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Appel à la vigilance - Communiqué du C3N, 18 décembre 2009

jeudi 7 janvier 2010, par Laurence

Voir aussi en document joint, la lettre de Philippe Régnier, président du Conseil Scientifique de l’Institut National des SHS du CNRS, lettre qui concerne plus spécifiquement les SHS.

Le C3N regroupe le bureau du Conseil Scientifique (CS) du CNRS, les présidents des
Conseils Scientifiques de Département (CSD) et le bureau de la Conférence des Présidents
des sections du Comité National (CPCN).

Constatant l’accélération et l’aggravation d’évolutions négatives contre lesquelles il
n’avait cessé de mettre en garde, il était intervenu avec force au printemps 2009 afin de faire
peser plus fortement l’avis des scientifiques relativement à l’ensemble des décisions en passe
d’être prises concernant en particulier l’emploi scientifique, l’avenir des unités de recherche, et
du CNRS. Nous avions par exemple en ligne de mire la question des chaires, le Contrat
d’Objectifs du CNRS, et le décret à venir concernant cet organisme.
Nous voulons aujourd’hui ébaucher un bilan (très partiel et provisoire) de ces derniers
mois. Celui-ci ne peut qu’être en demi-teinte et insatisfaisant, voire irritant, car les quelques
succès relatifs à mettre au compte des actions collectives et des négociations sont à chaque
fois tempérés par de sérieux motifs d’inquiétude.

Concernant l’emploi scientifique, le mouvement revendicatif du printemps dernier a
obtenu la promesse qu’aucun emploi ne serait supprimé dans les deux prochaines années
(universités et organismes de recherche). En parallèle, le ministère a finalement « redonné »
aux organismes les 130 postes confisqués et indûment masqués par les chaires dites
d’excellence, tout en maintenant d’ailleurs ce dispositif de chaires largement critiqué. Les
postes aux concours 2010, sans être en nombre exceptionnel, marquent un premier succès des
revendications. Il n’en reste pas moins que la précarité, en particulier dans la tranche d’âge 30-
40 ans, reste un problème majeur qui requiert impérativement un plan pluriannuel de création
d’emplois scientifiques.

Concernant l’avenir du CNRS, la tentative de démantèlement direct, clairement à
l’œuvre en 2008, a été pour le moment repoussée. Le choix d’une continuité thématique,
largement plébiscité par la communauté scientifique, s’est imposé. Les Instituts restent sous le
contrôle (nomination et budget) de la direction du CNRS. Il n’en reste pas moins que la
tentation d’un découpage rampant n’est pas écartée, et que celui-ci semble facilité par la
montée en puissance des Alliances. S’il appuiera toute initiative visant à mieux coordonner les
efforts scientifiques lorsque des disciplines sont partagées sur plusieurs organismes, le C3N
appelle à la plus grande vigilance quant aux dérives à craindre au sein de ces Alliances, en
particulier concernant les sciences de la vie.

Concernant les unités de recherche, le ministère a finalement admis que l’Unité Mixte
de Recherche (avec tutelle locale et nationale) est la structure opérationnelle de recherche la
plus appropriée dans le cas général. Mais le CNRS s’engage dans une voie dangereuse en
différenciant les UMR du point de vue de la gestion financière, et en privilégiant les critères
quantitatifs pour décider du maintien ou non de leur rattachement, ainsi que du degré et de la
forme à donner au soutien qu’il leur apporte.

Concernant le financement de la recherche, si le pouvoir politique continue de
privilégier le financement sur projet, il a au moins été sensible à une revendication constante
du milieu scientifique d’augmenter la part du « blanc », où l’initiative du programme de
recherche à réaliser vient des scientifiques eux-mêmes, dans la programmation ANR. Il faudra
concrètement vérifier que le passage promis du blanc à 50% est réel, ne soit pas en fait
neutralisé par un simple déplacement des cloisons entre programmations thématiques
existantes, et que l’augmentation du préciput profite bien aux laboratoires comme annoncé. Il
n’en reste pas moins qu’un rééquilibrage en faveur des organismes (en particulier des soutiens
de base des laboratoires, creusets de la recherche), reste plus que jamais d’actualité, afin que
puissent s’élaborer et se mener des politiques scientifiques ambitieuses. Le C3N s’associe par
ailleurs aux revendications récurrentes des Directeurs d’Unités en faveur d’une réelle
simplification de gestion et mettant en garde contre les effets pervers de la gestion à coûts
complets.

Concernant la revalorisation des carrières, promise par le Ministère, le C3N salue
comme positive l’augmentation du nombre de promotions proposées cette année. Mais il
s’associe aux critiques nombreuses, convergentes et de fond qui ont été émises, en particulier
par l’intermédiaire de la CPCN, sur la mise en place des « primes d’excellence scientifique »
(PES), aux critères et effets discutables. D’autres solutions existaient, qui n’ont pas été
utilisées. Il n’est pas encore trop tard pour procéder à des infléchissements tenant compte des
avis majoritairement exprimés par les sections du Comité National.

La mauvaise place donnée à l’évaluation de la recherche dans le nouveau décret du
CNRS restera un point noir de cette période récente. Cédant à une approche quasi
idéologique, confondant les comités de visite ponctuels des unités, organisés par une agence
(l’AERES) dont la pertinence, la transparence et l’indépendance sont par ailleurs
controversées, avec l’ensemble du processus continu et complexe d’évaluation de la recherche
qui permet à un organisme de recherche de se repérer, le Ministère a refusé d’écouter jusqu’au
Conseil Supérieur de la Recherche et de la Technologie, qui avait pourtant critiqué à
l’unanimité de ses membres cette partie du décret. L’écart entre cette partie du décret du
CNRS, et celui de l’INSERM de mars dernier (qui énonce à juste titre que « les commissions
scientifiques spécialisées participent à l’évaluation des unités de recherche »), reste
problématique.

Concernant enfin la constitution et le rôle du Comité National, le C3N considère là aussi
que certains des projets les plus funestes ont dû être abandonnés, comme ceux qui visaient à
réduire (voire dans certains cas à annuler) la part des personnels élus dans ses différentes
instances. Mais il persiste à dénoncer comme un grave facteur de désordre le principe
ubuesque qui a été entériné, et qui s’avérera en pratique intenable, de disjoindre l’évaluation
des unités de celle l’évaluation des acteurs individuels de la recherche qui les constituent.

Nous faisons donc face à une situation contrastée. D’un côté, la mobilisation très large
et très responsable des personnels de la recherche a empêché le pire et préservé la possibilité
d’évolutions positives. D’un autre côté, des dispositions dommageables ont été mises en
place, qui ouvrent la porte à la continuation de la mise en œuvre, obstinée et par petites
touches décisives, de toute une série d’idées fausses et dangereuses. Le Contrat d’Objectifs et
le décret du CNRS expriment, avec leurs défauts, et pour quelque temps, cet état de fait
ambigu. Le C3N considère donc qu’il faut maintenant passer à une nouvelle étape
d’organisation de la vigilance pour en prévenir les dérives. Dans le même temps, il suspend
son appel au moratoire des expertises à l’ANR et à l’AERES (qu’il avait lancé en février
2009, rejoignant alors un mode d’action déjà prôné par d’autres, syndicats et associations), tout
en assurant qu’il n’hésitera pas à le relancer, sur des bases plus larges et en le combinant avec
d’autres formes d’action, si l’actualité le rendait nécessaire.

Enfin, le C3N rappelle que des élections vont avoir lieu courant 2010 pour constituer les
futurs conseils scientifiques du CNRS. Il appelle l’ensemble des personnels à faire vivre, par
leur participation massive et leur vigilance collective, les structures représentatives de la
recherche.