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Luc Chatel pris en grippe par les syndicats enseignants - Charlotte Boitiaux, Libération, 21 août 2009

vendredi 21 août 2009, par M. Homais

A deux semaines de la rentrée scolaire, les personnels enseignants déplorent une campagne de prévention de la grippe A inexistante à leur égard, contrairement à celle menée pour les parents et les enfants. [Sur la question du traitement "politique" de la grippe et des contradictions avec ce qu’en dit la recherche, voir le blog de Sylvestre Huet (de retour de vacances). Note de SLU]

Pour lire cet article sur le site de Libération.

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Lésés les enseignants ? C’est le sentiment général du personnel des établissements face au plan de rentrée/ Grippe A de Luc Chatel, le ministre de l’Education. S’estimant moins bien informés que les parents d’élèves et l’opinion publique, ils regrettent d’être « traités en second plan ».

Si les annonces faites aux familles sont de nature à favoriser une prise de conscience face à la pandémie, elles sont toutefois jugées « insuffisantes » en ce qui concerne le personnel enseignant. Quelle prise en charge pour les enfants présentant des symptômes grippaux ? Quel matériel de protection sera mis à leur disposition ? Que dire aux sujets à risque, professeurs enceintes, asthmatiques...? A quinze jours de la rentrée, la grogne monte sur les bancs d’école...

« L’Etat, le pire employeur »

Daniel Robin, secrétaire national du FSU-Snes (syndicat majoritaire des enseignements du second degré), préfère ironiser sur la situation. L’Etat face à son personnel ? « Une tradition basée sur l’inexistence de rapport. C’est un peu le pire employeur pour la santé de ses employés. » Le ton est donné. Vindicatif. « Sérieusement, traiter le problème de la grippe porcine à deux semaines de la rentrée, c’est ridicule et inconscient, se désole-t-il. En tant que responsable national syndical et en tant que prof, je n’ai absolument rien reçu comme consigne. »

Au syndicat Unsa (deuxième fédération des enseignants du premier et second degrés), la tension est également palpable. « La date fatidique de la reprise approche et on ne sait toujours rien », s’indigne Dominique Thoby, la secrétaire nationale. « Cela va faire plusieurs semaines que nous ne cessons de demander des informations. Le ministre a voulu mettre en place son plan de communication pour les familles, mais nous, nous sommes les acteurs sur le terrain ! »

La colère s’explique : à ce jour, aucun syndicat contacté n’a reçu la circulaire envoyée par le gouvernement qui dicte les comportements à adopter face à la pandémie, de matériel de protection, ou les procédures à suivre en cas de symptômes grippaux détectés.

Les réactions se suivent et se ressemblent. A la FSU-SNUipp (syndicat majoritaire des instituteurs, professeurs des écoles et PEGC), on regrette qu’il n’y ait pas eu de réunion à ce jour. « Un plan de prévention n’est efficace que lorsque toutes les situations sont envisagées, toutes les procédures à suivre connues, explique Gilles Moindrot, le secrétaire général. On ne peut pas se préparer sérieusement si tout se fait la veille de la rentrée », se plaint-il. « Nous ne voulons pas affoler la population. Mais qui peut me dire aujourd’hui comment s’effectueront les ramassages scolaires, comment est envisagée la vaccination pour les enseignants...? » Dans une lettre rendue publique mardi 18 août, Gilles Moindrot demande à Luc Chatel que « les enseignants bénéficient d’une information complète et transparente ».

Les « gestes barrières » insuffisants

Les « gestes barrières » préconisés pour tous (lavage de mains, mouchoirs jetables...) sont à leurs yeux bien trop minces et insuffisants pour « assurer une rentrée ». « Tout ça n’est que prévention, protection de premier ordre. Si des élèves présentent des signes grippaux, ces mesures deviendraient bien obsolètes », s’inquiète Hugo, professeur des écoles.

Pourtant, les syndicats avaient alerté les pouvoirs publics dès le mois de juin, lors de la fermeture des écoles parisiennes et toulousaines. « Nous avions appelé le ministère pour dire que nos collègues manquaient sérieusement de consignes face à l’attitude à adopter devant la grippe porcine... » Mais le tour de chauffe a raté : « c’était la confusion la plus totale », explique la secrétaire nationale de l’Unsa.

Des réunions prévues avec le ministre

A ce jour, les syndicats réclament une réunion avec le ministre et une réunion CHS (Comité hygiène sécurité) qui portera son attention spécifiquement sur la question sanitaire (prise en charge, protection, masques...). C’est chose faite. Rendez-vous est pris le 28 août entre les organisations syndicales et le ministre pour une réunion d’information. Une réunion CHS se réunira quant à elle le 31 août, et l’Unsa espère aller plus loin : « Il faudrait mettre en place des réunions CHS pas seulement ministérielles, mais aussi académiques, départementales... ».

L’Unsa et le SNUipp se défendent d’accabler Luc Chatel : « Nous trouvons légitime qu’il prenne le dossier à bras-le-corps et partageons sa volonté de bien faire », se justifie Gilles Moindrot. « Soigner son image et sa communication, c’est bien, prendre soin des acteurs sur le terrain, c’est mieux », affirme Dominique Thoby.

Un suivi pédagogique encore peu connu

Quant au suivi pédagogique mis en place en cas de fermeture des écoles, là encore, le sentiment premier n’est pas à l’enthousiasme. « Ce sont plus des mesures palliatives qu’un suivi pédagogique », insiste Gilles Moindrot. Loin d’être la « panacée », la mise en place de cours de substitution via Internet et la radio « ne remplace pas l’école. Elle ne permet pas de découvrir de nouvelles notions juste de rester sur ses acquis ».

Pour Dominique Thoby, le problème est même double : « Non seulement, ce procédé ne remplace pas un professeur, mais en plus personne n’a encore pu analyser le contenu des programmes. Comment savoir s’ils sont adaptés, s’ils seront suivis en classe au préalable. » Elle s’arrête puis reprend : « en fait continuité pédagogique, ça veut dire quoi ? ».

Mais c’est Daniel Robin qui aura le mot cynique : « Tout ça n’est pas très sérieux et ressemble à du bricolage. Luc Chatel s’essaie à la mise en scène, comme lorsqu’il va au supermarché, Sauf que, là aussi, c’est raté. »