Accueil > Communiqués et textes de SLU > Nouvelle circulaire sur l’année de stage des enseignants : le ministère de (...)

Nouvelle circulaire sur l’année de stage des enseignants : le ministère de l’Éducation nationale entend le Conseil d’État mais reste sourd à la souffrance des stagiaires - Communiqué de Sauvons l’université !, 27 mai 2011

vendredi 27 mai 2011

Le ministère de l’Éducation nationale a visiblement pris acte des rappels au Code de l’Éducation formulés par le Conseil d’État dans sa décision du 9 février 2011 sur le « Dispositif d’accueil, d’accompagnement et de formation des enseignants stagiaires des premiers et second degrés et des personnels d’éducation stagiaires » : d’où une nouvelle circulaire qui doit entrer en vigueur au 1er septembre 2011, abrogeant celle du 25 février 2010 qui avait fait l’objet dune requête à l’initiative de la FCPE, de SLU, de SUD-Éducation et de la FSU. Dans sa décision, le Conseil d’État avait limité les effets de la circulaire de 2010.

Certes, la nouvelle circulaire en tire les conséquences sur trois points importants, mais loin de permettre les « ajustements » dont se gobergent Luc Chatel et Valérie Pécresse depuis le début de la semaine, elle aggrave sous d’autres aspects la situation des stagiaires.

Rôle des IUFM, caractère public de la formation, cadre national

1/ D’une part, le chapeau introductif de la circulaire précise que la formation des enseignants et CPE stagiaires « prendra la forme d’un accompagnement et d’actions de formation dispensées à l’université et dans ses composantes », ajout par rapport à la version précédente. Ce faisant elle se conforme au rappel du Conseil d’État qui affirmait que la circulaire ne peut « remettre en cause le rôle confié par l’article L. 625-1 du code de l’éducation aux instituts universitaires de formation des maîtres » (CE, 9 février 2011), qui depuis leur intégration dans les universités ne sont pas morts, mais en sont des « composantes ».

2/ D’autre part, l’un des points de la circulaire de 2010 qui avait motivé la requête de SLU et des co-requérants prévoyait que les périodes de formation continuées puissent être « dispensées par l’université ou toute autre structure qualifiée ». L’énigmatique référence à « toute autre structure qualifiée » a disparu dans la nouvelle circulaire ; ne reste qu’une mention des « organismes en charge de la formation continue des enseignants du privé ». La formation des enseignants du public sera, elle, bien assurée par le public, après que le CE a rappelé que la référence aux « autres structures qualifiées » ne pouvait viser que « les organismes susceptibles de prendre en charge la formation des enseignants stagiaires de l’enseignement privé » (CE, 9 février 2011).

3/ Enfin, la circulaire s’adresse de manière égale aux différents acteurs concernés, à l’échelle nationale. Les destinataires de la circulaire ne sont plus invités à s’inspirer de principes généraux et orientations nationales pour les décliner dans leurs académies et départements en tenant compte de leurs spécificités.
Cependant, sur d’autres points, cette circulaire aggrave la situation des stagiaires

Charge de travail encore alourdie, accès problématique à la formation

La nouvelle circulaire indique que les « fonctionnaires stagiaires seront affectés, dans toute la mesure du possible, sur des postes complets devant élèves correspondant à l’ORS (obligation réglementaire de service) du corps auquel ils appartiennent », ce qui signifie qu’ils seront affectés à temps plein, sans même une décharge de quelques heures comme cela avait pu être le cas pour le second degré dans certaines académies cette année. Pour le premier degré, l’aggravation est encore plus nette : les enseignants stagiaires avaient, après négociation syndicale, pu être en observation dans la classe d’un enseignant expérimenté jusqu’à la Toussaint. Ils seront en responsabilité à temps plein dès la rentrée.

Un accueil de cinq jours avant la rentrée leur sera proposé, sur invitation seulement, parce que les lauréats des concours ne deviendront fonctionnaires qu’au 1er septembre. Encore faudra-t-il qu’ils connaissent suffisamment tôt leur affectation – les cas d’affectation au ras de la rentrée étant bien trop fréquents – pour pouvoir suivre une telle formation.

Reste la question de savoir ce que représentent cinq jours pour se préparer à l’exercice d’un métier d’emblée à temps plein ? Comment « des formations théoriques à la tenue de classe », certes complétées par « des formations pratiques dans les premiers jours d’exercice », pourraient-elles pallier la suppression d’un véritable formation alternée sur toute une année ?
Les stagiaires devraient suivre une formation d’un volume correspondant à un tiers temps de leur ORS. Mais comme ils sont déjà affectés à temps plein, elle sera dispensée en grande partie en plus de leur service complet. Comment être disponible pour recevoir une quelconque formation ? L’expérience de cette année a montré en effet à quel point les stagiaires se trouvaient pris dans l’urgence perpétuelle de la préparation de leurs cours la veille pour le lendemain (ou le matin même).

Les nouveaux stagiaires se trouveront aussi isolés du fait que les formations devront se dérouler de préférence à l’échelle très locale de la circonscription (premier degré) ou du bassin (2nd degré), et non du département par exemple. Les anciens regroupements, plus larges, permettaient la constitution de promotions de stagiaires mieux susceptibles de résoudre leurs difficultés dès lors qu’ils pouvaient partager leur expérience entre pairs et les analyser en groupe avec des formateurs.

Pour « faciliter le déroulement de ces formations », la circulaire préconise, elle, la constitution de binômes entre stagiaires et… remplaçants ou TZR (titulaires de zone de remplacement), qui sont le plus souvent de jeunes professeurs sans grande expérience ! Étant donné le manque cruel de remplaçants dans certains départements ou académies, bien des stagiaires ne pourront être libérés de leurs heures de service pour suivre leur formation.

Décidément un dispositif bricolé à l’économie, dans un contexte d’équarrissage des postes de l’Éducation nationale. Sans surprise, l’enjeu est toujours bien là : alors que la France avait déjà le plus faible taux d’encadrement des pays de l’OCDE pour l’enseignement primaire – et accessoirement universitaire – en 2007 (rapport du Comité d’analyse stratégique) avec seulement 5 enseignants pour 100 élèves dans le premier degré par exemple, impavide, le gouvernement « dégraisse », taille et maintenant ampute : 16 000 postes ont déjà été supprimés l’an dernier, 16 000 postes le seront à nouveau à la rentrée prochaine, tandis que les effectifs augmentent toujours dans le premier degré et croîtront dès l’année prochaine au collège, grâce au baby boom du millénaire.

Luc Chatel organise le «  master crash » de l’Éducation nationale. Après lui, le déluge !

Sauvons l’Université !,
27 mai 2011.