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Propositions relatives à l’enseignement supérieur et la recherche de François Hollande - Octobre 2011

lundi 17 octobre 2011

Ces propositions ont été envoyées le 13 octobre à SLU par Geneviève Fioraso qui coordonne avec Jean-Yves Le Déaut les questions d’ESR pour François Hollande.

François Hollande a placé la jeunesse au cœur de son projet pour la France.

L’éducation, de la petite enfance à l’enseignement supérieur, sera donc une priorité avec l’objectif de lutter contre l’échec scolaire afin d’augmenter significativement le nombre de jeunes diplômés de l’enseignement supérieur et d’améliorer l’égalité d’accès à ces diplômes, de refaire de l’Université un lieu d’ascension sociale. L’élection présidentielle est en effet le moment privilégié pour discuter de la place que doivent occuper l’Enseignement supérieur et la Recherche dans notre pays ainsi que du rapport entre recherche et grands débats sociétaux. Il faut établir de nouveaux rapports entre chercheurs, scientifiques et citoyens. François Hollande prône le progrès partagé et maîtrisé, au service du bien public. Cette formation, la plus qualifiante possible, doit à la fois soutenir la diffusion des savoirs contre une simple acquisition de « compétences » et permettre de s’insérer dans la vie professionnelle. Préparer l’avenir de notre jeunesse, c’est aussi disposer d’une recherche forte, du fondamental à l’application, et, en sciences humaines et sociales, pour mieux faire face aux enjeux sociétaux et environnementaux auxquels nous sommes confrontés : réchauffement climatique, accès du plus grand nombre aux ressources naturelles, à l’alimentation, lutte contre les pandémies… Par ailleurs, pour conforter les emplois aujourd’hui et préparer ceux de demain, assurant ainsi un avenir professionnel aux jeunes générations, il est indispensable de mettre en place des systèmes de soutien au transfert de technologie simples, efficaces, sans effet d’aubaine, avec un effort particulier pour les PMI-PME et les Entreprises de Taille Intermédiaire les plus créatrices d’emplois durables, avec un double objectif : la réindustrialisation et la promotion de nouvelles filières, en particulier les écotechnologies (énergies renouvelables, efficacité énergétique, traitement des déchets) mais aussi la médecine personnalisée, la réponse aux enjeux du vieillissement, les métiers de la culture, les métiers liés aux technologies de la communication par exemple.

Des indicateurs alarmants

Disons-le clairement, les indicateurs sur la formation des jeunes en France sont plus qu’alarmants. Aujourd’hui, 150 000 jeunes quittent chaque année le système scolaire sans diplôme ni formation qualifiante et le taux de chômage des moins de 25 ans est l’un des plus élevés d’Europe. Avec 24 % seulement de jeunes titulaires d’un diplôme égal ou supérieur au niveau licence contre 41 % au Danemark, avec 1,3 % de son PIB consacré à l’enseignement supérieur, un montant inférieur à celui de l’OCDE (1,5 %) et des Etats-Unis (2,9 %), la France est à la traîne et doit réagir. Facteur aggravant : la mixité sociale est en nette diminution à l’Université et les jeunes issus de familles modestes sont de moins en moins nombreux à être diplômés de l’enseignement supérieur. Deuxième facteur aggravant : leur nombre diminue au pro rata du nombre d’années d’études : en 3ème cycle, ils ne sont plus que 5 % contre 13 % dans le premier, alors que les ouvriers, salariés modestes, employés, représentent 25,4 % de la population active. Pourtant, nous avons besoin du talent de tous les jeunes, quel que soit leur milieu social, car la recherche, la connaissance, l’innovation ne sont pas le privilège de quelques-uns.

Agir en continuité, de la petite enfance à l’enseignement supérieur

Nous devons réagir vite, sous peine de continuer à accumuler un retard qui deviendra impossible à combler. Pour cela, il faut agir dès la petite enfance et tout au long de la scolarité, en redonnant des moyens en personnel et en ressources et en refondant les modes d’apprentissage, les rythmes scolaires, au service de la réussite à l’école. Les décisions doivent être prises en fonction de l’intérêt de la communauté éducative (enseignants, parents, enfants) et pas seulement, comme c’est le cas depuis 5 ans, selon des critères de baisses de crédits systématiques.

C’est dans cet esprit que François Hollande a décidé de recréer, en 5 ans, les 60 000 postes d’enseignants perdus au cours de ces dernières années. C’est un signe fort qui devra s’accompagner de changements profonds et d’un contrat avec la communauté éducative pour la réussite à l’école, avec des moyens supplémentaires pour les quartiers en ZUS. Il faudra en parallèle revenir sur la réforme de la « masterisation » pour promouvoir une formation des enseignants basée sur une entrée progressive et encadrée dans le métier. Enseigner est un métier qui s’apprend : l’année de formation pédagogique, avec des stages pratiques encadrés dans les écoles, supprimée par la droite, sera rétablie et les postes d’enseignants et d’encadrants dans les quartiers les moins favorisés seront revalorisés et confiés à des tandems d’enseignants expérimentés et d’enseignants plus jeunes, au lieu d’y envoyer des débutants, souvent démunis, comme c’est le cas aujourd’hui.

Face à ce constat, deux priorités pour une politique de gauche :

1 - démocratiser l’accès à l’enseignement supérieur, en favorisant un parcours de réussite pour tous les étudiants

2 - assurer la reconnaissance internationale de l’université et de la recherche françaises

1. première priorité : démocratiser l’accès à l’enseignement supérieur , en favorisant un parcours de réussite pour tous les étudiants et multiplier par deux le nombre de diplômés de l’enseignement supérieur en 15 ans

La réforme de l’Université doit avoir pour principe l’exigence d’une véritable égalité pour tous. Pour l’université, la priorité sera de lutter contre l’échec qui frappe aujourd’hui le premier cycle où près d’un étudiant sur deux inscrit en première année ne décroche pas de diplôme, et lutter contre la précarité étudiante. Pour atteindre en 15 ans l’objectif de 50 % d’une classe d’âge diplômée de l’enseignement supérieur, des mesures immédiates et concrètes s’imposent :

- favoriser un parcours personnalisé pour les étudiants : information et orientation choisie au collège et au lycée, avec le soutien et l’engagement des collectivités territoriales, avec une présentation des métiers et une incitation à poursuivre des études, y compris pour les filières technologiques et professionnelles, amélioration de l’accueil et de l’accompagnement des étudiants à l’université, organisation des licences sur une base pluridisciplinaire les deux premières années pour élargir le champ des choix ultérieurs et des débouchés professionnels, diversité des méthodes pédagogiques (davantage d’alternance, tutorat par des doctorants, alternatives aux amphis bondés, utilisation renforcée des TIC, minimum de 25 heures de cours par semaine pour les étudiants, possibilité de faire une licence en 4 ans…), intégration d’un projet professionnel dès les années de licence

- faciliter les passerelles : accompagnement des titulaires de bacs pro et technologiques dans des filières courtes (DUT, BTS) intégrées à l’université, et incitation à la poursuite d’études ensuite, intégration des classes préparatoires à l’université pour favoriser « en douceur » le rapprochement grandes écoles-universités à l’image des standards internationaux, intégration plus importante d’étudiants issus de cursus universitaires dans les écoles et échanges accrus entre écoles et universités… Cela passe aussi par une répartition plus équitable des dotations de l’Etat pour les étudiants en licence et les étudiants des classes préparatoires : aujourd’hui, le ratio est de 1 à 5 en faveur des prépas, c’est tout à fait inacceptable… Toutes les filières doivent être considérées comme des filières d’excellence, avec une même ambition : la réussite des étudiants, leur insertion professionnelle et l’avenir économique et social de notre pays

- encourager les efforts pédagogiques par une reconnaissance de l’investissement pédagogique des enseignants chercheurs et des bonifications des dotations de l’Etat au bénéfice des universités faisant preuve d’initiatives innovantes et efficaces à la fois pour assurer la diversité sociale et la réussite des étudiants

- Augmenter le nombre d’allocations de recherche pour les jeunes chercheurs, y compris en recherche fondamentale et en sciences humaines et sociales, et les possibilités de séjour à l’étranger, valoriser le statut des docteurs en facilitant leur insertion professionnelle aujourd’hui insatisfaisante dans la recherche publique comme privée, reconnaître le doctorat dans les conventions collectives, recruter des docteurs dans les grands corps d’Etat, développer des doctorats professionnels en direction des entreprises, à l’image des contrats CIFRE, en bonifiant les programmes coopératifs entre recherche publique et privée en cas d’embauche de doctorants qui compléteront ainsi l’apport des ingénieurs de recherche

- améliorer l’environnement et les conditions de vie des étudiants : allocation de formation globale avec un montant tenant compte du revenu des parents, augmentation en parallèle des bourses sur critères sociaux et universitaires, programme volontariste de rénovation et de construction de logements (de l’ordre de 8 000 par an) tenant compte des nouvelles pratiques de vie des étudiants (co-location, cohabitation intergénérationnelle et solidaire) et généralisation du principe de cautionnement solidaire, développement du « pass mutuelle » pour une meilleure couverture santé des étudiants, réflexion sur les bibliothèques, les espaces internet et lieux de convivialité communs, lancement d’un « Plan Culture » pour dynamiser la vie culturelle et associative à l’université.

- renforcer l’accueil des étudiants étrangers, qui ouvrent à la culture internationale et développent un maillage durable entre notre pays et le reste du monde utile à la coopération internationale et au développement des échanges économiques, culturels, politiques.

2. deuxième priorité : Rétablir la confiance avec l’ensemble des acteurs de l’enseignement supérieur et de la recherche et assurer la reconnaissance internationale de l’université et de la recherche françaises

Le discours de défiance de Nicolas Sarkozy en janvier 2009 envers « les chercheurs qui cherchent mais ne trouvent pas » ainsi que les réformes et appels d’offres qui se sont succédé à un rythme effréné ont déstabilisé en profondeur le milieu universitaire. Les mouvements de protestation de 2007 et de 2009 en témoignent. L’affirmation d’une augmentation de la dépense par étudiant est une astuce comptable puisque ce chiffre englobe les différentes filières de formation ;classes préparatoire, IUT, BTS , Premiers cycles universitaires. Les taux d’encadrement dans les universités Françaises sont inférieurs à ceux de l’OCDE et la part de Recherche et développement civil situe la France au 26e rang des pays de l’OCDE. Pour François Hollande, le premier signe adressé aux universités sera d’affirmer sa confiance dans leur capacité à innover, à prendre des initiatives, à développer des formations et des recherches porteuses de progrès dans toutes les disciplines, sciences humaines et sociales, trop souvent parents pauvres, comme sciences dites « dures », en privilégiant, pour l’enseignement comme pour la recherche des croisements et échanges entre toutes ces disciplines. Des incitations au décloisonnement des formations seront apportées, en rétablissant le dialogue entre l’Etat, les Régions et les universités qui a tellement fait défaut au cours de ces dernières années.
Il s’agit bien de reconstruire l’enseignement supérieur et la recherche, en s’appuyant sur ses atouts et ses talents, afin d’y impulser une nouvelle dynamique.

Pour cela, François Hollande propose plusieurs axes de travail, dont les modalités seront discutées et négociées tout au long de la campagne présidentielle puis au lendemain de la victoire avec les acteurs du monde de l’enseignement supérieur et de la recherche et pourront faire l’objet d’assises régionales et nationales :

- redonner des perspectives avec la réforme de la loi LRU et l’établissement d’une loi-cadre en faveur de l’enseignement supérieur et de la recherche, précédée d’une large concertation. Le principe d’autonomie des universités n’est pas remis en cause et fait partie du projet des socialistes. La Conférence des Présidents d’Université a rappelé récemment la situation de crise financière rencontrée par de nombreuses universités, dont les budgets de fonctionnement sont insuffisants, d’autant qu’ils ont été ponctionnés, tout comme le budget des grands organismes de recherche, pour financer les plans campus et les investissements d’avenir. Le budget 2012 ne fait qu’accentuer la tendance. La CPU a ainsi estimé à 20 millions d’euros la non-budgétisation des charges liées à l’actualisation des salaires (GVT). Il accentue aussi la difficulté pour les universités, faute de ressources, de former correctement leur personnel ou de recruter des cadres de haut niveau. Sur la base d’une évaluation par le terrain de la loi LRU, cinq ans après sa mise en œuvre, une loi cadre permettra de redonner des perspectives à moyen terme aux universités comme aux organismes de recherche, tant sur le plan financier que sur la lisibilité des formations, la formation des personnels, les possibilités de recrutement à tous niveaux (enseignants chercheurs, techniciens, ingénieurs de recherche, administratifs), a fortiori pour le recrutement d’enseignants-chercheurs internationaux

- rétablir la collégialité et la démocratie universitaire mises à mal par un clivage croissant et une concurrence effrénée entre universités : la segmentation des instances, accélérée par la réforme LRU, le plan Campus et les Investissements d’Avenir (ANR, PRES, RTRA, RTRS, AERES, Idex, Labex, Equipex, IRT, IEED, SATT, Alliances, Instituts Carnot…). Ce mille-feuilles institutionnel est un frein à l’efficacité et à la créativité. La concurrence non régulée entre territoires ont déstabilisé les équipes de recherche, brouillé la lisibilité des structures et opacifié le système décisionnel dans les universités et les organismes de recherche. Par ailleurs, si la mutualisation doit être recherchée pour valoriser au mieux les atouts de la recherche française dans un contexte financier contraint, elle ne doit pas aboutir à la constitution de quelques pôles d’excellence au détriment d’universités de seconde zone dites « de proximité », d’où la recherche serait progressivement exclue, ce qui appauvrirait considérablement les territoires concernés. Des niches d’excellence existent dans toutes les universités et l’objectif est de privilégier le travail en réseau, par thématiques fortes, avec un ou plusieurs chefs de file, sur tout le territoire. L’échelon régional et interrégional devra être davantage sollicité pour organiser cette coopération nationale, indispensable à la progression de la recherche. Le travail important réalisé par les équipes de recherche et les universitaires dans leurs réponses aux plans campus et Investissements d’Avenir ne doit pas être balayé, mais réorienté dans cet esprit coopératif. Nous demandons que les décisions prises par le CGIO soient réévaluées, notamment dans le cadre de la mise en place des IDEX. Deux critiques principales motivent cette suggestion : la première c’est que les crédits du grand emprunt ne sont pour l’instant pas parvenus dans les laboratoires, la seconde c’est que toutes les décisions ont été prises sans le débat préalable qu’une opération aussi importante exige. On peut d’ailleurs remarquer que, 3 ans après l’annonce de 10 plans Campus, des sommes infimes ont été débloquées par l’Etat et que ce sont les collectivités territoriales qui font l’avance des projets…et que dire des investissements d’avenir, censés relancer rapidement l’économie nationale face à la crise et dont, 2 ans après le démarrage, les porteurs de projet n’ont pas encore reçu le moindre euro.

- mener, en liaison avec l’OPECST, une évaluation transparente et débattue politiquement de l’ANR, de l’AERES, permettant de redéfinir les missions de ces deux instances et de redonner des initiatives aux organismes via leurs structures d’évaluation (CNU et CoNRS) et au Parlement dans l’orientation des grands programmes stratégiques de recherche fondamentale comme orientée. A l’image des pays les plus avancés en matière de recherche, la confiance a priori et l’évaluation a posteriori seront privilégiées, allégeant ainsi la lourdeur administrative et technocratique à laquelle les chercheurs et directeurs de laboratoires consacrent un temps précieux

- élaborer des règles claires, respectant les intérêts de chacun, dans les partenariats, utiles, entre la recherche publique et la recherche privée.
Dans ce cadre, le Crédit d’impôt recherche devra être revu pour privilégier les partenariats avec les PMI-PME, les ETI créatrices d’emplois. L’innovation sera soutenue et deviendra un des piliers du renouvellement de la politique industrielle de la France. Nous soutiendrons plus efficacement le pré amorçage, l’accompagnement et le suivi des créations d’entreprises. Les effets d’aubaine sans contrepartie de création d’emplois devront être réduits pour certains grands groupes. Passé de 1,3 Milliards d’euros à 4 milliards en 3 ans, le CIR doit faire l’objet d’une évaluation qui permettra de réduire sa progression et éviter les abus : l’économie réalisée pourra financer une partie des mesures préconisées par ailleurs. Une partie des crédits actuellement octroyés dans le cadre du Crédit impôt recherche pourront être affectés à un crédit d’impôt à l’innovation pour financer les dépenses de brevets, les études de marché ou la conception de nouveaux produits. Les objectifs du fonds stratégique à l’innovation seront reconsidérés.

- relancer une ambition européenne pour peser sur le plan international : quand la Chine investit des moyens considérables pour la recherche, quand la Corée s’est fixé comme objectif d’y consacrer 5 % de son PIB d’ici 3 ans (la France plafonne à 2,2 % depuis 7 ans, loin des 3 % de Lisbonne), il est indispensable de relancer des programmes ambitieux de recherche au niveau européen et de les doter de budgets plus importants, tout en encourageant les coopérations académiques et scientifiques avec les pays en développement afin de ne pas participer aux phénomènes de « fuites de cerveaux » entre pays du Nord et pays du Sud. C’est avant tout une question de volonté politique qui doit être affirmée conjointement par la France, l’Allemagne, le Royaume-Uni, les pays scandinaves pour entraîner les autres pays européens.
Seule, la France aura bien du mal à peser face à la concurrence internationale.

Le financement de ces mesures doit garantir une intervention pérenne de l’Etat, avec des crédits de base récurrents, réévalués à l’attention des universités et des organismes de recherche, afin que les financements privés nécessaires interviennent en complément, et non en remplacement des financements publics.

Les sources de financement seront les suivantes :
- réorientation de la partie « effet d’aubaine » du CIR et limitation de sa croissance exponentielle (1,8 milliards d’euros en 2008, 5,3 milliards d’euros au budget 2012, en pleine période de RGPP), pour un montant de 1 à 2 milliards d’euros,
- perception de la taxe d’apprentissage par les universités,
- possibilité d’un recours aux fonds propres des universités quand c’est possible.