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Universités et la sélection qui fâche - N. Brafman, Le Monde, 9 janvier 2013

vendredi 11 janvier 2013, par Mariannick

Le comité de pilotage des assises nationales de l’enseignement supérieur et de la recherche a rendu son rapport le 17 décembre 2012 : 135 propositions dont certaines seront retenues dans le projet de loi qui devrait être présenté en mars.

Premières pistes, un accès de droit et prioritaire en institut universitaire de technologie (IUT) et en section de technicien supérieur (STS) pour les bacheliers technologiques et les bacheliers professionnels, une simplification de l’offre de formations en licences et en masters... La réussite de tous les étudiants sera l’un des points phares.

Parmi les sujets qui fâchent et que l’on laisse volontiers à la porte : celui de la sélection à l’entrée en première année de licence.

Le sujet est, il est vrai, sensible, voire tabou. De la sélection, il est pourtant question tout au long de la scolarité. Le collège trie ses élèves en fin de troisième, le lycée en seconde.

Le bac en poche, les lycéens font aussi les frais de la sélection : les meilleurs iront dans les classes prépas, à Sciences Po, à Paris-Dauphine, en IUT... A l’université, ils subiront encore une sélection au moment de choisir leur master.

AU NOM DE LA DÉMOCRATIE ET DE L’ÉGALITÉ DES CHANCES

Service public oblige, l’université doit accueillir tout le monde. Au nom de la démocratie et de l’égalité des chances, lorsqu’un bachelier souhaite suivre un cursus universitaire, il doit forcément trouver une place.

Et, d’une certaine manière, c’est tant mieux. Mais est-ce aussi simple ?

En France, les années 1960 ont vu les générations issues du baby-boom accéder massivement à l’université : 214 700 étudiants étaient inscrits à l’université, en 2011, ce chiffre atteint 1,4 million.

Dans le dernier numéro de la revue Commentaire (n° 140), un collectif de sept professeurs réunis sous la plume de Candide rappelle que "le caractère ultra-centralisé et rigide des universités françaises ne se prêtait guère ni à l’assimilation de cet afflux démographique, ni à la demande croissante de formation de cadres. L’Etat fit construire de nouveaux campus, mais ne réforma pas les structures. Les pressions démographiques et économiques de l’après-guerre auraient dû logiquement entraîner la mise en place de procédures de sélection et d’orientation. Mais l’accès à l’université étant considéré comme un droit pour tous, la notion de sélection fut systématiquement rejetée".

Hypocrisie de ce système qui avance masqué. La sélection demeure en réalité omniprésente, une sélection par l’échec. Où les moins bien armés dont on connaît les origines sociales sont voués à échouer dès la première année de licence.

"TOUT SAUF LA FAC" LE SLOGAN PRÉFÉRÉ DES PARENTS

Les résultats sont impitoyables, affligeants. Et il n’y a pas que les bacheliers professionnels qui en font les frais.

Selon le ministère de l’enseignement supérieur : seuls 38 % des étudiants réussissent leur licence en trois ans : 44 % des bacs généraux, 10 % des bacs technologiques, les bacs pro n’y parviennent même pas.

En première année de licence, c’est l’hécatombe : seuls 47,5 % des étudiants passent en deuxième année. Pas étonnant que "Tout sauf la fac" devienne le slogan préféré des parents, aidés en cela par les lycées qui persuadent leurs meilleurs élèves d’aller en classes prépas, puis en IUT et en STS.

Ce triste état des lieux se reflète dans l’idée que beaucoup d’étudiants se font de l’université. Elle n’est plus, trop souvent, qu’un choix par défaut. Le premier chapitre de l’ouvrage collectif Refonder l’université (La Découverte, 2000) commençait d’ailleurs par une formule fataliste : "Y’a plus qu’la fac !"

Les auteurs dénonçant par là : "l’université, "voiture-balai" de l’enseignement supérieur, chargée d’accueillir ceux qui n’ont pas trouvé de place ailleurs".

Une sorte de "poubelle" donnant bonne conscience aux pouvoirs publics. Or, en France, l’élite doit bien sortir de quelque part, y compris de l’université. A cette sélection par l’échec s’ajoute une sélection plus feutrée. Là se situe la deuxième hypocrisie du système.

Pour séduire les meilleurs élèves, éviter qu’ils se précipitent en classes prépas, les universités ont multiplié des cursus spécifiques, c’est le collège de droit à Assas, les doubles licences dans les autres universités...

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