalité de l’Université ", elle " accroît considérablement le risque de l’arbitraire administratif ". Elle constitue un "fantastique recul pour le statut même de l’universitaire".

2. L’évaluation

Ce second point commente notamment la "tâche colossale" dévolue au CNU d’évaluer l’enseignement des universitaires, sans une vraie décharge pour ses membres (sinon, de manière discriminante, pour les présidents de section).

Il note plus généralement la survalorisation des tâches administratives, qui ne sont pourtant pas inscrites dans la définition du métier, mais qui sont payées d’avancements de carrière privilégiés et qui seront, sauf au CNU, encore accentuées. "Curieux système où celui qui abandonne sa vocation initiale est récompensé tandis que celui qui y reste fidèle, et enseigne aux étudiants l’est moins." (p. 9)

3. Déroulement de la carrière

Ce point souligne le " dessaisissement relatif de la compétence des instances nationales au profit des autorités de l’Université " (p. 9). Le CNU va perdre en effet la décision de l’avancement des carrières : "le système prévu par le décret méconnaît gravement le contexte de la réalisation de cette réforme qui est le clientélisme, malheureusement renforcé par la loi LRU et par les modalités d’élection des instances de décision." (p. 10)

Le recours, autorisé par le décret, aux professeurs étrangers non soumis aux obligations françaises de qualifications promeut la constitution d’une "armée de réserve".

Ainsi, "à part pour le recrutement, l’universitaire voit l’essentiel de sa carrière échapper à une gestion par l’Etat et risque de tomber sous la coupe des instances locales". Et l’auteur de conclure : " le recours au favoritisme est-il un programme admissible à l’aune du XXIe siècle ? " (p. 11)

Bilan
Le nouveau statut sera "déséquilibré", l’universitaire étant pourvu d’"obligations qui ne relèvent pas vraiment de sa mission" (p. 12). Le projet de décret confond les "obligations des universitaires avec les obligations des Universités" (p. 12), parce qu’"on peut être universitaire sans administrer ni évaluer". Il existe en effet " une tension très forte entre le statut des fonctionnaires d’Etat et l’autonomie renforcée des Universités ". Les dispositions sur la modulation des services " prêtent juridiquement à contestation ". Le projet de décret constitue "une véritable révolution institutionnelle" (p. 15) qui contribue "[*à réaliser cette lente mise à mort de l’Université française parce qu’il aspire à transformer les universitaires en "employés de l’Université" et en "sujets" des "administrateurs professionnels*]" (p. 16).