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Emploi scientifique : le Conrs réuni le 11 juin - Sciences2 - Sylvestre Huet - 12 mai 2014

lundi 12 mai 2014, par Hélène

Le PDG du CNRS, Alain Fuchs vient de donner son accord à une réunion extraordinaire du Comité national de la recherche scientifique. Une réunion en séance plénière, un événement rare, réclamé par les présidents de section du CoNRS (Comité national de la recherche scientifique). Une réunion qui ambitionne de lancer une bataille, en direction du gouvernement, pour éviter une évolution catastrophique des recrutements de jeunes chercheurs.

Cette décision obligée d’Alain Fuchs, puisque les statuts prévoient une telle réunion dès lors que la majorité des présidents de section le demandent, a été communiquée par une lettre (ci-contre).

En ces temps de campagne pour l’élection du Parlement européen, il est intéressant de se souvenir de l’argumentaire du Commissaire européen Philippe Busquin, chargé de la recherche entre 1999 et 2004 lorsque s’élabora et se décida la stratégie dite de Lisbonne, censée faire de l’Union européenne une région de croissance économique et de plein-emploi grâce à la connaissance et à la recherche (je reprends les termes du discours politique de l’époque et je passe sur la vision qu’en avaient les dirigeants, faite de néolibéralisme, de privatisations - voir l’action du gouvernement Jospin à ce moment-là - et de mise en concurrence des territoires).

Stratégie de Lisbonne

Busquin milita alors pour que l’UE se fixe l’objectif de consacrer 3% de son PIB à la R & D. Lorsque je lui demandais s’il pouvait traduire cela en nombre de chercheurs, tant pour le public que pour le privé, il contournait la difficulté de l’interdiction politique d’évoquer la croissance du nombre de chercheurs des laboratoires publics en disant, en substance : « dès lors que vous augmentez les dépenses de R & D, vous augmentez le nombre de chercheurs, car la recherche exige des hommes et des femmes et pas seulement des équipements ». Résultat ? Eh, bien le résultat c’est que 14 ans après l’adoption de cette stratégie, la part du PIB consacrée à la R & D dans l’Union Européenne a stagné aux alentours de 2% comme en France. Un échec retentissant. L’argumentaire du gouvernement actuel, et de la ministre Geneviève Fioraso est de dire que c’est la faute au privé et que l’Etat n’a pas à embaucher plus de chercheurs pour les laboratoires publics. Une vision étrange, car elle revient à dire que 3% pour l’UE cela veut dire 3% dans chaque pays. Ou que les parts du privé et du public dans ce total sont intangibles. Or, il est évident que la France fait partie des pays de l’UE qui doivent aller au-delà des 3%, si l’on veut que l’UE dans son ensemble y parvienne (un peu comme aux Etats-Unis la R & D a plus de poids dans certains Etats). Et que cet effort doit comporter aussi une augmentation des effectifs de la recherche publique, compte tenu de la faiblesse de l’industrie française.

La ministre a oublié ses Assises

Par ailleurs, un plan pluriannuel pour l’emploi scientifique, demandé par les syndicats et le Conseil scientifique du Cnrs avait été repris comme la 52e proposition des Assises de la Recherche organisées par Geneviève Fioraso et présentée par le rapporteur... un certain Vincent Berger, à l’époque président de l’Université Denis Diderot, aujourd’hui conseiller spécial de François Hollande pour l’enseignement supérieur et la recherche. La formulation cette proposition était : "Elaborer un plan pluri-annuel de recrutements de chercheurs et d’enseignants chercheurs permanents qui contribue à la résorption de la précarité des jeunes chercheurs, tout en respectant les modalités de recrutement régulières des chercheurs et enseignants-chercheurs."

Dans une note du 28 novembre 2012, présentant les principales propositions des Assises, j’écrivais ainsi : "Fini le discours sur la précarité comme nouveau mode de fonctionnement majeur. Vincent Berger a dénoncé « l’explosion des emplois précaires » tout en soulignant la responsabilité partagée par les cadres de la recherche publique à cet égard. L’emploi pérenne doit redevenir la règle, et un plan de titularisation des précaires doit être réalisé dans le cadre d’un plan pluriannuel de l’emploi scientifique, a t-il demandé." Or, rien n’a été fait en ce sens depuis la tenue de ces Assises... la ministre aurait-elle oublié ce qu’elle a elle-même organisé ?

La galère des jeunes scientifiques se lit dans les derniers chiffres du Bilan Social 2013 de l’INSERM. Il révèle 40% de non-titulaires dans les effectifs : près de 3500 sur 8510 même s’il faut retrancher de ce chiffre les doctorants. Et le nombre moyens d’années de contrats précaires avant recrutement est passé à 9,2 années pour les CR1 contre 7 ans en 2008.

Pour plus d’informations sur ce sujet crucial lire cette note qui présente une analyse du Conseil scientifique du CNRS dont le début commence ainsi :

La crise de l’emploi scientifique en France et ses dangers : introduction à l’analyse chiffrée du Conseil Scientifique du CNRS.

Le Conseil scientifique du CNRS, à l’issue de son mandat (2011-2014), estime qu’il est de son devoir d’alerter les pouvoirs publics et la société civile sur les dangers que les perspectives actuelles en matière d’emploi scientifique, particulièrement sombres, font courir à la recherche française. Les recrutements dans ce secteur sont en diminution constante depuis une dizaine d’années et les organismes de recherche, dont le CNRS, pourraient bientôt ne plus recruter (années dites « blanches »). Les conséquences se font déjà sentir à travers une crise de la vocation scientifique des nouvelles générations. Si les jeunes se détournent de ces apprentissages et de ces carrières, c’est l’ensemble du système français de recherche qu’on aura mis à mal, et avec lui, les perspectives d’innovation, d’emploi mais aussi d’influence de notre pays dans le moyen terme. Ce scénario est d’autant plus vraisemblable que nos voisins, en particulier l’Italie et l’Espagne, en font déjà l’amère expérience. Pour convaincre de la gravité de cette situation, le Conseil scientifique a produit une analyse des chiffres de l’investissement et de l’emploi scientifique en France et dans le monde, annexée à ce document. Ce qui suit constitue une rapide synthèse de ses enseignements. La suiteici avec des graphiques et des chiffres.

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