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La fin de l’université s’avance masquée - André Gunthert, blog "L’image sociale", 2 novembre 2017

vendredi 3 novembre 2017

La presse soc-dem a accueilli fraîchement la perspective de la création d’un média représentatif de l’opposition de gauche. Pourtant, s’il y a un domaine où l’on peut vérifier les dégâts produits par la disparition d’un point de vue progressiste, c’est bien celui de l’enseignement supérieur. Accompagnant l’annonce de la réforme de l’entrée à l’université, L’Obs ou Libé ont claironné leur approbation du projet gouvernemental (« Sélection à l’université, la fin d’un tabou », « Universités, la loterie, c’est fini »). La « loterie », faut-il le rappeler, c’était la garantie pour le plus grand nombre, dans une démocratie qui promeut un enseignement largement gratuit, du choix le plus ouvert pour ses études supérieures.

Même l’iconographie retenue par ces journaux trahit leur peu de considération pour cet univers lointain. Entre les toques de diplômes, emprunt aux coutumes anglo-saxonnes, ou les bureaux vacants, peu représentatifs des amphis surchargés, on peine à reconnaître les facs hexagonales, où les directeurs artistiques n’ont visiblement pas mis les pieds depuis belle lurette.

Une distance qui explique que les rédactions prennent si facilement pour argent comptant les éléments de langage ministériels. Seule l’ignorance de la réalité universitaire permet en effet de tomber dans le panneau de la diabolisation du logiciel APB, rendu responsable de tous les dysfonctionnements de l’accueil dans le supérieur – et d’applaudir en conséquence à sa « réparation » par une dose de sélection, présentée comme la solution miracle, « la fin d’un tabou », autrement dit la fin d’un intolérable archaïsme. Après tout, qui est contre la sélection, elle qui garantit la qualité des meilleures écoles, et protège ceux qui sont passés entre les mailles du filet ? D’ailleurs, « les Français sont pour », confirme L’Obs par voie de sondage – c’est dire si les jeux sont faits.

Mais l’algorithme-bashing est l’arbre qui cache la forêt des problèmes non résolus de l’enseignement supérieur. Le plus important est une hausse croissante du nombre d’étudiants depuis 2013 (30 000 à 40 000 étudiants de plus chaque année à l’université), alors que les prévisions du ministère tablaient sur leur stagnation. Cette augmentation n’est en effet pas le fruit de la progression démographique, le nombre de bacheliers restant stable, mais d’une préférence pour l’université des jeunes adultes, explicable par la situation du marché du travail. Pas de chance, ce choix contredit les présupposés idéologiques de la bureaucratie gouvernementale, persuadée depuis longtemps du déclin des vocations dans les filières non sélectives du supérieur.

Alors que les prévisions les plus récentes tablent désormais sur une croissance explosive du nombre d’étudiants(350 000 étudiants de plus d’ici à 2025), l’absence d’anticipation et la baisse régulière des budgets du supérieur confronte les établissements à un cruel effet de ciseaux.

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