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Va-t-on vers la disparition du service public de l’enseignement supérieur et de la recherche ? À travers l’université on attaque la société libre et démocratique - Marc Delepouve, co-responsable du secteur international du SNESUP-FSU, universitaire lillois, "L’Humanité", 28 février 2011

mardi 1er mars 2011, par Elie

Le 7 janvier 2011, dix-sept groupements d’universités, écoles et organismes de recherche ont déposé des projets initiative d’excellence (Idex) auprès du ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche. Objectif, approfondir la transformation de l’enseignement supérieur et de la recherche, entamée en 2006 et participant à l’affaiblissement général de la liberté et de la démocratie, par une soumission aux entreprises, aux contraintes économiques ou financières et à une logique totalisante.

Sous une forme aggravée en France, ce mouvement se développe en Europe et dans le monde. Faut-il pour autant céder au fatalisme ? Nous considérons que non. Trop, c’est trop. Le temps est venu de se rassembler et de s’opposer, à tous les niveaux, local, régional, national, européen et international.

Le Nord-Pas-de-Calais a déposé un projet Idex. Il est à l’image des 16 autres. Cela ne peut surprendre car, selon le ministère, seulement 5 à 10 projets seront retenus. Il a donc fallu se plier aux demandes du ministère, afin d’obtenir une dotation en capital dans le cadre du grand emprunt. Mais surtout, il s’agit d’être parmi les bons élèves, ceux que le ministère arrosera dans le cadre d’un financement par l’État de moins en moins défini en fonction des besoins du service public mais en fonction de projets, de critères improprement qualifiés d’excellence, et finalement d’une soumission aux desiderata de l’État et des entreprises. Aussi, la mise en concurrence des universités, aux échelles nationale, européenne et mondiale, pousse à tout faire pour acquérir notoriété, attractivité et finalement compétitivité. Pour ce faire, décrocher le label Idex serait indispensable.

Premier trait notable du projet nordiste, le vocabulaire employé, celui de l’entreprise : gouvernance, promotion des valeurs à l’interne et à l’externe, conseil de surveillance, directoire, benchmark… Les mots importent, et les représentants des entreprises seront ainsi en milieu connu. Au-delà, ce vocabulaire correspond à un mode d’organisation et de direction importé du monde de l’entreprise.

Deuxième trait, l’effacement de la frontière public privé et une absence de démocratie interne (de toute façon incompatible avec le management entrepreneurial proposé) :

– présence de la faculté catholique de Lille ;

– place centrale accordée aux partenariats avec le privé ;

– création d’une « fondation abritante » ;

– instances de pouvoirs où les représentants d’entreprises et, dans une moindre mesure, de collectivités locales sont les seuls membres extérieurs au monde de l’université et de la recherche. Par ailleurs, nous n’y trouvons aucun élu ou représentant des personnels, ce qui opère une rupture avec la démocratie universitaire, gage d’indépendance scientifique et de responsabilité collective.

Nous n’aborderons pas ici certains aspects du projet : salaire individualisé, destruction de collectifs, de solidarités et de coopérations…

Un point très politique. Quatre « clusters d’excellence scientifique », liant entreprises et recherche, constituent les « piliers » de l’Idex. Le cluster ADA, « argumenter, décider, agir », mérite une attention particulière. Il s’agit de « mener une politique de collaboration entre la recherche en sciences humaines et sociales et le monde politique, économique et social, et de développer des applications : aide à la décision, communication politique et publique, commerce, marketing, management organisationnel, mais aussi plus fondamentalement formation citoyenne et éducation ». « Le cluster mettra en place un fonds de dotation. Les réseaux d’entreprises mais aussi les opérateurs de développement et la société civile seront sollicités. »

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