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L’autonomie bafouée des universités — Bernard Belloc, Les Echos, 1" février 2015

samedi 14 février 2015, par Mr Croche

Ne vous y méprenez pas... Ce n’est pas ce que vous croyez ! On apprend que " les universités françaises n’ont jamais été aussi à l’aise financièrement", à vous de découvrir comment l’Etat bafoue l’autonomie !
Bernard Belloc est président honoraire de l’université de Toulouse-I Capitole.

A lire sur le site des Echos

Depuis 2012 que n’a-t-on dit dans de nombreux cercles politiques et syndicaux de gauche contre l’autonomie universitaire, cause désignée de tous les maux des universités françaises, et d’abord de leur prétendue faillite !

Un référé de la Cour des comptes en date du 3 novembre 2014, rendu public le 25 janvier 2015, vient de rétablir la vérité : même si elles doivent disposer d’encore plus de moyens, les universités françaises n’ont jamais été aussi à l’aise financièrement, et, si faillite il y a, c’est celle de la tutelle de l’Etat.

Que dit ce référé, signé par le Premier président de la Cour des comptes ?

D’abord, de 2007 à 2012, le financement de l’enseignement supérieur français a rejoint et dépassé la moyenne des pays de l’OCDE. Ensuite, la Cour dénonce la faillite de l’Etat dans l’exercice de la tutelle des universités dont le fonctionnement est inadapté au contexte de l’autonomie. Les financements contractuels ne sont pas incitatifs. Aucun indicateur de suivi de l’utilisation des subventions publiques n’a jamais été élaboré par les services ministériels dans ce secteur. Aucun indicateur de performance n’a jamais été utilisé pour apprécier le fonctionnement des universités.

Le ministère va-t-il tirer les conséquences de ce référé et s’attaquer sérieusement à la modernisation des conditions d’exercice de sa tutelle ? Que non pas ! Emporté par un élan égalitariste aveugle, il envisage de prélever 100 millions d’euros sur les fonds de roulement de certaines universités pour les verser à d’autres. C’est l’éternel refrain de la redistribution des « riches » vers les « pauvres » comme solution à tous les problèmes. C’est l’autonomie même des universités qui est en cause. Quelles que soient les origines des excédents en termes de fonds de roulement, il faut laisser chaque université exercer son autonomie pour le meilleur pour les universités les plus brillantes en recherche et les plus efficaces pour la formation, et pour le pire pour les moins performantes, qui, dans beaucoup de cas, n’ont qu’à s’en prendre à leur incapacité d’établir une vraie stratégie d’établissement plutôt que de gémir sur leurs moyens. Toutes les universités sont logées à la même enseigne au moment de la répartition des crédits publics. Si certaines en font ensuite un meilleur usage que d’autres, qu’elles bénéficient de leur effort ! Que l’Etat se dote d’outils pertinents pour répartir ex ante les crédits publics en fonction des projets des universités. Mais qu’il ne passe pas ensuite un coup de râteau égalisateur au nom d’on ne sait quel dogme égalitaire. Quel mépris pour l’autonomie des universités et pour les stratégies choisies par leurs instances ! Le gouvernement est toujours dans la conception dépassée d’universités tenues en tutelle comme le sont des incapables majeurs.

Le débat sur les regroupements, les Comue, a tenté de combler le vide abyssal actuel de la réflexion sur l’université en France. On attend avec curiosité les premiers pas de cette couche administrative supplémentaire au rôle incertain. Cela permettra sans aucun doute à l’Etat de réduire dans la plus grande opacité les crédits contractuels octroyés aux universités françaises. On sera encore plus curieux des réactions des étudiants étrangers apprenant qu’ils sont inscrits dans une Comue, espèce nouvelle de la zoologie administrative française, totalement absente des paysages dans les autres pays.

Tout cela ferait sourire si notre avenir à long terme n’en dépendait pas. Après ce référé de la Cour des comptes, l’Etat a perdu toute crédibilité dans son soi-disant pilotage des universités. Il est grand temps d’achever la longue marche des universités françaises vers leur autonomie, incluant la maîtrise de tous les moyens concourant à la réalisation du service public d’enseignement supérieur, la liberté réelle de bénéficier de ressources diversifiées, et surtout la pleine responsabilité de leurs décisions et de leurs conséquences.

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