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L’autre université que nous souhaitons ! - Collectif des précaires de l’université de Caen, 9 mai 2020

samedi 9 mai 2020, par Laurence

Le darwinisme social n’a plus sa place dans l’« université d’après », il est temps maintenant de changer de paradigme et de nous approprier cette institution. Une université réellement au service du public est possible !

La crise que nous vivons actuellement révèle au grand jour, sous une forme sensible et immédiatement perceptible, l’impasse dans laquelle mène le modèle néolibéral. Elle a montré à quel point les biens communs, les services publics, au premier rang desquels l’hôpital public, avaient été soumis à l’austérité budgétaire et à la mise en concurrence généralisée au détriment de la santé. De même, les conditions du confinement ont révélé une fois encore les fractures sociales et territoriales qui structurent le pays.

Cette crise a illustré l’importance de nombres des moins considéré.es d’entre nous : les ouvrières et ouvriers « non qualifié.es » comme les éboueuses et éboueurs ; les aides soignant·e·s ; les infirmièr·e·s ; les salarié·e·s de la grande distribution ; et tant d’autres qui ont été mis·es en danger pour permettre aux services essentiels de continuer à tourner. Certaines de ces professions connaissent souvent la précarité et méritent une meilleure considération.

Des services publics déstructurés, des brutalités policières dans « les quartiers populaires » qui ne s’arrêtent plus, une pénurie des moyens de protection élémentaires comme les masques et le gel hydroalcoolique, des situations de famine dans certains départements français : est-ce ça le progrès tant vanté par les chantres de la « start-up nation » ? Ces idéologies ont failli. Il n’est plus acceptable de devoir quémander et compter sur le bon vouloir d’institutions austéritaires pour l’obtention d’un travail digne de ce nom, de subventions, de masques ou de nourriture ! La crise du coronavirus n’a pas généré ces modes de gestion des services publics, basés sur la pénurie généralisée dont nous souffrons déjà au quotidien depuis longtemps, elle les a simplement rendus plus saillantes.

Toutefois, avec le déconfinement, à l’heure où la « haute société » priorise la reprise économique à la santé des gens, il n’est plus temps de se limiter aux diagnostics, aux expressions abstraites de solidarité et aux vœux pieux d’un « monde d’après » qui n’aboutira que si nous le construisons ensemble. Il est en effet vain d’attendre des mêmes institutions qui ont échouées hier à anticiper puis à gérer la crise, de nous en sortir demain. Au contraire, il faut impulser un nouvel imaginaire d’émancipation et construire collectivement un commun radicalement autre, à la place de la mise en concurrence généralisé des institutions et des individus, pour l’obtention des moyens concrets de notre subsistance collective.

Cela est vrai à l’université également. En effet, la communication de l’université vis-à-vis de ses personnels, ses usagères et usagers, et le plan de continuité des activités s’est révélée complètement déconnectée de la réalité.

Alors que le pays traverse une crise sans précédent, il est révélateur que l’université de Caen, comme la plupart des autres universités françaises, ait maintenu coûte que coûte l’organisation des examens sous couvert d’une « continuité pédagogique » qui, au vu de l’improvisation et du stress dans laquelle elle a été organisée – entraînant des conditions encore plus inégalitaires que d’ordinaire –, n’est ni une continuité ni une pédagogie mais plutôt une « continuité des diplômes » ! Celle-ci a surtout permis à certaines filières de maintenir leurs processus toxiques de sélection et de compétition. Dans d’autres filières, cela a été l’occasion de les mettre en place sous l’impulsion de collègues zélé·e·s. Ces injonctions se sont révélées être un véritable cauchemar, en décalage total avec la réalité de cette pandémie qui a frappé plusieurs centaines de milliers de personnes, rien qu’en France, et qui n’a épargné ni les étudiantes et les étudiants, ni leurs familles. Que dire alors des étudiantes et étudiants étranger.es, ou d’« outre-mer » et de leurs situations ? Pris entre le marteau et l’enclume, ils et elles ne peuvent ni rejoindre leurs familles, ni valider leurs semestres dans des conditions stables. Cette période aurait dû être l’occasion de les libérer d’un stress supplémentaire en annulant les partiels tout en continuant des activités pédagogiques, sous d’autres formes : conférences, débats, partage de contenu scientifique etc., afin de maintenir un lien humain, intellectuel et pédagogique dépourvu de devoirs et de sanction.

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