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Communiqué de l’Académie des Sciences

3 juillet 2007

jeudi 10 janvier 2008, par Laurence

Dans le cadre du vaste débat national engagé sur la réforme des universités, l’Académie des sciences fait des propositions sur les deux sujets à l’ordre du jour : l’autonomie et la gouvernance des universités.

L’Académie des Sciences a constitué, depuis près d’un an, un groupe de réflexion sur la réforme de l’enseignement supérieur en France. Ce groupe, présidé par Ghislain de Marsily, Membre de l’Académie, a présenté le 3 juillet en séance plénière de l’Académie, ses premières conclusions et recommandations sur ce sujet. Ces propositions, qui concernent essentiellement les disciplines scientifiques, ont été transmises ce jour au Président de la République, au Premier Ministre et à la Ministre de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche.

L’Université française est confrontée depuis de nombreuses années à de grandes difficultés, tant pour ce qui concerne la formation donnée aux étudiants que pour le plein épanouissement de la recherche qu’elle a mission de développer au plus haut niveau international. Trop d’étudiants n’arrivent pas au terme de leurs études alors que les besoins du pays en diplomés à haute qualification sont considérables. L’insuffisance des moyens donnés à l’Université ne permet pas d’assurer l’encadrement nécessaire des étudiants qui ne sont pas toujours, par ailleurs, suffisamment orientés vers les disciplines les mieux adaptées à leurs capacités ou à leurs chances de trouver un emploi. La dégradation progressive de cette situation, aggravée par une gouvernance inadaptée, a diminué l’attractivité de l’Université dans les disciplines scientifiques et techniques, au profit de filières plus sélectives telles que les IUT et les grandes écoles, insuffisamment tournées vers la recherche.

L’Académie des sciences fait, dans un premier temps, des propositions sur l’autonomie et la gouvernance des universités, objet du projet de loi en cours de discussion. Elle tient à souligner cependant qu’aucune réforme d’envergure ne pourra être réalisée de façon satisfaisante sans une augmentation considérable des moyens financiers mis à la disposition des établissements d’enseignement supérieur.

1. L’Académie recommande, sans réserve, l’installation d’une autonomie effective des universités permettant de les replacer dans la compétition internationale pour la recherche mais aussi pour une formation de diplômés adaptée aux besoins actuels, industriels, économiques et culturels du pays. Il faut pour cela donner aux universités les moyens d’organiser, de façon moderne et professionnelle, leurs filières pédagogiques et leurs activités de recherche. Il faut leur assurer une gouvernance rénovée qui donne une place importante aux enseignants-chercheurs de haut niveau, et aux personnalités extérieures dont le nombre devrait être significativement relevé, pour leur permettre de mener une stratégie à long terme, tout en laissant une place suffisante aux représentants des étudiants et des diverses catégories de personnels qui devraient être élus au scrutin uninominal. A cet égard, il est essentiel que le Président de l’université soit élu par l’ensemble des membres du Conseil d’Administration.

2. Les risques éventuels de la réforme proposée exigent, au terme de chaque plan quadriennal, une évaluation a posteriori approfondie, extérieure à l’Université et pour une grande part internationale. Il est capital que cette évaluation soit réellement suivie d’effets, positifs ou négatifs, contrairement à ce qui s’est trop souvent passé dans notre pays où l’évaluation est souvent bien faite mais sans conséquence pour les intéressés.

3. Il faut aussi donner toute l’importance qu’ils méritent au Conseil scientifique qui doit en particulier proposer les priorités scientifiques et donner son avis sur le recrutement des enseignants-chercheurs, et au Conseil des études et de la vie universitaire. L’Académie propose que les Présidents de ces deux Conseils soient nommés par le Président de l’université, sur proposition des membres de ces Conseils.

De plus,

4. L’Académie recommande que tous les établissements puissent opérer le changement de statut dans le calendrier de leur contractualisation pour éviter une distorsion préjudiciable entre établissements qui nuirait plus encore à la lisibilité du système universitaire. L’hétérogénéité des universités n’est pas un obstacle à cette réforme dans la mesure où les universités de taille moyenne peuvent être regroupées au sein de pôles régionaux en conservant leurs spécificités d’excellence.

5. L’Académie suggère que le Conseil d’Administration se dote d’un sous-comité de sélection ad-hoc, chargé de faire une large prospection de candidatures potentielles aux fonctions de Président de l’Université, et de membres extérieurs nommés à ce Conseil.

6. L’Académie considère que l’orientation des étudiants doit commencer dès le lycée en classe de seconde et être réalisée en partenariat entre les universités et les lycées. A cet effet, l’Académie recommande d’ajouter dans le 2° alinéa de l’Article 17 les mots suivants : « dispositif d’information et d’orientation dudit établissement, mis en place en concertation avec les lycées ».

7. L’Académie estime que l’Etat doit continuer à définir les contenus des diplômes nationaux de Licence (L3) et valider les propositions de cursus établis par les universités, car la Licence est un diplome national qui permet l’accès à des emplois bien définis de la fonction publique. Les universités devraient cependant être libres de proposer, en sus, des enseignements de Licence sous leurs propres sceaux. En revanche, l’initiative d’ouvrir des Masters et leurs contenus devraient être entièrement de la compétence des universités, et devenir des diplômes de ces universités, comme le sont déjà les Doctorats. Les conditions d’accès des étudiants au niveau Master et Doctorat devraient être fixées de plein droit par les universités. L’Etat devrait veiller cependant à ce que les dénominations des Masters demeurent suffisamment claires et cohérentes au niveau national pour assurer la lisibilité internationale des formations proposées. Les universités petites ou moyennes seraient invitées à choisir avec pertinence les domaines dans lesquels elles souhaitent offrir des formations d’excellence de niveau Master, éventuellement en coopération avec d’autres établissements.

8. S’agissant des facultés de médecine, pour tenir compte de leur spécificité liée aux besoins hospitaliers, l’Académie des sciences recommande de maintenir la dérogation qui leur permettait de traiter directement avec les ministères compétents de l’attribution des postes des enseignants-chercheurs en fonction des besoins hospitaliers et universitaires. La réforme en cours devrait néanmoins imposer une évolution des modalités de recrutement des enseignants (MCU-PH et PU-PH) qui les replacerait dans les règles régissant les autres disciplines. La révision des effectifs devrait être séparée du choix des bénéficiaires éventuels des postes. La sélection des candidats devrait être plus ouverte à l’extérieur tant pour ce qui concerne la liste des candidats que les modalités de leur sélection.

9. Pour améliorer la lisibilité de l’université française à l’étranger, l’Académie recommande d’imposer une dénomination commune à toutes les composantes des universités. L’Académie propose de conserver les termes de Faculté et d’Ecole, et, en cas de subdivision plus fine, d’Instituts ou de Départements, et d’abandonner les termes d’UFR, d’IFR, d’UMR etc..

10. L’état général de délabrement, de saleté, d’insécurité et le manque d’attractivité des bâtiments universitaires, dans leur grande majorité, réclame une action immédiate des pouvoirs publics, dans le cadre d’un Plan de Rénovation de l’ensemble des bâtiments universitaires. Avec l’autonomie, les moyens matériels nécessaires devront être fournis aux universités, en même temps que la dévolution de leur patrimoine immobilier, la gestion centraliée de ce patrimoine ayant montré de façon flagrante son échec et son inefficacité.

L’Académie fera ultérieurement des recommandations sur les sujets suivants :
- entrée à ̀l’université et réforme des enseignements de Licence, à la suite d’une demande en date du 15 juin de la Ministre de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche à l’Institut de France ; les études médicales feront en particulier l’objet de propositions séparées ;
- rétablissement d’un concours de recrutement d’élèves-professeurs en L1 (IPES) ;
- carrière des enseignants-chercheurs et des chercheurs ;
- recherche, relations entre universités et organismes de recherche, et entre universités et grandes écoles.