Accueil > Université (problèmes et débats) > Macron, Aghion la CPU et l’État Stratège - blog de Yann Bisiou, 2 mars (...)

Macron, Aghion la CPU et l’État Stratège - blog de Yann Bisiou, 2 mars 2017

vendredi 3 mars 2017, par Laurence

Le programme d’Emmanuel Macron sur le SUP est sorti. Sans surprise, il s’agit de dupliquer en France un prétendu "modèle américain" dont l’échec, faut-il le rappeler, a été au coeur des discours de Mme Clinton, de Bernie Sanders ou du président Obama pendant la campagne présidentielle. Sur twitter je l’ai qualifié de stupide et mauvais. Proposer un système qui échoue c’est un mauvais programme. Proposer un système dont on mesure aujourd’hui les échecs c’est stupide. Voici, plus en détail, les raisons de ce jugement.

Un universalisme trompeur

Le projet d’Emmanuel Macron reprend les arguments qui avaient été développés au moment de la présentation de la LRU par Valérie Pécresse. Pas étonnant, les conseillers sont les mêmes, Aghion notamment.

Le premier de ces arguments est d’implanter en France le "modèle international" de l’enseignement supérieur et de la recherche c’est à dire... le modèle des universités privées américaines. Premier mensonge : ce modèle n’est pas universel loin s’en faut. Il ne concerne qu’un petit nombre de pays anglo-saxons et dans ces pays un petit nombre d’établissements qui accueillent une infime minorité des étudiants et des chercheurs. Aux États-Unis il s’agit pour l’essentiel de 6 des 8 universités privées de la IVY League.

Le modèle "Suisse", par exemple, est très différent. On retrouve un financement massif de la recherche comme aux USA, mais c’est un financement public. Le modèle chinois est bien plus important que le modèle US aujourd’hui et là aussi il est très différent. L’excellence se concentre aussi sur quelques établissements, mais seulement des universités ou des instituts publics entièrement financés par l’État avec des enseignants-chercheurs fonctionnaires. Le privé se développe, en complément de l’excellence. Et idem du modèle Allemand, ou du modèle finlandais qui faisait fantasmer l’Europe il y a encore un an.

On peut trouver le modèle des 6 universités privées de la IVY League fantastique mais il n’a rien d’universel, il est au contraire marginal.

Une excellence douteuse

Deuxième argument, ce modèle "universel" serait le modèle de l’excellence. Là aussi je le conteste. Ce modèle a été présenté fallacieusement comme un modèle d’excellence. On critique aujourd’hui, avec raison, le classement de Shanghai, mais on oublie que M. Aghion en avait fait l’argument de vente de la LRU prétendant qu’il mesurait l’excellence (cf son PPT à V. Pécresse en doc joint).

Pour ceux qui l’ignorent, à partir de 2003 un groupe d’économistes libéraux a cherché à "vendre" la privatisation du SUP en France. Leur propagande se fondait sur d’obscures publications de l’OCDE difficiles à promouvoir. Le classement de Shanghai est venu comme une bénédiction pour ces idéologues qui s’en sont emparé avec le succès que l’on voit. Mais rien à voir avec l’excellence universitaire. Classer les universités en fonction du nombre de "Nobel" qui seront bien souvent déchargés d’enseignement, ne me paraît pas refléter une quelconque excellence pédagogique.

Quant à l’excellence scientifique, elle repose sur le système du publish or perish et des bases de données payantes. Outre la critique que l’on adresse à la course aux publications qui fait de la quantité plutôt que de la qualité, on a vu l’absence de pertinence des bases de données. Thomson Reuters s’est fait une spécialité de prédire les lauréats Nobel à partir de leur notoriété sur sa base de donnée Web of Science. Résultat : échec presque systématique. En 2014 ils annonçaient ainsi M. Aghion comme Nobel d’économie. Le pauvre attend toujours... Comme quoi le jury Nobel n’a pas la même vision de l’excellence qu’Emmanuel Macron et ses conseillers.

Le mirage d’un Eldorado scientifique

Pour lire la suite sur le blog de Yann Bisiou