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"Réforme du lycée : les leçons d’un raté", EducPros, 26 août 2009

samedi 29 août 2009, par Elie

La réforme du lycée verra bien le jour à la rentrée 2010. Luc Chatel l’a confirmé dans les colonnes du Monde en date du 26 août 2009, une semaine avant la rentrée des classes. Le nouveau ministre de l’Education nationale s’engage à présenter courant septembre l’architecture du texte et se place ainsi dans la continuité de son prédécesseur Xavier Darcos. Quelles sont les chances de réussite de Luc Chatel ? Nous avons cherché à comprendre à quels moments la stratégie politique mise en œuvre par Xavier Darcos avait échoué. Retour sur un an de tractations.

L’histoire avait pourtant bien commencé. "C’était bien la première fois qu’un ministre parvenait à mettre tout le monde d’accord sur la nécessité et le cadre d’une réforme du lycée", raconte Roland Hubert, secrétaire général du puissant SNES (syndicat majoritaire dans le second degré). Xavier Darcos va oublier un petit détail : les lycéens.

"C’est une bouffonnerie"

Pour ceux qui connaissent cet ancien professeur agrégé de lettres classiques en khâgne, ceci n’est pas une surprise. Déjà en 2000, dans son essai "L’art d’apprendre à ignorer" (Plon), il écrit que les lycéens "confondent parler et penser" et parle de la vaste consultation menée en 1997 à la demande de Claude Allègre, ministre de l’époque, comme d’un "gigantesque défouloir lycéen, conçu et managé surtout par d’inoxydables optimistes, [qui] vira donc au capharnaüm ludique, au n’importe quoi réjouissant, à l’impensable, au sens propre".

Huit ans plus tard, les mots ne sont pas plus tendres à l’égard des jeunes. Au printemps 2008, lorsque la jeunesse descend dans la rue pour protester contre les 11 200 suppressions de postes prévues à la rentrée, le ministre déclare : "Une fois les banderoles, les cercueils, les rimes sur Darcos en "os", du style "Darcos aux Galapagos" ou "Darcos, tu l’auras dans l’os" rangées, que restera-t-il sur le fond ? C’est une bouffonnerie. Ils peuvent défiler, mais tout ça ne sert à rien ! Les vraies questions sur l’inefficacité du système éducatif demeureront". Aujourd’hui encore, un excellent connaisseur du dossier au ministère assure et assume : "Ce mouvement a été une grande supercherie, une fumisterie. Comme si des enfants peuvent avoir un avis sur l’éducation nationale et la bonne marche du pays !".

Une consultation passée inaperçue

Pour calmer le jeu, Xavier Darcos précipite néanmoins la réforme du lycée, qu’il a en tête dès la campagne présidentielle de 2007. Des points de convergence sont signés avec les syndicats d’élèves, d’enseignants, de chefs d’établissements. Jean-Paul de Gaudemar, le recteur d’Aix-Marseille, est nommé chargé de mission et entame une discrète consultation. Une erreur de casting ? "De Gaudemar est une personnalité forte dans l’éducation nationale, mais il n’est pas médiatique. De plus, il est loin de Paris", analyse aujourd’hui l’un des acteurs de la réforme. Sa consultation n’aura servi à rien. Pire, ses travaux fuitent et c’est l’hallali. "C’est évidemment le schéma le plus jusqu’au-boutiste, le plus révolutionnaire dans l’esprit "lycée à la carte" qui a retenu l’attention. Le ministre aurait tout de suite dû dire "non, ce n’est pas cela qu’on va retenir", poursuit notre interlocuteur.


La pression des lobbies

Dès lors, Xavier Darcos s’emploie à éteindre les incendies de toutes parts. "Il a commencé à faire des comptes d’apothicaire sur des ½ heures de cours à donner à telle ou telle discipline. L’architecture de la réforme a évolué en permanence sous l’impulsion des lobbies. Tout a été fait en fonction des équilibres politiques – il s’agissait de ne fâcher personne – plus que des données techniques et pédagogiques. A partir de ce moment-là, c’était la révolution ou le statu quo. Finalement, on a eu les deux !", analyse Philippe Meirieu, professeur en sciences de l’éducation à l’université de Lyon. C’est ce moment que les lycéens choisissent pour se rappeler au bon souvenir d’un ministre dont ils disent "qu’il ne les écoute pas, ne les respecte pas".

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