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Etudiants à Nanterre : « C’est la misère qui nous attend ! », Rue 89, 26 octobre 2010

mardi 26 octobre 2010, par Martin Rossignole

A Nanterre, vivier de la tradition contestataire, les étudiants ont reconduit le blocage de la fac contre la réforme des retraites. Reportage.

(De Nanterre) « C’est le plus grand mouvement depuis Mai 68 ! », harangue un militant depuis l’estrade. Des rires fusent dans l’amphithéâtre. Convaincus ou incrédules, les étudiants sont venus nombreux à l’assemblée générale organisée à Paris-X Nanterre, où le mouvement contre la réforme des retraites ne fait que commencer.

A deux pas du lycée Joliot-Curie, où jeunes et forces de l’ordre se sont violemment affrontés la semaine dernière, l’établissement de Nanterre entamait lundi son deuxième jour de blocage. Si l’on en croit l’Union nationale des étudiants de France (Unef), 37 universités se sont mobilisées le 25 octobre. Le syndicat a appelé les étudiants à manifester ce mardi. (Voir la vidéo)

« On fait raquer les plus pauvres »

Comme beaucoup de militants présents à l’AG, Vanessa fait partie de l’Unef et du NPA. Pour elle, la mobilisation des étudiants est primordiale :

« Cette semaine est déterminante. Les lycéens sont en vacances, c’est donc à nous de prendre le relais pour massifier le mouvement et faire peur au gouvernement. »

Conformément à la tradition, c’est dans un bâtiment dédié aux sciences humaines que se sont réunis les militants. Pour Jean-Baptiste, étudiant en master d’Histoire, la réforme des retraites concerne directement les étudiants :

« Nous sommes déjà dans la précarité, et c’est la misère qui nous attend ! Etant donné que nous commençons à travailler à 27 ans en moyenne, nous ne pourrons pas cotiser pendant quarante et un ans, et il nous faudra partir avant d’avoir une retraite à taux plein. »

Sa camarade Mina juge cette mesure particulièrement choquante dans le contexte de la crise économique qui a touché les pays européens :

« Encore une fois, on fait raquer les plus pauvres, alors qu’on a lâché des millions d’euros pour sauver les banques et qu’on continue d’accorder des cadeaux fiscaux aux entreprises. »

Après des débats agités, l’assemblée se prononce pour la grève avec une majorité de 430 étudiants contre 26 opposants. Les voix se divisent au sujet du blocage, qui est néanmoins reconduit jusqu’à jeudi, date de la prochaine AG.

« Le mouvement n’est pas minoritaire, il est marginal »

Armé d’une banderole, le cortège entreprend de « débrayer » les bâtiments de droit et d’économie, où règne une tout autre ambiance. Dans un amphi bondé, les étudiants sont penchés sur leurs ordinateurs portables et accueillent avec moue, voire colère les militants venus annoncer le blocage de l’université. Une étudiante s’écrie :

« La réforme est passée ! Vous n’avez qu’à bien voter en 2012. »

En deuxième année d’économie, Arthur est décidé à suivre ses cours normalement. Il tient à minimiser l’ampleur de la mobilisation :

« Ce mouvement n’est pas minoritaire, il est marginal ! Les syndicats vous diront qu’ils sont 4 500, mais en réalité ce sont toujours les mêmes péquenots qui font la grève. Ils sont 80, tout au plus. »

Dans le bâtiment d’histoire, une association prônant l’agriculture de proximité sert de la soupe de pois cassés et de la tarte aux poireaux. Entre deux bouchées, les discussions vont bon train. Barthélémy, étudiant en master, se dit choqué par l’attitude du gouvernement, mais s’interroge sur la pertinence des revendications :

« Tout le monde se mobilise pour les retraites, alors qu’il y a des mesures beaucoup plus préoccupantes comme l’expulsion des Roms, la restriction de la liberté de la presse, les fermetures de tribunaux ou encore la diminution des effectifs dans l’Education nationale. »

« C’est aux étudiants de soutenir les lycéens »

Devant la division suscitée par la réforme des retraites, certains étudiants prônent un rassemblement autour de questions plus larges. Georges, en troisième année de sociologie et militant à l’Agen (Association générale des étudiants de Nanterre), insiste sur la nécessité pour les étudiants de se mobiliser contre le « plan d’austérité » ou encore le « racisme d’Etat » du gouvernement :

« Certaines structures syndicales pensent qu’il faut se concentrer sur la question des retraites. Mais ça ne parle pas assez aux étudiants pour les mobiliser. »

Sans oublier la « stigmatisation des jeunes des quartiers », qui revient dans de nombreuses discussions à propos de la répression du mouvement lycéen.

Sou, étudiant en troisième année de sociologie, rappelle ainsi la discrimination sociale et ethnique qui touche les jeunes des quartiers populaires, un problème parfois oublié des étudiants venus de milieux sociaux plus favorisés :

« Quand les lycéens subissaient la répression, la plupart d’entre nous allions en cours comme si de rien n’était. Aujourd’hui, c’est à nous, étudiants, de prendre position pour soutenir les lycéens, comme ils nous l’ont demandé. »