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"Les petites universités recalées du plan campus adoptent des stratégies de survie" - Le Monde (13 novembre 2008)

jeudi 13 novembre 2008, par Mathieu

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Elles partagent la déception de ne pas faire partie des élues de l’"opération campus", qui va créer dix pôles d’excellence universitaires dotés d’un financement de 5 milliards d’euros. A côté de quelques parisiennes, les universités perdantes sont souvent des établissements plus modestes de province : ils craignent de péricliter. Valérie Pécresse a annoncé, mercredi 12 novembre, dans Les Echos, que onze d’entre elles recevraient 400 millions d’euros sur trois ans.

Mais les "perdantes" ont adopté leurs propres stratégies de survie. Avec ses 10 000 étudiants, l’université de Perpignan Via Dominia est un petit Poucet dans le paysage universitaire. L’argent du plan campus n’aurait pas été de trop pour rénover un parc immobilier vétuste. "J’ai 3 500 m2 de bâtiments préfabriqués construits dans les années 1960 à raser et à reconstruire, et 7 000 m2 à restructurer", explique Jean Benkhelil, président de l’université.

Pour autant, Perpignan n’a pas postulé au plan campus. "Dès le départ, nous avons compris que le projet ministériel s’adressait aux grandes universités métropolitaines", confie M. Benkhelil. Pour trouver les 100 millions nécessaires à sa réhabilitation, le campus compte sur des financements plus classiques, provenant des collectivités. "L’Etat nous a fait comprendre que son aide ne pouvait arriver qu’en complément", ajoute M. Benkhelil.

L’"opération campus" a provoqué un électrochoc pour ces universités, qui vont devoir revoir leur positionnement. "Nous pensons que nous avons notre place à côté des universités de Montpellier, à condition de cultiver nos points forts", conclut le président de Perpignan. L’établissement veut recentrer son offre de formation et sa recherche autour de spécialités comme l’énergie solaire et l’environnement marin. Elle espère aussi profiter de son appartenance au réseau Vives, une association de vingt établissements universitaires de la Catalogne, des îles Baléares, d’Andorre et du sud de la France.

Coincée entre Lille et Paris, l’université de Picardie Jules-Verne, établissement de taille moyenne, est, elle aussi, en pleine réflexion. Pour son président, Georges Faure, elle est "d’utilité publique, car elle permet à des étudiants picards de condition modeste de poursuivre des études supérieures".

Outre le campus principal, situé à Amiens, l’université a ainsi des antennes à Beauvais, Creil, Saint-Quentin, Soissons et Laon. Mais, pour tirer son épingle du jeu, elle fait des appels du pied à ses voisins, notamment l’université de Reims, et les IUT de Compiègne ou de Troyes. "Nous avons des similitudes avec l’université de Reims, et, déjà, des formations en commun. Notre survie passe par la complémentarité. Nous ne pourrons plus nous permettre d’avoir des formations à effectif faible, en double", poursuit M. Faure.

BOUCLER LE BUDGET

En lettres classiques, par exemple, une trentaine d’étudiants seulement font du grec à Amiens. A Reims, ils sont une cinquantaine. L’université réfléchit à répartir les étudiants en licence dans une université, et ceux en master dans l’autre.

Malgré tous leurs projets, ces pôles de second rang savent que leur avenir sera difficile. "Notre situation immobilière nous plombe, analyse le président de Perpignan. Sur un budget de 18 millions d’euros hors personnel, la moitié part en dépenses de fonctionnement." Résultat : des aménagements sont en plan et, chaque année, l’université a du mal à boucler son budget. "L’opération campus était une occasion de restructurer nos implantations pour pouvoir bâtir un campus des sciences en centre-ville, explique Georges Faure, à Amiens. Nous avions besoin de 80 millions d’euros, il va falloir les trouver par un autre moyen. Les collectivités locales nous soutiennent déjà beaucoup, je ne sais pas si elles pourront nous financer davantage."

Arrivées onzièmes alors qu’il n’y avait que dix places, les universités lilloises (Lille-1, Lille-2, Lille-3) ont elles aussi vu les milliards du plan campus s’envoler. Leur dossier s’était vu toutefois attribuer la mention "campus prometteur", qui méritait selon Mme Pécresse, un soutien de l’Etat.

Depuis des semaines, les trois présidents et le représentant de la région Nord-Pas-de-Calais se mobilisaient pour faire valoir cette distinction. Des parlementaires de droite et de gauche ont été reçus par la ministre. Ils ont présenté un nouveau projet. La région Nord-Pas-de-Calais s’est dite prête à le financer à hauteur d’1 euro pour 1 euro mis par l’Etat. A ces conditions, la mobilisation a payé.
Catherine Rollot