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Les chercheurs sont prisonniers d’une course à la publication - Martin Marchman Andersen, Xavier Landes et Morten Ebbe Juul Nielsen, chercheurs à l’Université de Copenhague (CESEM), Lemonde.fr, 21 janvier 2011

vendredi 21 janvier 2011

Les bénéfices sociaux attendus du monde académique peuvent être classés en trois catégories : recherche, éducation et contribution à la société. Dès lors, si l’on évalue la situation en sciences humaines et sociales à l’aune de ces critères, un phénomène se fait jour, en Europe comme en Amérique du Nord.

Une pression accrue pour publier des articles (dans des journaux à évaluation anonyme par des pairs) est en train de créer un déséquilibre en direction de la première dimension. Ce déséquilibre n’est pas sans effet sur la détérioration de la situation des enseignants-chercheurs dont les heures travaillées explosent dans un contexte de pression budgétaire et de précarisation des conditions matérielles. Une étude publiée au Royaume-Uni en 2006 révélait des situations de détresse psychologique pires que pour le personnel urgentiste (médecins et infirmières).

Pour bien comprendre l’enjeu, il faut garder à l’esprit que les chances d’obtenir un poste permanent au sein d’une université dépendent non seulement du niveau absolu de publications du chercheur, mais surtout relatif (par rapport à ses concurrents). En tant que chercheurs, nous sommes donc incités à publier toujours plus, le référentiel augmentant alors pour tout le monde. Par ailleurs, il faut replacer cette course à l’abîme dans un contexte marqué par d’importantes coupures budgétaires, ce qui rend la compétition d’autant plus vive.

Où est le mal ? Une telle situation n’est-elle pas source d’une saine émulation entre chercheurs ? A y regarder de plus près toutefois, publier n’est pas un bien intrinsèque. Premièrement, pour être utile, une publication doit apporter quelque chose de nouveau. Plus les universitaires sont poussés à publier, plus ils sont tentés de publier n’importe quoi. C’est en suivant cette stratégie que la norme s’accroît pour tout le monde. Deuxièmement, il est nécessaire que ces articles soient lus. A nouveau, plus les chercheurs se plient à l’exercice, moins ils ont le temps de se pencher sur ce que font leurs collègues. Au final, le tableau frise l’absurde : le nombre moyen de lecteurs par article académique varie de moins d’un à quelques-uns.

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