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Budget 2014 : le canard sans tête - SNCS Hebdo 13 N°13, novembre 2013

lundi 4 novembre 2013

Le SNCS rencontre, depuis la rentrée, des parlementaires de la majorité tout désemparés. Ayant entendu le discours de Geneviève Fioraso – « deux budgets consécutifs en hausse pour l’université et la recherche ! » – ils ne comprennent pas que nous ne soyons pas contents.

À vrai dire, il y a des choses que nous ne comprenons pas non plus. Pourquoi, dans une situation budgétaire si merveilleuse, assiste-t-on à une épidémie de faillites d’universités, de plans de réduction des enseignements, voire de fermeture d’antennes universitaires ? Pourquoi la Conférence des présidents d’université en est-elle venue à voter, le 24 octobre, une motion demandant à l’État de « tenir ses engagements » ? Pourquoi les rapporteurs du projet de loi de finances sur la recherche s’inquiètent-ils en chœur des baisses de crédits des organismes de recherche ?

L’explication est que les « hausses » dont madame Fioraso est si fière ne sont, d’une part, qu’un magnifique jeu d’écritures et, pour le reste, persistance d’une politique de pilotage autoritaire complètement inadaptée au développement scientifique. À l’heure où la science et l’innovation sont, toujours plus, mondiales, M. Ayrault et Mme Fioraso rétrécissent le décor, en dilapidant des milliards pour une espèce d’encasernement général. Que les crédits de l’État arrosent le bâtiment et les travaux publics au lieu de financer des emplois dans la recherche et l’enseignement supérieur, que les organismes de recherche nationaux finissent par en crever, ne semble pas les déranger …

Christophe Blondel, trésorier national du SNCS-FSU

Le projet de loi de finances 2014, au premier abord, est pour l’enseignement supérieur et la recherche une merveille ! Le budget de la mission interministérielle pour la recherche et l’enseignement supérieur (la MIRES) y passe en effet, tout compris, de 25,9 à 31 milliards d’euros. Hélas le plus gros de l’augmentation consiste en « dépenses d’opérations financières ». En clair : on nous refait, ou plutôt on nous continue (car le gouvernement se garde bien de changer les habitudes prises) le coup du Grand emprunt et de ses milliards fantômes !

La plus grande partie de ces milliards – le projet de loi le dit aussi – sera en effet non consommable. Le mystère demeure : comment peut-il être rentable pour l’État, qui emprunte déjà à tour de bras, d’emprunter encore plus pour boursicoter ? Comme si les marchés financiers étaient prêts à faire œuvre de philanthropie ... A-t-on déjà vu qu’on puisse placer de l’argent à un taux supérieur à celui auquel on l’a emprunté ? Mais on ne réfléchit plus, on continue à courir dans la même direction, encore plus vite si c’est possible, comme le canard à qui on a coupé la tête.

Le discours triomphant de madame Fioraso n’est qu’une vitrine. Le slogan de la « réussite des étudiants » est un mot vain quand on voit les universités se débattre dans les difficultés de toutes sortes, abandonnées financièrement par l’État. C’en est au point que la Conférence des présidents d’université appelle aujourd’hui l’État au secours ! L’université Paul-Valéry de Montpellier a envisagé de fermer son antenne de Béziers. Le conseil d’administration de l’université de Toulouse-Le Mirail a voté à l’unanimité, le 22 octobre, une motion dénonçant l’insuffisance de ses moyens. L’université Paris-sud se débat avec un déficit de deux ou trois millions d’euros, comme beaucoup d’autres, alors qu’elle est censée intégrer, sur un pied d’égalité avec les écoles d’ingénieurs, la grande CUÉ Paris-Saclay. Hélas quand le Premier ministre vient, le 10 octobre – comme par hasard à Supélec et non à l’université – les seuls moyens qu’il apporte sont pour « lever les hypothèques » pesant sur la reconstruction à neuf de l’Ecole centrale, de Mines-télécoms et d’Agro-Paris-Tech. Ces déménagements-là se chiffrent en centaines de millions d’euros. Même pas une aumône pour l’université ... Mais le gouvernement trouve toujours quelques centaines de millions d’euros lorsqu’il s’agit de faire plus beau pour les écoles d’ingénieurs. Qu’on ne nous parle donc pas, dans des conditions d’inégalité si flagrantes, de rééquilibrage entre les écoles d’ingénieurs et les universités. Et qu’on ne nous parle pas de la crise : là le gouvernement met des milliards.

L’enseignement supérieur et la recherche publique continuent non seulement, de leur côté, à s’appauvrir, mais aussi à étouffer sous le poids du dirigisme et du cloisonnement imposé. Lorsque madame Fioraso parle de recherche fondamentale (on croit un instant pouvoir respirer ...), c’est pour justifier immédiatement son « maintien » (selon l’expression de la loi d’orientation) par la nécessité d’alimenter les futures applications. À qui faut-il donc s’adresser pour qu’on nous débarrasse de ces idées puériles que sont la justification de la recherche par l’aval, l’obsession du « transfert », le modèle linéaire, tubulaire, d’une filiation directe de la recherche à l’innovation ? Pour enfoncer le clou, le projet de loi de finances prévoit, à propos du « Plan d’investissements d’avenir » (PIA) n°2, que « La décision finale d’engagement reviendra toujours au Premier ministre, sur avis du Commissariat général aux investissements (CGI) ». Non seulement le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche (MESR) ne fait pas confiance à ses chercheurs, mais le Premier ministre ne fait même pas confiance à sa ministre ! Si l’efficacité des entreprises humaines se mesure au niveau auquel fonctionne, en leur sein, la délégation des pouvoirs et des décisions, on touche là le fond de l’inefficacité.

Cependant les rapporteurs sur le budget, de tous les bords, commencent à s’alarmer de la baisse des crédits des organismes de recherche nationaux (CNRS : - 0,5 % en euros courants, serrez encore vos ceintures …). Le MESR est si bien enfoncé dans une logique de continuité, fût-ce avec les pires politiques qu’aient connues l’enseignement supérieur et la recherche, que, les budgets des organismes ayant ces dernières années continuellement baissé, il semble croire qu’une politique normale consiste à continuer de les faire baisser ...

Qu’on arrête cette dérive irresponsable ! Qu’on reprenne les milliards gaspillés dans un PIA complètement inadapté, les milliards dilapidés dans un crédit impôt-recherche qui n’a en rien augmenté l’effort de recherche et de développement, et qu’on redonne de l’espoir aux jeunes qui méritent de vrais emplois scientifiques. Il y va de l’avenir de la recherche scientifique et de l’Université dans notre pays.

Ce discours, cette politique et le projet de loi de finance pour 2014 qui la confirme sont des scandales. L’avenir du pays est sacrifié à la satisfaction d’appétits aiguisés par les fromages mis en place par les gouvernements d’avant 2012, et que le gouvernement d’aujourd’hui n’a aucune volonté de remettre en cause. Le crédit impôt-recherche est une rente qui va à l’encontre des objectifs affichés. Il n’a rien augmenté de l’effort de recherche du pays et, comme toutes les rentes, conforte les immobilismes, à rebours de ce que devrait être un véritable soutien à la recherche. C’est toute la politique, fiscale en particulier, du gouvernement en matière d’ESR qu’il faut revoir.