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Investissements d’avenir : le désaménagement scientifique du territoire à la sauce Sarkozy - SNCS-HEBDO 11 n°09 du 11 mai 2011

mercredi 11 mai 2011, par Laurence

Le Grand Emprunt, étonnante martingale budgétaire promise à devenir un gouffre pour les deniers public, est le levier imaginé par le gouvernement pour restructurer profondément et durablement le système de recherche français. Nous le savons, Nicolas Sarkozy veut depuis 2007 que quelques sites universitaires français puissent se poser en rivaux des soi-disant géants anglo-saxons. Après 5 ans d’efforts, nul doute qu’il proclamera que son but est atteint, mais les dégâts sont terrifiants : asphyxie progressive des organismes de recherche nationaux, instauration d’une concurrence stérile entre les universités et entre les régions, inscription en tête de la politique nationale de recherche de la satisfaction à court terme des grands groupes privés. Cette entreprise de démolition institutionnelle laisse dans son sillage un effrayant désaménagement du territoire. Le résultat des appels d’offre Idex, Labex, Equipex et IHU le confirme : un vaste « Middle-west » à la française est en train de se créer.

Bureau national du SNCS-FSU

Pour lire ce texte sur le site du SNCS

Depuis juillet 2010, la communauté scientifique est sommée de plancher sur son avenir, forcément radieux. A grands coups d’une communication bien orchestrée, on nous fait croire que 35 milliards d’euros vont venir dynamiser le secteur de la recherche et de l’enseignement supérieur ! 35 milliards … Plutôt juste 21,9 milliards, qui y sont consacrés pour 10 ans … En fait, seulement les intérêts annuels de ces sommes placées à 3,8 % auprès de la Caisse des dépôts. Mais d’où vient cet argent ? Des marchés bien sûr, qui ne l’auront prêté à l’Etat qu’à prix d’or, et du remboursement par les banques des prêts consentis par l’État pour éviter leurs effondrements en 2008, une belle source de financement d’avenir !

Comment l’Etat va-t-il gérer cet argent ? Les débats parlementaires récents sur le programme de stabilité de l’économie française révèlent que «  les dépenses supplémentaires » liées au grand emprunt « n’auront aucun impact sur le déficit total puisque les intérêts versés par le compte du Trésor seront gagés, par ailleurs, sur le budget de l’État par des économies sur les dépenses de fonctionnement ». Cela signifie que les opérateurs de l’Etat, dont le CNRS, vont devoir renoncer drastiquement à leur politique de recherche. Heureusement que la Révision Générale des Politiques Publiques (RGPP) est là pour aider nos organismes de recherche à dégraisser leurs surplus de personnel ! La logique terrifiante du grand emprunt apparaît là sous son vrai jour : attribuer à quelques-uns des moyens d’exister en ôtant toute possibilité de respirer aux autres : ceux qui n’auront pas été retenus à la grande foire des Ex ! C’est une danse macabre que la communauté scientifique a entamée … 35 milliards de mieux nous disait-on ? En réalité on ne fait que déshabiller Pierre pour habiller Paul !

Et le rôle des régions dans tout ça ? Leurs champs d’interventions dans le supérieur et la recherche se sont étoffés ces dernières années en vertu de leurs compétences dans le développement économique de leurs territoires. Sous la pression de la décentralisation et du désengagement de l’État, elles accompagnent voire imposent une stratégie ciblée sur le soutien de leur politique socio-économique. En lien avec les universités et les pôles de recherche et d’enseignement supérieur (PRES), elles ont cru voir dans le grand emprunt le moyen d’étendre la portée de leurs actions. Elles aussi ont partagé le rêve de Sarkozy… Mais ce rêve est de restreindre de 5 à 7 sites le droit de figurer sur la scène mondiale. De plus, le grand emprunt fige pendant 10 ans les laboratoires retenus dans les Labex et les Idex, et supprime de fait les Contrats de Projets Etat-Région. On conçoit que, dans un pays qui compte 26 régions, les déçues aient été nombreuses … C’est comme si le grand Ouest, le Centre, le Nord n’avaient rien proposé qui pût mériter le label d’excellent. Comment d’une si grande bande du territoire national, l’excellence a-t-elle pu ficher le camp ? Le Val de Loire, berceau de notre langue et de nos arts, n’a-t-il donc plus vocation, pour les princes qui nous gouvernent, qu’à accueillir des cars de touristes ?

Aujourd’hui la communauté scientifique goûte aux fruits amers d’une politique néolibérale de mise en concurrence effrénée. Les porteurs des projets sélectionnés cherchent à décrypter quand l’argent arrivera. Les recalés, quant à eux, vont devoir pour survivre mendier quelques subsides auprès de l’omnipotente Agence Nationale de la Recherche. Mais le soutien de base, c’est fini ! Bien sûr les laboratoires Excellents attireront les chercheurs, enseignants-chercheurs, ingénieurs et techniciens en quête d’un eldorado scientifique, ce qui achèvera de créer partout ailleurs des déserts. On souhaite que nos collègues des SHS sachent là-dedans trouver encore un chemin ! René Ricol, commissaire général au grand emprunt, chargé de distribuer les 35 milliards d’euros, l’a récemment confirmé « Nous ne sommes pas là pour aménager le territoire ».

Il est plus que nécessaire de marquer notre hostilité à cette politique destructrice en la dénonçant lors d’Assemblées Générales, en demandant aux conseils centraux des universités de se positionner et en interpellant élus politiques et média. Faisons donner à plein la pédagogie contre le mensonge !

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