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Retour sur un "Plan social" à l’université de Bourgogne - màj 19 octobre

mercredi 19 octobre 2016, par Laurence

Le CA de l’université de Bourgogne a commencé ce matin, mercredi 19 octobre, à 9h sous haute surveillance – très encadré par la police (photo jointe), parce qu’il faut se méfier des personnels qui vous ont élus. Des étudiants et des enseignants-chercheurs mobilisés contre les coupes dans les formations l’ont accompagné en grand deuil. Les étudiants de musicologie désormais sans formation ont joué à leur propre enterrement. Et le CA a refusé de recevoir la délégation.

Ceci est un encadrement de CA d’université.

De fait, depuis la rentrée il y a eu plusieurs blocages de CA (le 29 septembre notamment), une invasion de la maison de l’Université, au moins quatre grandes AG intersyndicales dont une sur le parvis de l’université, de multiples textes envoyés à la présidence, de nombreux pique-nique de protestation organisés. Mais, à notre connaissance, toujours aucune chemise déchirée.

Retour rapide sur un mois et demi de chauffe.

- mi-juillet, les directeurs de composantes ont appris qu’il leur fallait couper 11,7 % des formations pour la rentrée… de manière à réaliser les drastiques économies exigées par la présidence de l’université de Bourgogne. Il ne s’agissait pas moins de 35000 heures à supprimer dans les formations. Cette coupe s’ajoute, il faut le souligner, aux - 3%, - 4% des années antérieures. Faire des économies est devenu synonyme, à chaque rentrée, de coupe dans les formations. Les crédits de fonctionnement aussi ont été coupés, à hauteur de 36%.

- avant même la rentrée, plusieurs UFR se sont rebellées contre ce véritable "plan social", l’UFR de Sciences humaines en tête. La baisse de volume des formations a été ramenée à -6,7%, tandis que celle des crédits de fonctionnement se dégonflait à - 5%. Voir la lettre des historiens de l’UB à la communauté scientifique.

- la filière Lettres classiques, qui pourtant avait multiplié les mutualisations, et supprimé les heures demandées, portant à - 30% le volume horaire retiré, s’est vu tout bonnement supprimée (tout comme finalement le master d’Histoire moderne, la musicologie), et transformée en option à l’intérieur du cursus de Lettres Modernes. Cette décision prise hors conseil d’UFR a entraîné, de la part d’une doctorante de LC, l’ouverture d’une pétition… qui a recueilli plus de 6100 signatures en quelques jours (au 26 septembre).

Le conflit est actuellement cristallisé sur le montant du déficit de l’UB : la direction, qui ne voulait d’abord pas dépasser 2,5 millions (sans justifier préciser de ce que recouvre ce chiffre), a baissé la garde de 700000 euros… Alain Bonnin a envoyé une lettre à l’ensemble des personnels de l’UB, et à la presse. Le collectif "Université Debout", formé le 12 octobre, lui a répondu sur plusieurs points… et sur la question de la confiance. Cette réponse a également été relayée dans la presse locale. Un tract est distribué ces jours-ci pour informer l’ensemble des personnels de l’UB et au-delà.

Quelques réflexions slutistes

Il est clair pour beaucoup que l’État a une responsabilité dans la situation actuelle : la loi LRU, les RCE, sont une véritable organisation du déficit des universités – déficit qu’aucune dotation de l’État ne pourrait vraiment endiguer, ainsi que le soulignaient très tôt, tel rapport sur la loi de finances (gouvernement Sarkozy), tel rapport au Sénat de 2012 (gouvernement Hollande). Mais les coupes dans les formations – intervenant d’ailleurs alors que les étudiants se sont inscrits (que dirait un TA de ce type de manipulation… ?) – touchent au coeur d’une des deux principales missions de l’université : maintenir un enseignement et une formation de qualité pour ceux qui ne choisissent pas, quelles qu’en soient les raisons, la voie des structures plus chères, écoles grandes ou petites, ou la voie de l’emploi "immédiat".

Sans doute, la loi laisse aux gestionnaires des universités le soin de trouver des "solutions" : du côté de ce qui reste du passé et qu’on ne peut encore tout à fait liquider (les personnels, Biats, enseignants-chercheurs, les formations…), la marge est étroite et sévère : augmentation des droits d’inscription, heures complémentaires non payées, coupe dans les formations, modulation de service… Du côté du nouveau, l’obtention d’un de ces projets qui apportent de l’argent sur une ligne spécifique, et l’autorisation avec cette manne d’un gaspillage dans de véritables usines à gaz.

Sans doute alors, ce que l’on subit et fait subir aux étudiants et aux personnels, peut se lire comme le résultat de la coexistence brutale entre deux conceptions de l’université, celle que portent les personnels que l’on ne peut pas encore virer mais qui sont sommés de s’auto-réformer, et celle que fantasment et fabriquent des décisions rivées à Bruxelles, aux slogans en -ex (sur ce que signifie l’obtention d’un IDEX…), à "Recherche et Innovation". Lisez le texte de présentation de la COMUE de l’UBFC… Une COMUE dont on ne sait toujours pas le coût exact pour les deux universités de Franche-Comté et de Bourgogne.

Bref, certes, il faut revenir sur la loi, redéfinir le projet d’enseignement supérieur à un niveau national, revoir le cadre général – arriver peut-être à porter la question du supérieur dans la campagne électorale. Mais il faut aussi se battre en local, obtenir la transparence des décisions et des budgets (préconisée par l’HCERES qu’il n’y a aucune raison de ne pas prendre à la lettre), rappeler qui sont les destinataires premiers de la structure universitaire, et aussi prendre en charge le rapport de forces disciplinaire que le conflit fait apparaître : entre sciences humaines et sociales, majoritairement mobilisées à l’UB, et sciences "dures" qui semblent être restées indifférentes à ce qui s’est passé ce mois de septembre à l’université de Bourgogne.