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Masterisation : un jeu de taquin dans l’éducation - L. Fessard, Mediapart, 24 octobre 2010

lundi 25 octobre 2010, par Mathieu

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Combinée aux 16.000 suppressions de postes de la rentrée 2010, la réforme de la formation des enseignants semble provoquer des dysfonctionnements en chaîne dans le système éducatif. Avec un petit côté jeu de chaises musicales. Les professeurs stagiaires, placés à temps plein dès la rentrée dans les collèges et lycées (16 ou 18 heures au lieu de 6 heures avant la masterisation), bénéficient tout de même de quelques journées de formation professionnelle organisées par les rectorats. « Après la Toussaint, le problème du remplacement, récurrent à cette période avec les épidémies de grippe, etc., va s’aggraver avec le départ des stagiaires en formation », souligne Emmanuel Mercier, secrétaire national du Snes, responsable du secteur formation.

« Dans deux académies, on va retirer les enseignants qui remplacent des congés maternité pour les mettre sur des remplacements de stagiaires en formation », explique Daniel Robin, secrétaire général du Snes. Ce qui revient à déshabiller Pierre pour habiller Paul. Guillaume, un professeur d’anglais stagiaire de 24 ans, en formation cette semaine à Paris, devait lui être remplacé par une assistante de langue, c’est-à-dire une étudiante étrangère normalement chargée de seconder un prof. « Elle a refusé car ce n’est pas réglementaire, donc mes élèves n’ont pas eu cours cette semaine », dit-il.

Bricolage toujours, dans la région parisienne, des stagiaires de mathématiques, de sciences et vie de la terre (SVT), et d’EPS, vont eux être remplacés par des professeurs de... physique, manifestement en surnombre ! « C’est une vision très régressive du métier d’enseignant, comme s’il relevait uniquement de compétences techniques et d’animation de groupe, estime Marie-Albane de Suremain, maître de conférences en histoire contemporaine à l’université de Paris-12-IUFM de Créteil. Si vous savez enseigner telle matière, alors vous pouvez aussi en enseigner une autre, il suffit de savoir tenir une classe et de piocher dans des banques de données d’exercice ! »

Poussant la logique jusqu’au bout, les inspecteurs d’académie de Nantes et de Paris ont même fait appel à des instituteurs, en surnombre à Paris ou placés sur des missions spécifiques (aide aux enfants en difficulté, remplacement ou conseiller pédagogique) à Nantes, pour effectuer des remplacements dans les collèges et lycées. « Un enseignant du primaire n’est pas formé et n’a pas les compétences pour enseigner dans le secondaire, ce n’est pas le même métier, s’indigne une professeur des écoles parisienne qui souhaite rester anonyme. La volonté de rentabiliser chaque poste d’enseignant (un enseignant doit être devant une classe) est criante. On supprime tout ce qui cimente et renforce une équipe pédagogique (Rased, conseillers pédagogiques, remplaçants). »

Moins de formation continue

La formation continue des enseignants fait aussi, dans plusieurs académies désargentées, les frais des restrictions budgétaires et de la masterisation. « Dans l’académie de Nantes, il semble que, dans leur grande majorité, les actions de formation continue à l’intention des enseignants titulaires aient été supprimées, et ce dans toutes les disciplines, pour des raisons budgétaires », témoigne Jean-Marc Patin, directeur de l’institut de recherche sur l’enseignement des mathématiques (Irem) de Nantes, une structure qui propose des ressources et des formations aux enseignants de mathématiques. A Toulouse, les huit stages prévus de deux ou jours de formation continue en mathématiques n’ont pas été ouverts cette rentrée « faute de budget pour rembourser les déplacements des enseignants », selon le directeur de l’Irem de Toulouse, Xavier Buff.

« On était habitués depuis plusieurs années à voir une diminution de 20% par an du budget formation mais jamais au niveau actuel », explique Xavier Buff. Les rectorats sont désormais en charge de la formation professionnelle des enseignants débutants, sans avoir bénéficié du transfert du budget correspondant. « Il s’agit essentiellement d’une décision budgétaire, et, parmi les "raisons diverses" évoquées, je crois que l’une des plus importantes est la priorité absolue donnée au sauvetage professionnel des néo-certifiés stagiaires qui ont été directement lancés cette année dans le métier sans aucune formation », précise un directeur de l’Irem, souhaitant garder l’anonymat.