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Parcoursup : y a un bug - Xavier Molénat, Alternatives économiques, 27 août 2018

lundi 27 août 2018, par Mariannick

À lire ici.

A une semaine de la rentrée, combien de candidats à l’enseignement supérieur sont encore en attente d’une place ? Difficile de le savoir. Les données de la nouvelle plate-forme d’affectation Parcoursup ont en effet nourri un feuilleton estival dont la ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche se serait sans doute bien passée.

Tripatouillage de chiffres

Promesse de transparence oblige, un « tableau de bord » quotidien est publié sur le site de Parcoursup. Jusqu’au 22 juillet, celui-ci indiquait l’évolution du nombre de candidats ayant définitivement accepté une proposition d’affectation, ceux n’ayant pas encore fait leur choix, ceux n’ayant encore reçu aucune proposition, ou qui avaient quitté la plate-forme… Or, les performances de la plate-forme n’étaient guère reluisantes. Au 22 juillet, seuls 57 % des 810 000 candidats ayant formulé un vœu sur Parcoursup avaient définitivement validé l’une des propositions d’affectation qu’ils avaient reçues, et donc savaient où ils se trouveraient à la rentrée. Plus de 60 000 candidats attendaient toujours, eux, qu’on leur propose quelque chose.

Le lendemain, surprise : le ministère chamboule la présentation du tableau de bord, distinguant notamment les candidats « qui souhaitent s’inscrire dans l’enseignement supérieur via Parcoursup » des « inactifs », censés n’avoir pas (encore) fait les démarches nécessaires pour trouver une place (inscription en phase complémentaire, sollicitation de l’aide du rectorat…). Miracle : le nombre de candidats « souhaitant s’inscrire » tombe en dessous des 20 000 ! Une manœuvre qui ne convainc guère, mais qui contribue à exacerber les inquiétudes suscitées par le fonctionnement de la plate-forme.

Au 27 août, seuls 61,3 % des candidats avaient définitivement validé leur affectation

La procédure ne sera achevée que le 21 septembre, mais les chiffres sont là : au 27 août, seuls 61,3 % des candidats avaient définitivement validé leur affectation. 167 286 autres (20 % des effectifs de départ) avaient, quant à eux, tout simplement quitté la plate-forme, sans que l’on en connaisse les raisons exactes : échec au baccalauréat ? Orientation vers une formation hors Parcoursup ? Ou tout simplement… Résignation ?

[…]
Les délais deviennent difficiles à supporter pour les autres, ainsi que pour certains responsables de formation, qui ne connaissent que très partiellement leurs effectifs pour la rentrée 2018-2019 (voir l’entretien avec François Germinet, de la Conférence des Présidents d’Université). Les classes préparatoires, les IUT et les BTS, qui démarrent début septembre, ont d’ailleurs obtenu du ministère de pouvoir fixer la date limite d’inscription à aujourd’hui (une semaine plus tôt que prévu), afin d’accélérer le processus.

Un système controversé

Cette interminable attente n’est que le dernier avatar des controverses qui ont émaillé la mise en œuvre extrêmement rapide – en moins d’un an ! – de Parcoursup. Au lycée tout d’abord, où la création d’un deuxième professeur principal, chargé d’aider les élèves à s’orienter, et la mission donnée aux conseils de classe de transmettre aux établissements d’enseignement supérieur un avis sur les vœux de chaque lycéen rebutent de nombreux enseignants, qui ne s’estiment ni compétents ni légitimes pour accomplir ces tâches. Puis ce sont les fameux « attendus », ces « connaissances fondamentales et (…) compétences nécessaires à la réussite des étudiants » indiquées par chaque formation, qui semblent parfois mettre la barre très haut pour de jeunes bacheliers (« avoir le Bafa », « avoir fait des séjours linguistiques », « aptitude à la ­logique »…).

Ce sont, ensuite, les conditions d’examen des candidatures qui posent question : dans les filières très sollicitées, les équipes enseignantes se sont trouvées dans l’incapacité d’examiner sérieusement les milliers de dossiers (parfois accompagnés de lettres de motivation) déposés. Enfin, les critères de sélection ont fait débat : dans les filières non sélectives mais à effectifs contingentés, comment ont été classés les candidats ? Nul ne le sait, ces décisions étant couvertes par le secret des délibérations. Un secret qui alimente les soupçons de discrimination. « Le système n’est pas transparent et il est très difficile pour un candidat de savoir quelles chances il a d’obtenir une formation  », souligne la sociologue LeÏla Frouillou. Plusieurs organisations syndicales ont d’ailleurs saisi cet été le défenseur des droits afin d’obtenir la publication des algorithmes locaux, assurant que « les témoignages démontrant les limites de ce système se multiplient : un pourcentage de boursiers inégalement réparti entre académies, une surreprésentation des jeunes d’origine sociale modeste parmi celles et ceux se retrouvant sans solution d’inscription, des pratiques de pondération des notes en fonction du classement des lycées, une mise au ban des candidats issus de baccalauréats professionnels ou technologiques  ».

[…] lire jusqu’au bout…

Des universités sous-dotées

Rien, dans Parcoursup, ne permet en tout cas de s’attaquer sérieusement aux causes des inégalités de réussite dans le supérieur, qui apparaissent bien en amont. Une récente étude a montré que la probabilité d’obtenir une licence à l’université était fortement corrélée à la qualité des ­apprentissages… en primaire. De même, la plate-forme laisse intacte le morcellement et la hiérarchisation du système d’enseignement supérieur, et en particulier sa funeste division entre des universités (en théorie) accessibles à tous et des grandes écoles aussi sélectives socialement qu’il y a quarante ans. Une dualité qui, par nature, entrave toute volonté de démocratisation. Mais qui, il est vrai, n’est guère contestée dans l’opinion : «  La sélection est une menace, mais chacun la désire pour lui-même. On peut donc dire “A bas la sélection !” tout en ne contestant pas les institutions les plus sélectives  », note, lucide, François Dubet.

[…] et la fin