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Statut des universitaires : le décret en Conseil d’Etat - Sylvestre Huet, Sciences2, Libéblogs, 20 avril 2009

lundi 20 avril 2009, par Laurence

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C’est demain, mardi 21 avril, que le décret contesté sur le statut des universitaires doit passer devant le Conseil d’Etat. Son avis est indispensable sur le chemin de tout décret.

L’annonce de ce nouvel épisode du feuilleton de la réécriture de ce décret par le ministère de Valérie Pécresse a suscité plusieurs réactions de la part des opposants.

Tout d’abord, symboliquement, la « ronde infinie des obstinés » quittera le parvis de l’Hotel de Ville de Paris pour se déplacer devant le Conseil d’Etat pour y « tourner » de 14h à 16h. Par chance, ce n’est pas loin. Les participants à cette initiative ont lancé un appel à se joindre à eux. Par ailleurs d’autres « rondes » doivent se tenir demain, à Dijon, Clermont-Ferrand, Lyon, Bordeaux, Strasbourg (vidéo), Toulouse.

Ce passage devant le Conseil d’Etat confirme que, pour le gouvernement, il n’est pas question de reculer devant la mobilisation des universitaires. Une attitude qualifiée « d’obstination » par les opposants les plus durs, mais aussi par des personnalités, syndicats ou associations modérées comme Autonome Sup ou Qualité de la science française.

Cette attitude risque de se traduire par la poursuite d’actions de grèves ou de blocages de site dès laValerie_pecresse_mutualit rentrée universitaires après les vacances de Pâques, mettant ainsi gravement en cause le fonctionnement de nombreuses universités et le second semestre de l’année. Valérie Pécresse en fait un cheval de bataille médiatique, assez bien relayé, prétendant ainsi défendre l’intérêt des étudiants et de leurs familles, contre des universitaires irreponsables. Cette vision unilatérale de la situation fait fi de la responsabilité d’un gouvernement qui a entamé les hostilité au mépris de tous les avertissements qui lui avaient été prodigués.

Ainsi, il est utile de se reporter au long communiqué publié le 11 avril par Qualité de la Science Française qui revient sur la génèse de ce conflit sans précédent. Son analyse, très écoutée en raison de l’historique de cette association destinée à promouvoir la recherche de haut niveau dans les universités. Or, sans hésiter, ce collectif renvoie la responsabilité de cette situation dramatique aux ministères de Valérie Pécresse et de Xavier Darcos. « Après trois mois de conflit provoqué par le projet de décret sur le statut des enseignants chercheurs et par le projet de réforme du recrutement des maîtres, et au moment où ce conflit s’enlise ou se radicalise, le débat tend à se concentrer sur les menaces qui pèsent sur la validation du semestre universitaire. Le ministère comme le mouvement étudiant se focalisent sur ce point, et les réformes en cours passent au second plan. Pourtant, la validation automatique du semestre étant inacceptable, il devient de plus en plus urgent que soient levées, par la ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche, et par le ministre de l’éducation nationale, les équivoques qui subsistent dans les textes en discussion. Le projet de décret sur le statut des enseignants chercheurs, dans sa quatrième version, reste ambigu dans sa définition du service de référence des enseignants chercheurs. Reportée d’un an, la réforme des concours semble maintenue. Ces incertitudes retardent la sortie de la crise. »

Pour le Snesup, il s’agit d’une nouvelle tentative de passer en force, avec la possibilité d’une accélération si le texte passait en Conseil des ministres dès mercredi prochain. Voici son communiqué :

Mardi 21 avril, le décret modifiant les statuts des enseignants-chercheurs doit être examiné par le Conseil d’Etat. Le gouvernement, contraint par la mobilisation inédite de la communauté universitaire impulsée par le SNESUP d’infléchir son projet initial notamment sur la question des promotions, prendra-t-il le risque d’une énième provocation en l’inscrivant, le lendemain, à l’ordre du jour du conseil des ministres ? Le gouvernement tentera-t-il un passage en force au milieu des vacances de printemps, comme il le fait en annonçant au CNESER ce matin, l’expertise des maquettes de Masters « enseignement » par les conseillers de la DGES alors que l’AERES a refusé de les examiner ?

Loin de protéger les enseignants chercheurs et de préserver les libertés scientifiques et pédagogiques, ce projet de décret les exposerait plus encore aux pressions locales et à la concurrence avec leurs propres collègues, niant ainsi les fondements de la collégialité. Faute de plafond de service d’enseignement, l’individualisation par « la modulation » des services des enseignants chercheurs se traduirait par l’alourdissement-sanction de leur mission d’enseignement, avec un assentiment qu’ils n’auraient sans doute pas le choix de refuser ! Cette conception usurière de « modulation », dénoncée par le SNESUP, aggrave les inégalités entre les personnels. Elle se double d’un mode de recrutement tout aussi nocif par des comités de sélection ad hoc, fabriqués par les présidents, pouvant changer d’un emploi à l’autre dans la même spécialité au sein d’un même établissement. Il ne s’agit en rien de la juste reconnaissance dans le service d’enseignement de l’ensemble des tâches qui se sont ajoutées au fil du temps aux activités des enseignants chercheurs et enseignants, revendiquée par le SNESUP.

Le SNESUP condamne la volonté de passer en force sur le projet de décret atomisant le statut des enseignants chercheurs et sur la réforme actuelle de la formation et du recrutement des enseignants, exige leurs retraits, appelle à maintenir la pression sur le gouvernement et à participer au rassemblement Mardi 21 avril à 14h devant le Conseil d’Etat (1, place du Palais-Royal – 75001 Paris). Le SNESUP, appelle à la réussite :
• de la journée nationale de manifestations du 28 avril prochain, en convergence avec la coordination nationale des universités, le même jour que celle pour la défense du service public hospitalier,
• des manifestations du 1er Mai exceptionnellement unitaires.
Si le gouvernement persistait à vouloir passer en force contre la volonté de la communauté universitaire, il aurait à assumer la lourde responsabilité des conséquences des colères exacerbées par ses décisions !

La Coordination nationale des universités s’est adressée aux membres du Conseil d’Etat pour leur demander de ne pas statuer sur le texte ou de le rejetter :

Mesdames et Messieurs les Conseillers d’Etat : refusez de statuer sur le décret des enseignants-chercheurs, contesté par l’écrasante majorité de la communauté universitaire !

La Section Administrative du Conseil d’Etat va être appelée, mardi 21 avril, à examiner le projet de décret concernant le statut de enseignants-chercheurs. Ce texte fait toujours l’objet d’un rejet massif de la part de la communauté universitaire, comme en témoigne le mouvement de contestation qui anime les universités françaises depuis des mois. Les différentes réécritures qu’il a subies n’ont en rien modifié une logique qui, en voulant imposer une modulation de services nécessairement à la hausse dans un contexte d’économie budgétaire, dénature le métier d’enseignant-chercheur et détériorerait les conditions d’enseignement à l’université. En outre, la mise en place d’une évaluation systématique des enseignants-chercheurs tous les quatre ans est toujours prévue, alors qu’elle est contre-productive et ne pourra s’effectuer que sur des critères quantitatifs ineptes. Avec le projet de contrat doctoral, la formation à l’enseignement supérieur et à la recherche se trouverait, elle aussi, dénaturée. Une modification profonde des conditions d’exercice d’un métier ne devrait pas pouvoir être décrétée sans un minimum de consensus et de sérénité.

En l’état actuel, il est ainsi permis de s’interroger sur l’opportunité administrative de statuer sur un décret qui suscite une telle opposition et dont la Coordination Nationale des Universités n’a cessé d’exiger le retrait. Une éventuelle validation du décret par le Conseil d’Etat en pleine période de vacances universitaires serait une marque supplémentaire de mépris à l’égard des universitaires, et viendrait confirmer l’impression largement partagée que Valérie Pécresse souhaite passer en force, sans entendre le rejet massif exprimé par la communauté universitaire.

En conséquence, la Coordination Nationale des Universités demande à la Section Administrative du Conseil d’Etat de ne pas statuer sur la version actuelle du projet modifiant le décret n° 84-431, sinon en délivrant un avis défavorable.

Pour le syndicat Autonome Sup aussi, la balle est dans le camp de Valérie Pécresse, selon la conclusion d’un long plaidoyer pour son action depuis trois mois : « Pour conclure, dès le début du mouvement de protestation auquel nous avons activement participé nous avons limité nos revendications à ce qu’il était raisonnablement possible d’obtenir sans mettre en péril le semestre des étudiants et nous avons déclaré que nous ne ferions rien contre l’intérêt des étudiants. C’est pourquoi, après la négociation sur le décret statutaire et le report de la réforme des concours, nous avons appelé à la reprise des enseignements, même s’il subsiste des incertitudes sur les concours (domaine où tout reste possible mais où rien n’est acquis) et même si la révision de la loi LRU apparaît encore comme bien lointaine, mais en demandant au pouvoir des signes clairs d’ouverture sur ces deux points. Arrivés à la mi-avril, nous n’avons toujours pas eu ces signes et, comme nous le craignions, malgré un certain essoufflement, le mouvement de blocage touche encore un nombre important d’universités, se radicalise et met en péril la validation du semestre. Il est plus que temps de reprendre partout les cours, mais le gouvernement porte une responsabilité majeure dans le pourrissement de la situation : en refusant les gestes qui s’imposent au plus vite, il fait la politique du pire, dont les étudiants paieront les conséquences. Cela, nous ne pouvons l’accepter, non plus que le ternissement de l’image de l’Université française. »