Accueil > Revue de presse > Blogs > Parcoursup aveuglé par les grands nombres - Yann Bisiou, Le Sup en (...)

Parcoursup aveuglé par les grands nombres - Yann Bisiou, Le Sup en maintenance, 24 janvier 2018

dimanche 28 janvier 2018, par Mademoiselle de Scudéry

22 000 places supplémentaires ? Pipeau…

À lire intégralement ici.

Il faut reconnaître une qualité à Parcoursup : la plateforme fourmille d’informations. En particulier elle indique les capacités d’accueil de cette année et celles de la rentrée prochaine. La ministre ayant annoncé la création de 22.000 places supplémentaires, il est possible de vérifier ; en théorie.

En théorie, car le ministère n’est pas très coopératif. Il faut se livrer à un travail de fourmi, formation par formation, pour comparer la variation des capacités d’accueil avant et après la réforme. C’est ce que j’ai fait sur la Licence AES (Administration Économique et Sociale).

J’ai choisi l’AES parce que j’y enseigne (avec grand plaisir), mais aussi parce que cette formation correspond parfaitement aux orientations du ministère. C’est une licence pluridisciplinaire (droit, économie, gestion, SHS), à vocation professionnalisante, qui forme de nombreux profils avec une grande diversité de parcours (généralistes pour les PME/PMI, intervenants du secteur social, agents de la fonction publique). C’est aussi une formation qui attire des jeunes de milieux modeste comme alternative aux Bachelors des écoles de commerce et c’est une formation qui a été confrontée au problème de l’accueil des bacs pros. Alors que la pluridisciplinarité est un défi supplémentaire pour l’étudiant, il y a quelques années les bacs pros s’y inscrivaient massivement… et échouaient tout aussi massivement. Enfin l’AES est une filière « jeune », comparée au Droit à l’Histoire ou aux Mathématiques, et souffre souvent d’un taux d’encadrement très faible avec un recours important aux enseignants sur statut précaire. L’AES est donc un bon marqueur de la réforme.

J’ai comparé les capacités d’accueil dans toutes les formations AES sur Parcoursup et la tendance n’est pas à l’augmentation : 4.030 places supprimées à la rentrée prochaine par rapport à cette année ! Pour créer 22.000 places supplémentaires dans Parcoursup, il en faudrait donc en réalité 26.000 ! Lorsque j’étais vice-président, j’ai toujours critiqué le ministère pour cette manie des grands nombres. C’est beau un grand nombre, c’est simple, facile à utiliser, ça plaît à la presse, mais ça ne sert à rien. Entrons dans le détail des données Parcoursup concernant l’AES et le constat apparaît beaucoup plus complexe.

La généralisation des capacités d’accueil

Premier enseignement, Parcoursup confirme la généralisation des capacités d’accueil. Toutes les licences AES en fixent aujourd’hui alors que les AES de Lille, Marseille et Poitiers n’en imposaient pas l’année dernière. Sur le papier la réforme accroît donc la sélection. Mais il faut encore affiner l’analyse.

Le nombre de places : de la COM

La variation du nombre de places offertes par les universités est un indicateur très imparfait de la réalité de la sélection. Les 4000 places supprimées en AES dans Parcoursup n’ont pas toutes les mêmes conséquences. Dans la plupart des cas cela n’a pas d’incidence sur le niveau de sélection. Chambéry passe de 999 places à 60, et Clermont-Ferrand de 1000 places à 260, mais les capacités d’accueil initiales étaient purement virtuelles. Il n’y aura pas nécessairement plus de sélection à Clermont-Ferrand à la rentrée que cette année, même s’il y a 740 places en moins dans Parcoursup. De même, la plupart des universités qui fixaient des capacités d’accueil cette année ont inscrit tous les étudiants qui ont confirmé leurs vœux. Seules Lyon 2, certaines universités parisiennes et Strasbourg ont pratiqué un tirage au sort. Les capacités d’accueil, même en baisse, ne signifient pas nécessairement une sélection accrue.

à suivre…

Pour conclure, prétendre créer 22.000 places n’a aucun sens, c’est de la COM. Si l’on ne peut être certain des conséquences de Parcoursup, il semble que le dispositif renforce les inégalités au lieu de les atténuer.