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Enseignants fantômes ou estimation fantôme ? Les chiffres mystérieux de Georges Tron - Luc Cédelle, blog "Interro écrite", 28 avril 2011

dimanche 1er mai 2011, par Elie

Dans une déclaration faite lors d’un « tchat » mercredi 27 avril sur le site du Monde, Georges Tron, secrétaire d’Etat chargé de la fonction publique, a avancé, à la surprise générale, le chiffre de « 18 000 professeurs dans le secteur primaire » qui « ne sont pas directement en relation d’enseignement avec les enfants ».

Les responsables des différents syndicats d’enseignants du primaire se sont indignés de ces déclarations jugées par eux « provocantes ». Ils se sont également interrogés sur le mode de calcul aboutissant à un chiffre que tous assurent n’avoir « jamais entendu » dans la bouche de leurs interlocuteurs officiels et encore moins lu dans un quelconque document.

“C’est énorme”

« 18 000 c’est énorme », remarque Christian Chevalier, du SE-UNSA, émettant l’hypothèse que la plus grosse part d’une telle estimation puisse provenir des décharges accordées aux directeurs d’écoles. Dans ce cas, il faudrait raisonner en « équivalents temps plein » et non en nombre d’enseignants, comme le fait M. Tron. Cependant, ces décharges sont justifiées : elles correspondent à un travail non seulement réel mais le plus souvent sous-estimé.

D’autre part, indique Sébastien Sihr, secrétaire général du SNUipp-FSU, 60% des quelque 50 000 écoles en France comportent moins de 5 classes, c’est-à-dire sont en dessous du seuil à partir duquel leurs directions bénéficient d’une décharge. Dans la catégorie comportant de 5 à 9 classes, la décharge est seulement d’une journée. Les directions bénéficient de 2 jours, soit une demi-décharge, dans les écoles de 9 à 12 classes, et d’une décharge complète au dessus de 12 classes.

Les membres de réseaux d’aide, les Rased, sont en constante diminution en raison de la politique ministérielle et ne peuvent être considérés comme n’étant « pas directement en relation d’enseignement avec les enfants », à moins que le secrétaire d’Etat ne veuille dire par là « devant une classe entière ».

Les conseillers pédagogiques ne sont effectivement pas en contact direct avec les élèves, mais selon M. Sihr, leur nombre serait de l’ordre de 2500 au niveau national. Généralistes ou bien spécialisés dans les arts visuels ou l’éducation musicale, ils sont attachés à une circonscription scolaire où ils mettent en place des actions de formation et accompagnent les débutants, fonction actuellement cruciale du fait de la disparition de l’année de formation en alternance après le concours.

Même chose, mais de manière encore plus flagrante, en ce qui concerne les maîtres formateurs : au nombre d’environ 7000, ils enseignent 3 jours par semaine et sont déchargés une journée… avec mission d’accompagner les enseignants stagiaires et d’intervenir en formation continue.

S’agirait-il alors des remplaçants, dont chacun sait qu’ils ne peuvent être utilisés à 100%, à moins du supprimer toute marge de manœuvre ? Mais lorsqu’ils n’ont pas encore, par exemple en tout début d’année scolaire, de remplacements à effectuer, ils ont tous une école de rattachement dans laquelle ils effectuent différentes tâches d’appui aux autres enseignants, souligne M. Sihr.

Si les propos du secrétaire d’Etat visent les bénéficiaires de décharges syndicales, cela ne « marche » pas non plus : toutes organisations confondues, il n’y a « pas plus de 300 » décharges syndicales dans l’enseignement primaire, estime M. Sihr, dont une centaine pour son organisation. Christian Chevalier, du SE-UNSA, confirme cette estimation.

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