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Communiqué de l’AECSE concernant la réforme de la formation des enseignants (7 décembre 2009)

dimanche 13 décembre 2009, par Laurence

L’Association des Enseignants et Chercheurs en Sciences de l’Education
(AECSE) tient à faire part de ses positions actuelles sur la réforme
de la formation des maîtres. Pour assurer une formation
professionnelle et universitaire de haut niveau des enseignants
français, nous avons exprimé en septembre 2008 plusieurs principes
généraux susceptibles de guider la construction de la nouvelle offre
de master destinée à former les futurs enseignants, principes que nous
rappelons :

- la création de masters nouveaux, élaborés spécialement pour former
ces professionnels ;

- la prise en compte des besoins de compétences du métier en lien avec
la forte évolution des conditions d’exercice de l’activité
enseignante. À cet égard, l’acquisition des savoirs issus des
disciplines enseignées à l’école est certes nécessaire à l’exercice
d’un enseignement spécifique, mais elle n’est en aucun cas suffisante.
L’activité enseignante ne peut plus s’envisager aujourd’hui sans
s’adosser aux savoirs issus des sciences humaines et sociales, dont
les sciences de l’éducation, sans oublier les enjeux éthiques qui leur
sont liés ;

- la nécessité de rendre possibles des évolutions de carrière des
enseignants de façon à leur permettre une véritable mobilité au sein
ou en dehors du système éducatif et donc la proposition de passerelles
et de parcours alternatifs vers un ensemble de métiers de l’éducation
et de la formation, en cas d’échec au concours ou de souhait de
réorientation des étudiants vers d’autres débouchés professionnels ;

- la nécessité d’envisager la formation universitaire des enseignants
comme une formation professionnelle complète s’appuyant sur le
référentiel de compétences (Cahier des charges de la formation des
maîtres en IUFM, arrêté du 19/12/2006 ; circulaire n° 2007-045 du
28/02/2007), comportant un exercice réel de l’activité professionnelle
et un dispositif d’exploitation formative de cette expérience piloté
parles établissements universitaires et leurs composantes et
accompagnée par des universitaires et des professionnels formés et
qualifiés pour le faire ;

- une véritable formation en alternance, progressive sur l’ensemble du
cursus (de la pré-professionnalisation en Licence, à la
professionnalisation en master) comportant des stages de « pratique
accompagnée » des stages en responsabilité susceptibles d’apporter aux
futurs enseignants une indispensable expérience des publics et des
terrains scolaires et s’appuyant sur l’élaboration d’un mémoire
exigeant, destiné à construire une capacité réflexive à l’égard de la
pratique, garant de solides capacités d’adaptation, de renouvellement
des compétences et d’innovation ;

- une formation d’enseignement supérieur adossée à des structures et à
des démarches de recherche portant sur la réalité des situations et
des pratiques éducatives, et des processus de construction des
apprentissages, la mobilisation de l’ensemble des compétences de
recherche et de formation présentes dans l’enseignement supérieur
entre sciences de l’éducation et autres disciplines ;

- la construction d’une offre de formation modulaire et déclinée de
manière différenciée en fonction des catégories (PE, PLC, PLP, CPE) et
des matières d’enseignement ;

- une coordination structurée de l’offre de formation au sein des
universités mutualisant et articulant entre elles l’ensemble des
ressources nécessaires à la formation des enseignants.

Or, la plupart de ces principes nous semblent avoir été ou abandonnés
ou non retenus par les propositions ministérielles en date du 13
Novembre 2009. De ce fait, les enseignants et chercheurs en sciences
de l’éducation s’interrogent à la fois sur le projet réellement
poursuivi par le gouvernement et sur la conception qu’il a de la
formation des enseignants. L’enseignement est une fonction majeure
dans la vie sociale. Son importance n’en est que plus grande dans une
société en forte et en rapide évolution. La manière dont est conduit
l’actuel projet de réforme de la formation des enseignants n’estpas à
la hauteur de ces défis et de l’éducation dont les citoyens sont en
droit de bénéficier dans le cadre d’un politique éducative qui doit
assurer l’égalité des chances pour tous. Comme d’autres instances,
notre association s’est trouvée au cours de l’année 2009 associée à
des groupes de travail à l’initiative de la CDIUFM et de la CPU. S’est
alors instaurée une démarche de réflexion dont sont ressorties des
propositions concrètes et constructives.

En ce mois de décembre 2009, nous considérons que cette phase de
concertation qui a mobilisé de nombreux professionnels, leur temps,
leurs compétences, leur énergie a constitué un leurre. Les récentes
positions et déclarations ministérielles manifestent à quel point tout
cela a été vain. La politique de réforme telle qu’elle est menée
conduit à désorganiser nos établissements, voire à les paralyser en
provoquant des mouvements sociaux de grande ampleur, à plonger dans le
désarroi les futurs étudiants et les professionnels des IUFM qui n’ont
plus aucun repère pour imaginer ce que sera leur avenir.

En ce mois de décembre 2009, nous, enseignants et chercheurs en
Sciences de l’éducation de l’AECSE réprouvons et dénonçons une réforme :

- qui méprise l’importance du métier d’enseignant et par là le droit à
l’éducation qui est celui de tout citoyen, qui ignore les savoirs
scientifiques sur les pratiques enseignantes et leurs effets, pourtant
nombreux dans les recherches en éducation (que dirait-on d’une
formation des médecins qui ne s’appuierait pas sur les connaissances
scientifiques médicales ?)

- qui néglige la complexité actuelle de l’exercice du métier
d’enseignant (en reproduisant des formations disciplinaires, évacuant
les registres de compétences du métier autres que la maîtrise des
savoirs liés aux disciplines enseignées à l’école alors même que les
lycéens attirent l’attention sur le déficit de formation de leurs
enseignants sur des registres autres que la maîtrise des disciplines).
(cf. La déclaration commune de la FCPE, de l’UNL, de la FIDL de ce 7
décembre) ;

- qui fait courir aux élèves, aux familles et aux jeunes
professionnels le risque majeurde placer dans des classes et en face
d’élèves des jeunes enseignants non préparés et qui découvriront, sans
filet, les difficultés du métier, sans pouvoir bénéficier du retour
sur expérience accompagné qui est pourtant pratiqué depuis de
nombreuses années dans la plupart des formations professionnelles en
alternance ;

- enfin, qui fait fi des propositions constructives et soucieuses de
l’intérêt général formulées par les différents acteurs concernés.

De toute évidence les conditions pour un débat démocratique sur la
formation des enseignants ne sont pas réunies. L’analyse des
événements de ces 18 derniers mois ne peut qu’inciter àpenser que le
gouvernement n’a pas fait évoluer son projet initial qu’il poursuit
avec constance, sans égard ni pour les avis des experts, ni pour les
mouvements sociaux. Il semble donc considérer que les questions
éducatives ne sont pas dignes de bénéficier de la consultation de
celles et ceux qui les connaissent le mieux.