Accueil > Revue de presse > Horizon 2020, bouffée d’oxygène pour les universités ? - France Info, émission (...)

Horizon 2020, bouffée d’oxygène pour les universités ? - France Info, émission "Question d’éducation", 4 février 2014

jeudi 6 février 2014, par Elisabeth Báthory

Près de 80 milliards d’euros sur 7 ans. C’est ce que l’Union européenne va investir dans la recherche via son programme " Horizon 2020 ". Un enjeu majeur pour les universités françaises...

C’est ce qui a été rappelé hier lors d’une journée dédiée à l’accueil des nouveaux directeurs et directrices d’UMR, les Unités mixtes de recherche – c’est l’entité de base de la recherche française, elle réunit universités et centres de recherche comme le CNRS. L’enjeu est de taille : la France présente un déficit de 600 millions d’euros si on compare les sommes qu’elle verse au titre des programmes de recherche de l’Union européenne et les sommes qui vont à des projets de recherche français – c’est l’équivalent du budget de l’Agence nationale de la recherche. C’est donc très vertueux, on aide des pays qui ont moins de moyens, mais c’est aussi un peu décevant. L’idée est de faire mieux dans le cadre de Horizon 2020.

D’autant plus décevant que la recherche française est d’excellent niveau...

Oui. Le taux de succès des chercheurs français est un des meilleurs : quand on dépose un dossier de financement, on a plus de chances que les autres de l’emporter, mais on dépose moins de dossiers.

Pourquoi ?

Plusieurs facteurs se combinent. Le premier, qui explique la moindre place de la France ces dernières années, c’est la multiplication des appels à projets en France, tous ces Idex et autres Labex qui ont largement mobilisé les équipes, il est difficile de se battre sur tous les tableaux. Le deuxième, eh bien ce serait une forme d’autocensure, le mot est revenu souvent. Les chercheurs hésiteraient à se lancer de peur de ne pas être au niveau. Le troisième tient à une culture pas toujours très encourageante et accompagnante, avec une concurrence interne au sein de certains labos. Une chercheuse de l’UPMC en a témoigné avec beaucoup de sincérité : les 6 millions qu’elle a décrochés pour un projet de robotique, après plusieurs échecs, lui ont valu quelques jalousies féroces, il faut être capable de le supporter. Le quatrième, eh bien c’est que les dossiers européens leur semblent plus complexes que les autres à monter. Il faut dire qu’ils doivent impliquer plusieurs organismes, de plusieurs pays, et que la constitution du dossier répond à des règles écrites exigeantes mais aussi à des règles non écrites – un directeur de UMR a ainsi raconté que son projet, travaillé depuis des mois, avait été littéralement démonté par le lobbyiste bruxellois auquel il avait fait appel pour l’aider, parfois en fonction de critères parfaitement abscons pour qui ignore les arcanes des institutions européennes. L’histoire s’est bien terminée : il avait suivi le conseil et le dossier a été retenu – à la clé 6 millions d’euros.

Cette aide n’existe pas au sein du service public ?

Si, elle se structure même de plus en plus, notamment du côté du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche et du côté des organismes de recherche CNRS en tête. Elle est en revanche inégale au sein des universités. Il faut pouvoir recruter des ingénieurs de projet spécialisés, or les budgets, en ce moment, sont comptés. Cette aide est absolument essentielle car les projets se conçoivent un ou deux ans avant que les appels à projet soient publiés – il faut donc pouvoir s’appuyer sur des experts qui savent accéder à ce qu’on appelle " l’information grise " ; c’est un métier qui, en gros, consiste à lire entre les lignes quelles directions les instances bruxelloises vont prendre, quels choix elles vont effectuer.

On connaît tout de même les grandes lignes...

Oui. Elles sont le fruit de négociations entre les pays de l’Union européenne. Pour Horizon 2020, elles se déclinent en trois priorités toutes destinées à Renforcer la position de l’Union européenne dans le monde dans les domaines de la recherche, de l’innovation et des technologies :

— assurer la compétitivité de l’Europe en investissant dans les technologies et les métiers d’avenir, au service d’une croissance "intelligente, durable et inclusive" ;

— renforcer l’attractivité de l’Europe de la recherche ;

— prendre en compte les préoccupations des citoyens (santé, environnement, énergies propres...) et apporter des éléments de réponse aux défis de société.

On parle ici de recherche fondamentale ou des recherche appliquée ?

Les deux. Il y a toute une série d’appels à projets à venir sur ce que l’Union appelle les " défis sociétaux " ; elle en a identifié sept : Santé, Bioéconomie, Energie, Transports, Changement climatique et ressources, Sociétés inclusives et Sécurité. Les projets peuvent être de la pure recherche fondamentale ou aller jusqu’à des applications très concrètes, en lien avec les entreprises. La seule chose que ne finance pas l’Union c’est la commercialisation.

Et tous les domaines sont également concernés ?

Non. Et d’ailleurs certains sont nettement moins bien dotés, c’est le cas notamment des sciences humaines et sociales. Mais il y a, au moins officiellement, un volonté de les valoriser : on incite les chercheurs à travailler de manière pluridisciplinaire et à intégrer une approche " sciences sociales ". De fait elle est stratégique. Une découverte ne se transforme pas automatiquement en innovation, même quand elle semble très appliquée. C’est le cas de la voiture sans chauffeur. Elle existe, elle circule même sur de vraies autoroutes, aux Etats-Unis. Mais ses concepteurs avouent volontiers qu’il leur reste un obstacle de taille à lever, en dehors de la question du prix, c’est de nous convaincre de monter dedans. Et c’est là qu’interviennent les sciences humaines et sociales. Et ce qui est vrai de cet exemple l’est de nombreux autres.

A lire / écouter sur le site de France Info.