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« Parcoursup fait entrer l’université dans le monde de la concurrence généralisée »- Thomas Brisson et Bertrand Guillarme, Le Monde, 12 janvier 2018

vendredi 12 janvier 2018, par Laurence

Destinée à succéder à l’impopulaire plate-forme APB, Parcoursup sacrifierait la majorité des étudiants au profit d’une élite estiment, dans une tribune au « Monde », les universitaires Thomas Brisson et Bertrand Guillarme.

Thomas Brisson et Bertrand Guillarme sont enseignants-chercheurs au département de science politique, Université Paris VIII et membres de Sauvons l’Université !

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Le projet de loi « Orientation et réussite des étudiants » sera prochainement présenté au Parlement. Sans même prendre la peine d’attendre ce moment, le ministère de l’enseignement supérieur a déjà adressé en 2017 nombre d’injonctions aux équipes universitaires pour en organiser la mise en place, en dehors de tout cadre légal. Une telle précipitation est officiellement justifiée par l’urgence qu’il y aurait à remplacer un système impopulaire, APB, vu comme incapable de satisfaire les choix d’orientation des futurs étudiants. Lui succède ainsi une nouvelle plate-forme nommée « Parcoursup », fonctionnant sur la base de principes différents.

Les lycéens seront invités à formuler dix choix non hiérarchisés (au lieu des vingt-quatre d’APB classés eux par ordre de préférence) dans un dossier qui comportera plusieurs pièces (en plus d’une lettre de motivation et des bulletins de notes de première et terminale, les avis du conseil de classe de terminale sur les choix d’orientation demandés par les lycéens). Pour accompagner ce processus, les universités ont dû commencer à formuler des « attendus nationaux  » par discipline, éventuellement précisés par des « attendus locaux  ».

Selon le gouvernement, ce système permettrait enfin une orientation à visage humain, soucieuse de respecter les aspirations des lycéens et de valoriser au mieux leurs capacités. En pratique, tout amène à penser que c’est plutôt un système opaque et injuste qui sera mis en place. Comment, en effet, va se dérouler le processus d’examen des candidatures ? Pour chaque formation demandée, les équipes pédagogiques devront classer en moyenne mille dossiers par cursus (selon les estimations du ministère) : ce n’est en effet que grâce à ce classement hiérarchisé que les propositions pourront être adressées aux candidats, dans la limite des places disponibles dans chaque licence.

Quatre mois d’attente et d’angoisse

Pour la plupart des lycéens et leurs familles, cela représentera plus de quatre mois d’attente et d’angoisse. Le ministère prévoit en effet que l’ensemble du processus se déroulera entre la fin mai et la fin septembre. Pendant cette période, les meilleurs lycéens verront d’emblée leurs choix satisfaits alors que la majorité des autres devront attendre que des places se libèrent éventuellement, en fonction du désistement des mieux classés.

Nombre de futurs étudiants risquent de rejoindre, au terme d’un processus dont les règles seront difficilement connues, une licence qui ne correspond que de loin à leurs intérêts véritables dans une université qui n’aura pas leurs faveurs. D’autres, dont aucun des choix n’aura été satisfait, seront affectés par le recteur dans les formations ayant encore des places disponibles. Pour une réforme censée valoriser le choix des individus, on est loin du compte.

Au niveau collectif, c’est la fragmentation de l’Université et la fin de la valeur nationale des diplômes qui vont résulter de cette réforme. Les équipes pédagogiques des universités devront en effet opérer un classement des candidatures : elles se détermineront logiquement en fonction de l’origine scolaire des lycéens et de leurs notes. Dès lors que les formations les plus reconnues attireront les meilleurs lycéens, les moins recherchées se trouveront marginalisées, accueillant les publics les plus fragiles, sans recevoir de la part de la collectivité la moindre compensation.

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