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Les prêts étudiants face à la crise financière

17 octobre 2008

lundi 27 octobre 2008, par Laurence

http://www.bulletins-electroniques.com/actualites/56355.htm

Le secteur des prêts étudiants, déjà fragilisé, est aujourd’hui largement affecté par la crise des marchés du crédit. Si l’ensemble des demandes de prêts étudiants pour l’année universitaire 2008-2009 ont finalement pu être satisfaites, c’est au prix d’importantes réorientations structurelles qui voient le rôle des autorités fédérales s’affirmer fortement.

Le College Cost Reduction Act et l’Access Act du printemps 2007 avaient fragilisé le secteur des prêts étudiants fédéraux (dont les conditions, fixées par le gouvernement fédéral, sont plus favorables que celles des prêts privés) en réduisant les subventions publiques aux établissements financiers privés qui accordaient alors 80% des prêts étudiants fédéraux dans le cadre du programme Federal Family Education Loan (FFEL). Le mouvement de retrait des établissements privés de ce programme a été accentué par la crise financière au point que ce sont finalement quelque 130 organismes prêteurs privés qui se sont désengagés du programme fédéral de prêts étudiants FFEL.

En parallèle, la crise financière a poussé de nombreux établissements émetteurs de prêts étudiants privés à se retirer de ce secteur ou à resserrer leurs conditions d’emprunt. Confrontés au renchérissement et à la réduction du volume des prêts privés, les étudiants se sont donc davantage tournés vers le dispositif des prêts fédéraux, avec une hausse de 16% des demandes par rapport à 2007. Pour faire face à cette augmentation au moment même où beaucoup d’établissements privés se retiraient du dispositif, le Gouvernement s’est vu dans l’obligation d’intervenir résolument.

L’enjeu est en effet de taille, comme le rappelait le 16 septembre 2008 le député George Miller de Californie, président de la commission parlementaire de l’Education et du Travail : "Nous devons empêcher que les difficultés du marché du crédit empêchent les étudiants d’accéder aux études supérieures pour des raisons financières".

Pour faire face au retrait des prêteurs privés du dispositif des prêts fédéraux FFEL, le Gouvernement a tout d’abord invité les universités et étudiants à privilégier le programme fédéral Direct Loan (DL) par lequel les étudiants empruntent directement auprès du Trésor américain, contournant ainsi la pénurie de prêts étudiants fédéraux au niveau des établissements privés. Il faut en effet rappeler que 80% des prêts fédéraux étudiants sont traditionnellement octroyés par des institutions privées (Programme FFEL), contre 20% par le Trésor lui-même (DL). Au mois d’avril 2008, face aux difficultés rencontrées avec les établissements privés, 5,8% des établissements universitaires étaient déjà passés du programme FFEL au programme DL, et, selon le Government Accountability Office (GAO), 20% supplémentaires déclaraient au début de l’été 2008 souhaiter passer à un mode de financement direct, moins sujet aux aléas du secteur bancaire privé. Face à cette perspective, le Département Fédéral de l’Education a annoncé à l’été 2008 qu’il se préparait à doubler les ressources financières du programme DL pour les années universitaires à venir.

En second lieu, le Gouvernement américain a mis en place des mesures destinées à augmenter le montant total des prêts fédéraux à la disposition des étudiants, qu’ils passent ou non par des organismes privés. Par exemple, les prêts fédéraux Stafford non subventionnés, accessibles à tous les étudiants sans condition de ressources, ont vu leur plafond augmenter. Sur proposition du gouvernement, le Congrès a ainsi augmenté de 2000$ le montant annuel maximal, permettant aux étudiants de première année d’obtenir un prêt de 5,500 dollars (6,500$ pour les étudiants de deuxième année et 7,500$ à partir de la troisième année). De même, le Département fédéral de l’Education a assoupli les procédures d’obtention (jugées jusque-là particulièrement lourdes) et amélioré les conditions de remboursement des prêts PLUS, accordés aux familles des étudiants, prêts eux aussi accessibles auprès d’organismes privés ou bien auprès du Trésor. Les effets de ces mesures se font déjà sentir puisque le volume total des prêts fédéraux représente plus de 51 milliards de USD pour l’année universitaire 2008-2009, contre seulement 45 milliards pour l’année précédente.

Enfin, dans un contexte de manque de liquidités de la part des prêteurs privés, le Congrès américain a adopté le 17 septembre 2008 une loi visant à redonner aux prêteurs privés leur place sur le marché des prêts étudiants fédéraux, en autorisant le Département Fédéral de l’Education à acheter des crédits étudiants aux prêteurs privés du programme FFEL en défaut de liquidité. Cette loi, promulguée la semaine passée par le président Bush est en réalité une extension d’un an du Ensuring Continued Access to Student Loans Act voté en mai 2007. Il va sans dire que devant l’approfondissement de la crise financière ces dernières semaines, l’impact de ces mesures ne se ressentira pas dans le futur proche.

La crise financière a confirmé s’il en était besoin le rôle crucial des prêts étudiants comme garants de l’accès à l’université pour de nombreux étudiants, dans un contexte de droits d’inscription certes hétérogènes mais en moyenne élevés. La crise a également souligné le caractère indispensable de l’intervention publique fédérale pour l’équilibre du système des prêts étudiants, tout en révélant ses faiblesses intrinsèques et en soulignant l’importance d’une remise à plat du dispositif.