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La CAA de Paris fait la leçon à l’université Pierre et Marie Curie dans un marché public de travaux. Cour administrative d’appel de Paris, 6ème chambre, 04 novembre 2013

samedi 23 novembre 2013, par Hélène

Type d’affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Numérotation :
Numéro d’arrêt : 11PA03209
Numéro NOR : CETATEXT000028170169 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex ;fr ;cour.administrative.appel.paris ;arret ;2013-11-04 ;11pa03209 ?
Texte :

Vu la requête, enregistrée le 15 juillet 2011, présentée pour la société FORM’A, dont le siège est 145 rue Jean-Jacques Rousseau à Issy-les-Moulineaux (92130), par MeA... ; la société FORM’A demande à la Cour :

1°) d’annuler le jugement n°1000986/3-3 du 10 mai 2011 du Tribunal administratif de Paris en tant qu’il a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l’université Pierre et Marie Curie à lui verser la somme de 125 091,35 euros, portant intérêts au taux légal à compter du 27 octobre 2009 et capitalisation ;

2°) de condamner l’université Pierre et Marie Curie à lui verser, à titre principal, la somme de 125 091, 35 euros, portant intérêts au taux légal à compter du 27 octobre 2009 et capitalisation, en " exécution des engagements et de la garantie de paiement ", à titre subsidiaire, la somme de 125 091, 35 euros à titre de dommages et intérêts, qui ne pourra être fixée en deçà de la somme de 69 248,40 euros, correspondant à la perte comptable de résultats attendus si le contrat avait été exécuté ;

3°) de mettre à la charge de l’université Pierre et Marie Curie le versement de la somme de 5 000 euros sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

..................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code des marchés public ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;

Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 14 octobre 2013 :

- le rapport de Mme Larsonnier, premier conseiller,

- les conclusions de M. Dewailly, rapporteur public,

- les observations de MeA..., représentant la société FORM’A ;

- les observations de Me B...du cabinet Delcros-Peyrical-Miro, représentant l’université Pierre et Marie Curie ;

1. Considérant que, le 19 juillet 2005, l’université Pierre et Marie Curie a attribué à la société FORM’A un marché à bons de commande, ayant pour objet des " missions de maîtrise d’oeuvre, missions préliminaires de programmation et missions complémentaires d’ordonnancement de pilotage et de coordination pour des travaux de réutilisation, transformation, réhabilitation, modernisation des salles de cours, laboratoires, bureaux, locaux techniques, couloirs, parking du Campus Jussieu et sites parisiens ", d’une durée d’un an renouvelable, prévoyant un montant annuel minimum de commandes de 200 000 euros HT et un montant annuel maximum de 800 000 euros HT ; que, par lettre du 9 juillet 2008, le président de l’université Pierre et Marie Curie a décidé de renouveler le marché pour une durée d’un an ; que la société FORM’A fait appel du jugement en date du 10 mai 2011 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l’université Pierre et Marie Curie à lui verser la somme de 125 091,35 euros en réparation du préjudice que lui causé l’insuffisance de commandes passées dans le cadre du marché ; que l’université demande, par la voie de l’appel incident, la réformation du même jugement en tant que, par celui-ci, le tribunal a retenu le principe de sa responsabilité contractuelle ;

Sur la fin de non-recevoir opposée par l’université Pierre et Marie Curie tirée de la tardiveté de la requête :

2. Considérant qu’aux termes de l’article R. 811-2 du code de justice administrative : " Sauf disposition contraire, le délai d’appel est de deux mois. Il court contre toute partie à l’instance à compter du jour où la notification a été faite à cette partie dans les conditions prévues aux articles R. 751-3 et R. 751-4. Si le jugement a été signifié par huissier de justice, le délai court à dater de cette signification à la fois contre la partie qui l’a faite et contre celle qui l’a reçue. " ; qu’il ressort des pièces du dossier de première instance transmis à la Cour, et notamment de l’accusé réception du pli adressé à la société FORM’A, que le jugement attaqué lui a été notifié le 17 mai 2011 ; que, dès lors, sa requête, enregistrée le 15 juillet 2011 au greffe de la Cour, est recevable ; que, par suite, la fin de non recevoir tirée de la tardiveté de la requête doit être écartée ;

Sur la responsabilité contractuelle de l’université Pierre et Marie Curie :

3. Considérant qu’aux termes de l’article 71 du code des marchés publics alors en vigueur : " Lorsque, pour des raisons économiques, techniques ou financières, le rythme ou l’étendue des besoins à satisfaire ne peuvent être entièrement arrêtés dans le marché, la personne publique peut passer un marché fractionné sous la forme d’un marché à bons de commande. I. - Le marché à bons de commande détermine les spécifications, la consistance et le prix des prestations ou ses modalités de détermination ; il en fixe le minimum et le maximum en valeur ou en quantité. Le montant maximum ne peut être supérieur à quatre fois le montant minimum. Le marché est exécuté par émission de bons de commande successifs, selon les besoins. (...) " ;

4. Considérant que selon l’article 1er de l’acte d’engagement du marché en litige, le montant minimum des commandes que devait passer l’université Pierre et Marie Curie à la société FORM’A s’élevait à 200 000 euros HT ; qu’il résulte de l’instruction que, s’agissant de la période de juillet 2008 à juillet 2009, l’université n’a émis des bons de commande que pour un montant de 95 408,57 euros HT ; qu’elle fait valoir qu’elle a cessé d’émettre des bons de commande à partir du mois de novembre 2008 en raison des manquements répétés de son cocontractant ; qu’il résulte toutefois de l’instruction que les retards de livraison, s’agissant de la tranche 2 de l’Institut des systèmes intelligents et de robotique ISIR, du site de formation médicale et du Labo A2L2, sont principalement imputables aux entreprises intervenant sur les sites et au bureau d’études, ainsi qu’à la découverte d’amiante nécessitant la modification des projets ; que, contrairement à ce que fait valoir l’université, la société requérante a remis les dossiers des ouvrages réalisés ; que si l’université lui reproche également des retards dans la remise de planning des travaux et des documents exigés par le marché, il ressort de l’échange de correspondance entre les parties que les documents exigés par le marché ont bien été transmis à l’université, qui elle-même, au demeurant, a tardé à remettre à la requérante les documents qu’elle sollicitait ; que l’université ne justifie pas, alors que le marché litigieux a été reconduit trois fois, de " la mauvaise qualité du travail " de la société FORM’A sur le chantier ; qu’enfin, il ne résulte pas de l’instruction que l’université se serait opposée à la déclaration de l’entreprise sous-traitante choisie par la société FORM’A ; que, dès lors, l’université Pierre et Marie Curie, qui, par ailleurs, n’a pas résilié le marché aux torts du titulaire ni même appliqué les pénalités de retard prévues au contrat, n’est pas fondée, en tout état de cause, à soutenir que l’insuffisance du montant des commandes passées à la société FORM’A résulterait de ses propres manquements contractuels ; que, par suite, c’est à bon droit que les premiers juges ont estimé qu’elle avait commis une faute de nature à engager sa responsabilité contractuelle ;

5. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que les conclusions incidentes présentées par l’université Pierre et Marie Curie, tendant à la réformation du jugement du 10 mai 2011 du Tribunal administratif de Paris en tant qu’il a retenu le principe de sa responsabilité contractuelle, sont rejetées ;

Sur l’évaluation du préjudice de la société FORM’A :

6. Considérant que l’inclusion dans un contrat d’un montant minimal de commandes oblige l’administration à atteindre ce montant en termes de commandes ; qu’elle ne donne, en revanche, pas nécessairement à son cocontractant un droit à la rémunération correspondante, mais à la réparation du préjudice subi du fait du non-respect par l’administration de ses engagements, correspondant à sa perte de marge bénéficiaire, et, le cas échéant, aux dépenses qu’elle aurait engagées pour pouvoir satisfaire à ses obligations contractuelles minimales ;

7. Considérant que l’état du dossier ne permet pas à la Cour de statuer sur la demande de la société FORM’A tendant à être indemnisée du préjudice que lui a causé l’insuffisance de commandes passées dans le cadre du marché litigieux ; qu’il y a lieu, dès lors, d’ordonner une expertise aux fins précisées ci-après ;

DÉCIDE :

Article 1 : Les conclusions incidentes présentées par l’université Pierre et Marie Curie, tendant à la réformation du jugement du 10 mai 2011 du Tribunal administratif de Paris en tant qu’il a retenu le principe de sa responsabilité contractuelle, sont rejetées.

Article 2 : Il sera, avant de statuer sur les conclusions indemnitaires de la société FORM’A, procédé par un expert-comptable à une expertise.

Article 3 : L’expert sera désigné par le président de la Cour. Il accomplira sa mission dans les conditions prévues par les articles R. 621-2 à R. 621-14 du code de justice administrative. Le rapport d’expertise sera déposé au greffe de la Cour dans un délai de trois mois suivant la prestation de serment.

Article 4 : Il aura pour mission de définir la marge bénéficiaire (marge nette) qu’aurait réalisée la société FORM’A si le montant minimum des commandes prévu au marché n°05MOE04 avait été effectivement commandé par l’université Pierre et Marie Curie.

Article 5 : L’expert, pour l’accomplissement de sa mission, se fera communiquer tous documents financiers et comptables concernant la situation globale de la société FORM’A et sa situation relative au seul marché à bons de commande n° 05MOE04 conclu avec l’université Pierre et Marie Curie, pour la période comprise entre juillet 2005 et juillet 2009.

Article 6 : Tous droits et moyens des parties, sur lesquels il n’est pas expressément statué par le présent arrêt, sont réservés jusqu’à la fin de l’instance.