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« Un décrochage sévère » : à l’université, les activités de recherche patinent - Alice Raybaud, Le Monde, 2 février 2021

mardi 2 février 2021, par Mariannick

Adaptation aux cours en ligne, aux protocoles sanitaires, difficultés pour lancer de nouveaux projets, sentiment de lassitude… les universitaires ont nettement ralenti leurs recherches. Une situation lourde de conséquences individuelles et structurelles.

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Quand Tania Lévy s’assoie à son bureau, le retard accumulé sait se rappeler à elle. Les piles d’ouvrages empruntés il y a plusieurs mois n’ont pas bougé d’un cil : cette enseignante-chercheuse en histoire de l’art à l’université de Bretagne-Occidentale n’a pas eu le temps de les ouvrir. Depuis l’apparition du Covid-19, ses recherches sont sur pause, évincées par une mission d’enseignement devenue plus chronophage depuis que les cours se donnent à distance. « J’avais lancé un projet de recherche sur le vitrail breton du XVIe siècle juste avant la crise sanitaire, j’en suis toujours au même point  », constate l’enseignante, happée par « l’urgence » de l’accompagnement de ses étudiants.

En théorie, d’après leur statut, la moitié du temps de travail des enseignants-chercheurs est censée être consacrée à la recherche. Un équilibre qui, en temps normal, est déjà difficile à tenir, alors que les cours et les tâches administratives occupent bien plus qu’un mi-temps – une réalité souvent pointée du doigt comme l’une des causes des difficultés de la recherche universitaire française.

La crise sanitaire a encore accentué cette tendance, avec des enseignants qui, entre l’adaptation de leurs cours au distanciel, les protocoles sanitaires qui changent brutalement, et les nouveaux besoins de leurs élèves, peinent à trouver du temps pour leurs travaux. Et c’est sans compter l’annulation des congrès, la difficulté pour accéder à certains terrains, et les échanges informels réduits par le télétravail, quand ceux-ci sont souvent à l’origine de nouveaux projets. Une situation qui a un impact sur les carrières individuelles des enseignants-chercheurs mais aussi, de manière plus structurelle, sur le positionnement des universités françaises, leur rayonnement intellectuel et scientifique dans le monde.

« Epuisement généralisé »

A la Conférence des présidents d’université (CPU), Jean-François Carpentier, vice-président de l’université Rennes-I, et coordinateur national du versant recherche et valorisation, s’inquiète d’un « décrochage sévère  » du taux de publications dans les mois à venir. «  Le ralentissement de la recherche s’observe déjà nettement au sein des revues scientifiques », indique celui qui est aussi éditeur d’une revue spécialisée dans la chimie. Il constate une chute du nombre de manuscrits soumis par les chercheurs français – mais aussi internationaux. Avec, dans les laboratoires universitaires, « des indicateurs qui sont encore plus au rouge qu’au printemps  ».

En cause, des effets de la crise qui se font sentir à retardement, mais surtout un « épuisement généralisé » chez les enseignants-chercheurs, alerte Jean-François Carpentier, eux qui sont fatigués de jongler entre les différents protocoles sanitaires, modifiant parfois d’une semaine sur l’autre les modalités d’enseignement.

Dernièrement, l’annonce faite par Emmanuel Macron, le 21 janvier, d’un possible retour de tous les étudiants un jour par semaine dans leur fac a entraîné un nouveau casse-tête. Pour les enseignants, cette mesure implique de préparer à la dernière minute – et en cours de semestre – des enseignements « hybrides », dispensés en présence pour 20 % de leur cohorte, dont les groupes restent à définir, mais toujours en ligne pour le reste des étudiants restés chez eux.

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[…] Sur cet inégal temps dégagé pour la recherche, ce sont les femmes enseignantes-chercheuses qui ont le plus pâti de la période. « Pendant le premier confinement, on a observé que les hommes avaient soumis plus d’articles que les femmes, qui étaient davantage accaparées par les tâches domestiques et par la garde des enfants », déplore Marianne Jover.


(alksko)