Accueil > Communiqués et textes des syndicats, coordinations, associations, sociétés (...) > Motion de membres du laboratoire Sophiapol [Paris-Nanterre] contre le (...)

Motion de membres du laboratoire Sophiapol [Paris-Nanterre] contre le dispositif de sélection à l’entrée à l’université - 28 février 2018

jeudi 1er mars 2018, par Mariannick

Motion portée par des membres du laboratoire Sophiapol contre le dispositif de sélection à l’entrée à l’université

Nous, membres du laboratoire Sophiapol, tenons à exprimer notre opposition au projet de réforme des modalités d’entrée à l’université et à attirer votre attention sur la menace qu’il représente.

En l’état, les capacités d’accueil de l’université au niveau national sont depuis longtemps complètement dépassées et cette dernière devra absorber encore 40 000 élèves de plus à la rentrée prochaine ; le tirage au sort qui a frappé près d’1 % des étudiantes et des étudiants ne peut qu’apparaître injuste ; les milliers de postes d’enseignement dans
le supérieur supprimés sur les dix dernières années s’accompagnent d’un manque de suivi des étudiant.e.s et accroît le tri social qui s’opère dès la première année de Licence.

Or, ce projet, loin de chercher à remédier aux difficultés rencontrées par les élèves issu.e.s des milieux les plus modestes, propose d’officialiser leur exclusion. La sélection des candidat.e.s sur la plateforme Parcoursup se fera notamment sur la base d’un CV, donc sur la base du lycée d’origine, du milieu social supposé, des activités
périscolaires valorisables – on peut imaginer l’avantage que représenteront les cours de musique, les stages de langue, les ateliers de debating et autres chasses-gardées des familles les plus aisées. En amont, ce sont en outre les enseignantes et enseignants qui imposeront une sélection en émettant un avis sur les projets des élèves. La nécessité pour les élèves de devenir stratèges dès la seconde, de se projeter des années en avance dans le maquis des attendus des diverses filières pour espérer construire un parcours cohérent, suffira à opérer une formidable sélection selon le capital scolaire, entre manque de familiarité avec les arcanes de l’institution et simple auto-censure.
Celles et ceux qui auront les moyens matériels et symboliques de faire appel aux firmes de conseil scolaire pourront espérer se vendre et maximiser leurs chances de recrutement sur le marché de l’éducation.

Articulée à la réforme simultanée du lycée et du baccalauréat, qui accentuera la concurrence entre les établissements et l’individualisation des parcours scolaires, la loi Vidal conduira nécessairement à une reproduction des inégalités structurelles contre lesquelles nous avons l’ambition de lutter. Au lycée comme à l’université, la marchandisation du savoir transforme les élèves en auto-entrepreneurs d’eux-mêmes. Leur endettement et celui de leurs familles n’en sortira que renforcé, nous livrant, encore davantage, au pouvoir des banques et des établissements de crédits.

Par ailleurs, et c’est sans doute le paradoxe de cette réforme, le coût d’une telle exclusion des classes populaires est absolument considérable pour les établissements, lesquels ne disposeront pas de moyens supplémentaires pour la mettre en œuvre : les vœux n’étant plus hiérarchisés, chaque filière recevra des milliers de dossiers à examiner et classer, ajoutant au désarroi des personnels déjà en sous-effectif. Pour pallier ce manque de moyens, un algorithme applicable sur les bulletins de notes des élèves permettant leur pondération en fonction des établissements d’origine a d’ailleurs d’ores et déjà été mis à disposition, entérinant ainsi un mode de sélection à même de réinstaurer et de creuser des inégalités sociales et territoriales.

Nous ne supportons pas de voir nos collègues, nos enseignants et enseignantes confronté.e.s à une tâche moralement et pratiquement impossible. Nous ne voulons pas non plus céder au cynisme et abandonner l’espoir d’ouvrir l’université, le savoir et les armes de la critique à toutes et tous.

C’est pourquoi nous participerons aux mobilisations en cours contre cette réforme – et solidairement contre celles du lycée et du baccalauréat – ainsi qu’aux réunions organisées à ce sujet à l’Université Paris Nanterre.

[Motion préparée sur la base du communiqué des étudiant.e.s et doctorant.e.s de philosophie de l’Université Paris Nanterre]

Premiers/ières signataires (par ordre alphabétique) :
Barenboïm Axel, doctorant en sociologie
Bernard Julien, maître de conférences en sociologie
Bidet, Jacques, professeur émérite de philosophie
Boccon-Gibod Thomas, chercheur rattaché (philosophie)
Campailla Giovanni, chercheur rattaché (philosophie)
Chamois Camille, doctotante en philosophie
Chanson Vincent, doctorant en philosophie
Chassaing Olivier, docteur en philosophie, professeur agrégé de
philosophie
Crétois Pierre, chercheur rattaché (philosophie)
Cukier Alexis, chercheur rattaché (philosophie)
Debray Eva, chercheuse rattachée (philosophie)
De Vulpillières Camille, doctorante en philosophie
Dufoix Stéphane, professeur de sociologie
Dumoulin Hugo, doctorant en philosophie
Farjat Juliette, doctorante en philosophie
Fouet Anthony, doctorant contractuel en sociologie
Foufas Nikos, docteur en philosophie
Gallardo Lucie, doctorante en sociologie
Gallo Lassere Davide, docteur en philosophie
Guillibert Paul, doctorant en philosophie
Haber Stéphane, professeur de philosophie
Hache Emilie, maîtresse de conférences en philosophie
Imhoff Camille, doctorante en philosophie
Joël Myriam, docteure en sociologie
Julien Pauline, doctorante en philosophie
Laval Christian, professeur de sociologie
Lavergne Cécile, chercheuse rattachée (philosophie)
Lazzeri Christian, professeur de philosophie
Ledesma Juan, doctorant en philosophie
Le Roux Daphné, doctorante en philosophie
Momméja Adèle, chercheuse rattachée (sociologie)
Monferrand Frédéric, chercheur rattaché (philosophie)
Pagès Claire, maîtresse de conférences en philosophie, chercheuse
associée
Pencolé Marc-Antoine, doctorant en philosophie
Péraud-Puigségur Stéphanie, doctorante en philosophie
Peyrical Aurélia, doctorante en philosophie
Renault Emmanuel, professeur de philosophie
Revel Judith, professeure de philosophie
Ridley Simon, doctorant en sociologie
Saburova Daria, doctorante en philosophie
Sauvêtre Pierre, maître de conférences en sociologie
Schumm Marion, chercheuse rattachée (philosophie)
Surel Olivier, doctorant en philosophie
Tersigni Simona, maîtresse de conférences en sociologie
Voilliot Christophe, maître de conférences HDR en science politique
Vuillerod Jean-Baptiste, doctorant en philosophie
Zoubir Zacharias, doctorant en philosophie