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Compte rendu de l’audition de SLU par Vincent Peillon (25 janvier 2012)

vendredi 3 février 2012

Mercredi 25 janvier après-midi, une délégation de SLU (composée de Laurence Giavarini, Alexis Grélois, Christine Noille, tous trois membres du bureau de l’association, et de Jean-Louis Fournel, membre du CA de l’association) a été reçue par Vincent Peillon, entouré d’un comité chargé de réfléchir sur l’enseignement supérieur et la recherche dans la campagne de François Hollande ; outre Vincent Peillon (qui tout au long de l’entretien a clairement montré que c’était lui qui dirigeait les débats), étaient présents deux députés, Alain Claeys et Jean-Yves Le Deault, Isabelle This Saint-Jean (vice-présidente de la région Île-de-France et ancienne présidente de SLR), Lionel Collet (ancien président de Lyon-I et de la CPU pendant le mouvement de 2009), Yves Levy (PU-PH à l’Université Paris-Est-Créteil), Alexandre Aidara (membre de Terra Nova, spécialiste du budget), et enfin le secrétaire de V. Peillon.

Cette réunion a été organisée à la demande du Parti Socialiste – le CA de SLU a décidé de rencontrer les politiques quand ils le sollicitent, ce qui est déjà arrivé ces dernières années avec les Verts, le PCF et B. Monthubert. La rencontre devait avoir lieu à la fin du mois de décembre et a été reportée d’un mois à la demande du PS. Le même jour ont été reçus successivement le SNCS-FSU, SLU et SLR. Pour chacun était prévu un rendez-vous d’une demi-heure. Nous sommes restés en fait une quarantaine de minutes, ce qui est bien trop peu pour développer une argumentation, d’autant qu’une partie du temps a été occupée par nos hôtes les députés, qui tenaient manifestement à nous faire accepter le postulat selon lequel ils avaient toujours été des opposants à la loi LRU.

Dans une introduction très générale, V. Peillon a dressé la liste des points sur lesquels nous étions invités à nous prononcer : l’échec en premier cycle, les filières, la formation des enseignants (FDE), les classes préparatoires, la vie étudiante (qu’il a présenté comme un sujet clé pour lui).

De notre côté, nous avions choisi de mettre l’accent sur la question des structures (loi LRU, agences, « politique d’excellence ») puis d’enchaîner sur les missions de l’ESR (recherche, formations, sans oublier les questions de carrière qui en découlent). Il s’agissait de souligner qu’il ne suffisait pas d’augmenter les budgets ou d’annoncer un vague surcroît de démocratie pour satisfaire les acteurs de l’ESR.

Tour à tour, nous avons cherché à pointer comme questions :
- l’autoritarisme présidentiel induit naturellement par la loi LRU et qui ne peut être réglé par le seul rétablissement de certaines prérogatives du CS et du CEVU ;
- les empilements de structures et le contournement des instances élues par les personnes nommées ;
- les effets délétères sur la démocratie universitaire du mode de scrutin des conseils centraux, aggravés en cas de fusion (favorisant certaines composantes où le mandarinat est puissant), et des modes de « gouvernance » produits par la « politique d’excellence » ;
- les déséquilibres de financement entre crédits récurrents et sur appels à projet ;
- l’illusion de la politique de fusion et de grossissement des universités jusqu’à une « masse critique » qui rejaillirait sur la qualité de l’enseignement et de la recherche, et sur les classements internationaux ;
- la concentration et l’opacité de la gestion de l’ANR, et la temporalité spécifique qu’elle induit avec le privilège écrasant conféré à la recherche sur projet court ;
- les déséquilibres entre territoires mais aussi le fait que les régions reprenaient souvent des modèles de distribution des aides inspirés par l’ANR (J.-Y. Le Déault pour la Lorraine et I. This Saint-Jean pour l’Île-de-France s’opposant vertement à ce constat) ;
- la crainte de la mise en place d’un bloc lycée+licence face à un bloc M+D qui conduirait à une extinction à terme du corps des MCF et à un décrochement de l’enseignement en L de tout lien avec la recherche ;
- la nécessité de revenir sur la masterisation sans se contenter de rétablir l’année de stage mais en remettant en cause la rivalité entre diplôme (master enseignement) et concours ;
- les risques de l’interdisciplinarité à la mode du dernier arrêté licence (ne pas faire naître le travail disciplinaire de l’interdisciplinarité mais l’inverse).

Évidemment, dans le temps qui nous a été imparti, tous ces points n’ont pu être posés avec toute la clarté voulue, mais ils l’ont été et certains n’étaient sans doute pas complètement attendus par nos interlocuteurs.

Ceux-ci, dont l’un a pointé d’entrée de jeu l’absence de « sciences dures » dans notre délégation, entendaient nous entendre principalement au sujet des premiers cycles universitaires, comme si les autres questions devaient être réservées à d’autres visiteurs. Visiblement proche de l’UNEF sur la licence, V. Peillon a manifesté un tropisme en faveur de solutions interdisciplinaires pas très éloignées des arrêtés de juillet 2011. Au sujet de la masterisation, il a repris explicitement certaines positions du SNUIPP (pré-recrutement et formation de tous les enseignants, de la maternelle à l’université, dans les mêmes structures intégrées aux universités) et il a indiqué que l’attachement du Snes au diplôme de master n’était pas unanimement partagé au sein de la FSU. Nos hôtes ont plusieurs fois souligné que des contraintes budgétaires fortes ne permettraient pas d’augmentation du budget de l’ESR, tout en reconnaissant les problèmes de financement rencontrés par le Plan Campus ou les déséquilibres territoriaux et budgétaires induits par la « politique d’excellence ».

Malgré tout, nous ne pouvons cacher notre inquiétude d’avoir vu V. Peillon entouré de représentants de plusieurs groupes (CPU, conseils régionaux, praticiens hospitaliers) qui pour certains au moins se sont fort bien accommodés de la politique universitaire menée depuis 2002, voire qui l’ont inspirée.

Dans ces conditions, il est tout à fait possible que cette rencontre n’ait pas eu d’autre sens que symbolique : donner l’impression que le PS consultait, alors qu’il n’est pas sûr que nous ayons été entendus. Nos interlocuteurs nous ont semblé avoir une méconnaissance profonde de la nature de l’opposition aux réformes menées par V. Pécresse, des conséquences au quotidien de ces réformes, et de l’ardoise que va trouver le PS dans l’ESR si François Hollande est élu. Il semble qu’il n’y ait rien, à leurs yeux, entre les structures (agences, établissements, etc.) et les étudiants : aucune allusion n’a été faite à la situation des personnels Biatoss, aux carrières des enseignants-chercheurs, au devenir de la recherche dans les universités désormais mises en concurrence.

Il est sans doute possible de penser que tout n’est pas joué sur certaines des questions abordées : visiblement nos interlocuteurs n’étaient pas tous sur la même ligne en fonction des dossiers et V. Peillon est intervenu à plusieurs reprises pour nous redonner la parole en coupant son entourage, qui ne montrait pas une empathie très forte à notre égard. Il n’est pas sans intérêt cependant de s’interroger sur le caractère souvent « défensif » des positions de plusieurs élus présents.


Un codicille sur la présentation – le lendemain… – par François Hollande de ses priorités et de ses propositions le jeudi 26 janvier.

L’absence presque totale de l’ESR dans les propositions de François Hollande peut être lue de façon différente : soit comme un désintérêt de sa part pour ce dossier, soit comme une lacune de préparation, soit comme le caractère encore ouvert du dossier, soit comme une manipulation… L’annonce de « l’accélération des investissements d’avenir », à l’encontre de tout ce qui a été écrit par les syndicats, les personnels mobilisés, les associations depuis des mois, montre l’ignorance complète que le PS a des analyses produites par les acteurs de l’ESR, et souligne le niveau où il situe sa « réflexion » sur les universités – celui des régions. Ce qui n’a rien pour surprendre. Nous sommes ainsi fondés à craindre que la seule différence entre la droite au gouvernement et la gauche de gouvernement ne soit que les « investissements d’avenir » y sont pensés comme le levier le plus important de la régionalisation de l’ESR. En dehors de l’Ile-de-France, qui représente un cas à part étant donné le nombre d’universités et d’étudiants concernés, les présidents de région socialistes en donnent des exemples quotidiens.