Accueil > Revue de presse > Loi Fioraso : au Sénat, la désinvolture et le mépris - Médiapart, 24 juin (...)

Loi Fioraso : au Sénat, la désinvolture et le mépris - Médiapart, 24 juin 2013

lundi 24 juin 2013

Par Alain Bertho, président de la 20e section CNU.

En quelques heures, un dimanche soir, la pétition lancée par la totalité des responsables du Conseil National des Universités a recueilli plus de mille cinq cents signatures d’universitaires. L’émotion est considérable. En un vote furtif d’un amendement venu de nulle part, ou plutôt du groupe Vert de cette assemblée, le Sénat a supprimé d’un coup de plume une des rares garanties nationales encore en place des enseignants chercheurs : la procédure de qualification par discipline qui ouvre aux concours de recrutement. Discuté le 21 juin, l’amendement supprime le premier alinéa de l’article L. 952-6 du code de l’éducation prévoyant "Sauf dispositions contraires des statuts particuliers, la qualification des enseignants-chercheurs est reconnue par une instance nationale."

C’est le Conseil national des universités composé pour deux tiers d’enseignants chercheurs et de chercheurs CNRS élus qui a la charge de cette procédure. Chaque section disciplinaire fait chaque année un travail considérable de rigueur scientifique et d’équité. La qualification qu’il délivre pour quatre ans est une garantie nationale de qualité et un frein réel au caractère arbitraire et peu transparent que risque de revêtir le recrutement des Maitres de Conférences et Professeurs par des universités déjà rongées par le localisme inscrit dans la logique de la LRU et fort bien décrit dans l’enquête de Médiapart. Ce travail est aussi une occasion unique d’embrasser dans sa globalité la vie d’une discipline et d’en assurer la visibilité face à toutes les logiques de "simplification" bureaucratique des nomenclatures universitaires.

Les différentes sections du CNU s’étaient déjà prononcées contre cette suppression au début de l’année après la publication du rapport Berger[1] et pensaient être à l’abri d’une telle embuscade. Mais on est loin, très loin d’une situation de concertation sur le fond et d’une argumentation de principe. L’argument avancé pour proposer l’amendement est en effet que « La procédure est très chronophage, coûteuse et détourne les enseignants-chercheurs de leurs missions premières, la recherche et la formation. ( ?) » (Mme Corinne Bouchoux sénatrice)

Que cet argument manifeste une méconnaissance totale de la question est déjà inquiétant à ce niveau décisionnel. Mais le débat qui suit en séance est consternant.

Mme Dominique Gillot, rapporteure rappelle en effet que cette suppression faisait partie des propositions du rapport Berger mais que cette proposition "intéressante" était "prématurée". Ce que confirme la ministre « On peine à obtenir le consensus de la communauté scientifique. Le temps n’est pas venu d’installer ce dispositif. Laissons le temps au temps. ». Le conseil n’est pas suivi : après l’intervention de Mme Marie-Christine Blandin, présidente de la commission de la culture qui parle de « supprimer un dispositif qui pénalise tous les doctorants de France... », l’amendement est maintenu !

On nous parle de maladresse et de bévue... A en croire les protagonistes eux-mêmes, si « bévue politique » il y a, elle ne serait pas de fond mais seulement de calendrier. Dans ces conditions, on peut émettre l’hypothèse que ce n’est pas une bévue mais un lapsus collectif. Ce lapsus peut bouleverser l’équilibre fragile du recrutement universitaire : si l’amendement est adopté par la Commission Mixte Paritaire, qui aura lieu mercredi 26 juin, la bévue aura force de loi. Et la Gauche aura fait ce que la Droite n’avait pas rêvé : la libéralisation du "marché du travail" universitaire. [...]

POUR LIRE LA SUITE SUR MEDIAPART