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Un chercheur menacé de sanctions : bronca au CNRS - Chloé Leprince, Rue89, 8 juin 2009

lundi 8 juin 2009, par Laurence

Des poids lourds du monde universitaire français tels qu’Edgar Morin, Etienne Balibar, Olivier Roy, Pascal Boniface, Esther Benbassa et d’autres qui signent en vingt-quatre heures une pétition de soutien d’un chercheur CNRS sous le coup d’une procédure disciplinaire : la rapidité de la mobilisation avait de quoi interpeller.

Esther Benbassa, universitaire et par ailleurs blogueuse occasionnelle sur Rue89 , a ainsi réuni pas moins d’une cinquantaine de noms pour prêter main forte à Vincent Geisser, spécialiste de l’islam et de la diversité depuis 1991. Même l’ancienne directrice des sciences humaines au CNRS (longtemps supérieur hiérarchique de Geisser) a signé la pétition qui continue de circuler.

Cet universitaire est en effet convoqué le 29 juin devant un conseil de discipline au CNRS. Il risque un blâme, mais les pétitionnaires en ont fait « une position de principe sur une mesure inadéquate », comme l’a expliqué à Rue89 Edgar Morin.

Ce que son comité de soutien craint, c’est en réalité une sanction qui ferait jurisprudence et qu’on oblige pour de bon les chercheurs au devoir de réserve.

Un « fonctionnaire défense » qui surveille certains travaux des chercheurs

A l’origine du problème, il y a un conflit entre deux personnes au sein du CNRS. L’un est chercheur, c’est Vincent Geisser. L’autre est ingénieur général de l’armement et « fonctionnaire sécurité défense » au CNRS depuis 2003, après un temps à la Défense et d’autres missions interministérielles.

Ce « fonctionnaire défense », dont plusieurs pétitionnaires ont appris l’existence à l’occasion de ce conflit, se nomme Jospeh Illand. C’est lui qui signe par exemple les ordres de mission à l’étranger des chercheurs du CNRS, lui aussi qui est chargé officiellement de la veille sécuritaire sur le patrimoine scientifique.

En clair : protéger les recherches hexagonales d’une double allégeance possible ou d’éventuelles vélléités d’espionnage. Il a ainsi récemment refusé l’accueil d’une douzaine de chercheurs étrangers.

Le bras de fer entre Vincent Geisser et Joseph Illand remonte à 2004. Geisser, 36 ans à l’époque, entreprend une enquête sur la place des chercheurs maghrébins dans les travaux français.

« On m’accuse d’infiltrer le CNRS avec un “lobby islamique” »

Statistiques et fichiers à composante ethnique obligent, le projet doit avoir l’aval de la Cnil et l’autorisation tarde. Joseph Illand demande à rencontrer Vincent Geisser, qui raconte à Rue89 avoir passé « deux heures à lui expliquer le principe d’une enquête » :

«  Et puis quand l’entretien a été terminé, il m’a dit qu’il avait d’autres questions à me poser. Il a sorti un dossier avec, notamment, des extraits de prises de position personnelles antérieures. Il m’a demandé de m’expliquer.

J’ai trouvé ce mélange des genres étrange, même si je viens d’une famille de militaires. Puis il a envoyé à mon directeur de laboratoire un mail pour lui demander de classer mes recherches comme « sujet sensible ».

Petit à petit, j’ai compris ce qu’on me reprochait, d’infiltrer le CNRS avec un « lobby islamique ». »

L’intéressé continue de trouver cela « d’autant plus ridicule que je ne suis même pas musulman ». Les choses se corsent à partir du 4 avril dernier, date à laquelle Geisser envoie un mail au comité de soutien d’une étudiante allocataire de recherche à qui le CNRS vient de supprimer son allocation parce qu’elle est voilée comme l’avait raconté Rue89.

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