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Payer les étudiants ? mais qui paiera ? - Richard Descoings, Challenge, 25 avril 2011

samedi 30 avril 2011

Le programme du Parti socialiste pour 2012, en son état actuel, reprend une idée portée depuis longtemps par l’Unef : l’attribution d’une allocation d’autonomie pour tous les étudiants. Chacun sait que la principale des organisations syndicales étudiantes, qui vient de tenir son congrès, réunit les différentes sensibilités de gauche ; mais quiconque a travaillé ou négocié avec ses leaders a pu apprécier également leur valeur intellectuelle et humaine. Emmanuel Zemmour, élève de l’Ecole normale supérieure, est devenu son président, succédant à Jean-Baptiste Prévost, diplômé de Sciences-Po, à Bruno Julliard, diplômé en droit, et à Yassir Fichtali, ingénieur diplômé de l’Insa de Lyon. Alors, question : PS et Unef ont-ils raison de se retrouver sur cette idée, généreuse et très populaire chez les étudiants - chez les étudiants qui ne sont pas boursiers, tout particulièrement, puisque, par définition, les boursiers sont aidés par l’Etat ?

Plusieurs arguments viennent à l’appui de cette cause. Le premier est d’ordre individuel et moral : comment être autonome à 18 ans si l’on doit dépendre de ses parents pour payer ses études et subvenir à ses besoins ? Pour l’Unef, être étudiant et être autonome constituent des droits que le législateur et le contribuable doivent rendre réels grâce à cette allocation financière d’autonomie. Comment se consacrer pleinement à ses études si l’on doit travailler pendant celles-ci faute de vouloir ou de pouvoir en appeler au devoir et à la solidarité familiale ?

Le second argument en faveur de l’institution d’une allocation d’autonomie pour tous les étudiants est d’ordre économique et social : celles et ceux qui estiment appartenir aux classes moyennes - catégorie bien difficile à définir en vérité trouvent de plus en plus injuste que les uns - les plus pauvres - bénéficient à la fois de bourses d’études et de multiples prestations ou exonérations sous plafond de ressources et ne paient pas ou très peu d’impôt sur le revenu, tandis que les autres - les plus riches - voient s’accroître leurs ressources et s’atténuer le montant des prélèvements obligatoires qui pèsent sur eux. Ces fameuses classes moyennes qui craignent le déclassement constitueront naturellement la plus puissante force électorale en 2012.

Peut-on être opposé à une telle mesure ? Pas facile, bien sûr. Présentons cependant quelques arguments. Le premier relève du choix social. Dans la France de 2011, moins de la moitié d’une classe d’âge accède à l’enseignement supérieur. Dans un carcan budgétaire où les ressources ne sont pas extensibles, la création d’une allocation d’autonomie pour les étudiants se fait aux dépens des jeunes qui ne font pas d’études supérieures. Or ces derniers appartiennent le plus souvent aux catégories socioprofessionnelles considérées comme les plus basses ; ils sont les plus exposés au chômage ; ils trouveront les emplois les moins rémunérés et resteront cantonnés aux responsabilités les moins qualifiées.

Deuxième argument : les parents dont les enfants sont devenus étudiants sont en fait aidés par l’Etat pour financer les études de leur progéniture, puisqu’ils appliquent au calcul de leur impôt sur le revenu une demi-part fiscale par enfant. L’avantage sur le quotient familial est plafonné à 2 336 euros par an et par enfant. Or la plupart des parents d’étudiants paient l’impôt sur le revenu ; la plupart des adultes qui ne paient pas l’impôt sur le revenu n’ont pas d’enfant étudiant. Un intéressant sujet serait celui de l’arbitrage entre enfants et parents : pour financer l’allocation d’autonomie des étudiants, supprimera-t-on la demi-part fiscale des parents ? La question s’était d’ailleurs déjà posée au sujet de l’allocation logement, et le ministre du Budget s’était bien gardé de trancher...

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