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L’excellence contre la démocratie (Tribune de SLR, 7 juin 2011)

jeudi 9 juin 2011

La politique d’excellence est d’exclusion

L’usage récent du terme excellence remonte au rapport sur « L’immatériel » de Jean-Pierre Jouyet, rédigé en 2006. On trouve dans ce rapport des expressions comme « promotion de l’excellence », « doter la France d’un système d’enseignement supérieur d’excellence » mais surtout « Mais, pour autant, la France ne peut espérer conduire à un niveau d’excellence internationale plus de quatre-vingts universités et encore plus d’instituts de recherche. ». Cette signification de l’excellence revient tout au long de ce rapport précurseur dont les recommandations contenaient déjà, et entre autres, la LRU, le changement de statut des personnels ou encore la formation de 10 pôles d’excellence. Cette excellence, qui bien entendu n’est jamais clairement définie dans le rapport, est une terminologie habile et cynique.

Le procédé est habile car il emploie un terme qui a un sens pour la communauté, mais qui faute de réflexion récente, n’est pas bien affirmé ou conceptualisé. Je crois que pour notre communauté l’excellence est ressentie comme la démarche dans laquelle chacun se place pour essayer d’atteindre la perfection dans son travail. Dit autrement, l’excellence était pour nous la démarche permanente qui pousse à essayer de se rapprocher de la vérité. J’éviterai ici le terme de qualité ou démarche qualité qui est un autre dévoiement de cette recherche de vérité ou d’excellence. En utilisant donc de manière outrancière ce terme porteur de sens et de valeur pour notre communauté mais à contre-sens, comme un outil de comparaison des acteurs entre eux et non plus face à l’idéal de vérité, le terme d’excellence subit un « essorage sémantique » [1] : son utilisation actuelle profite de l’acceptation de son sens originel par la communauté mais en lui appliquant une toute autre signification et un objectif totalement contradictoire. Voilà pourquoi il est utilisé de manière outrancière en évitant de le définir de manière trop explicite.

Si cette utilisation première du terme excellence était bien associée par son auteur à un principe de renoncement à l’universalité des savoirs et à l’introduction d’un principe de sélection drastique des disciplines et établissements dignes d’intérêt, cette association a ensuite disparu lors de la mise en place des outils permettant de réaliser cet objectif que l’on peut bien qualifier avec Philippe Büttgen et Barbara Cassen de « plan social de la science ». Ce vaste démantèlement, l’abandon pur et simple de champs disciplinaires entiers ne peut se faire rapidement et de manière trop brutale sans engendrer une réaction négative de la communauté. C’est pour cela que le processus procède par étapes successives qui visent toutes à enfoncer des coins dans la communauté universitaire afin de provoquer sa dislocation progressive et affaiblir ainsi ses capacités de résistance.

Les outils du plan social de la science

Le modèle SYMPA est le premier de ces coins. Ce modèle constitue un changement de paradigme où affleure l’excellence. Sa mise en place en 2008-2009 a fait basculer notre système d’enseignement supérieur et de recherche d’un financement sur une logique de besoins à un financement sur une logique concurrentielle de résultats….où par définition les excellents, comprendre les meilleurs, ceux qui répondent le mieux aux critères définis pour quantifier cette excellence, obtiennent plus que les autres. Ce modèle est essentiel dans la perspective du plan social de la science puisqu’il constitue la clé de répartition des moyens. Le modèle SYMPA est aussi contre démocratique dans le sens où il change la ligne de partage entre intérêt individuel et intérêt collectif en donnant un poids nouveau à l’intérêt de chaque établissement qui n’est plus l’intérêt de son voisin.

Après avoir brisé les solidarités inter-établissements, la seconde étape a consisté à affaiblir la collégialité à l’intérieur des établissements en isolant les responsables de leur communauté. Ce fut l’objectif de la LRU et des RCE. L’autonomie financière permet de décentraliser la gestion de la pénurie et de laisser les établissements seuls face à des situations budgétaires dégradées. Dans cette situation, ils n’auront, à terme, pas d’autres choix que de réduire leur offre de formation ou de plaider pour gagner le droit de fixer eux-mêmes les droits d’inscription. Exemple local, à Lyon 1, du fait du sous-encadrement chronique et des effectifs pléthoriques, c’est la licence en 3 ans qui est actuellement en danger dans le département de biologie. Si on revient à la démocratie, la LRU comprend aussi une réforme du mode de scrutin pour l’élection du CA avec le bonus pour la liste arrivée en tête qui permet de retirer un qualificatif classique de la démocratie : représentative. La légitimité des nouveaux CA et donc des nouveaux présidents d’université, n’est plus celle de la représentation de la diversité d’une communauté, elle se restreint simplement à la légitimité d’un processus électoral. Pour apporter une illustration locale, à Lyon 1, Fabien De Marchi, est le seul représentant en catégorie B du groupe IDDE au CA sur 7 sièges, bien que la liste ait rassemblé 47% des suffrages ! Ces nouveaux administrateurs, affranchis de l’obligation morale de représenter une communauté, étaient nécessaires pour la suite du processus. C’est ainsi, toujours à Lyon 1, que le CA a voté la mise en place de chaires mixtes après que le CS ait voté contre… Après tout, ce n’était finalement que l’avis d’un conseil.

Mais le processus électoral pouvait encore amarrer les dirigeants à la communauté, rendant certaines évolutions difficiles à assumer. Il était donc nécessaire de trouver un espace de parfaite autonomie des dirigeants pour aller plus loin dans l’application du plan social de la science. Cet espace fut fourni par les PRES où le nombre d’élus est réduit à la portion congrue (cf. article 344-7 du code de la recherche). C’est donc par les PRES que la phase la plus dure du processus passera, à savoir l’Initiative d’Excellence ou IDEX.

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