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« Sciences po : retour sur dix ans d’ouverture sociale », Marine Relinger, Les Échos, 17 mai 2011

mercredi 18 mai 2011

En une décennie, les conventions éducation prioritaire (CEP) ont permis à 733 étudiants issus de milieux sociaux défavorisés d’intégrer l’IEP de Paris. Bilan.

« Comment envisager des études longues à l’issue incertaine, quand la famille vit avec moins de 1.000 euros par mois ? » La question trône en une des plaquettes de présentation des conventions éducation prioritaire (CEP) de Sciences po Paris, qui relève le défi depuis dix ans. En 2010, 130 bacheliers issus de 85 lycées « partenaires » - comptant une forte proportion d’élèves issus de milieux sociaux défavorisés -ont intégré par ce biais l’institution ou ses campus de province, sans passer par la case concours. Cette voie de sélection sur dossier et entretiens, qui attire un millier de candidats chaque année, a accueilli 733 étudiants depuis 2011. Aujourd’hui, les CEP représentent 10 % des nouveaux inscrits.

« De 50 à 70 % de ces élèves, suivant les années, sont des enfants de chômeurs, d’ouvriers ou d’employés. Les trois quarts sont boursiers, la plupart dans les échelons supérieurs », note Hâkim Hallouch, responsable diversité à l’IEP. La mesure a favorisé une démarche plus large d’ouverture sociale à l’école, qui n’accueillait que 6 % de boursiers en 2003... contre 21 % aujourd’hui.
Progressivité des droits

« CEP ou pas, tout boursier à Sciences po est dispensé de droits d’inscription et reçoit de l’école une bourse qui se monte à 75 % de sa bourse d’Etat », indique Hâkim Hallouch. Un dispositif financé grâce à la progressivité des droits appliqués à l’IEP, qui demande jusqu’à 13.000 euros de frais de scolarité aux familles les plus aisées. Les boursiers peuvent en outre solliciter une « bourse aux livres » d’environ 200 euros pour l’achat des manuels scolaires, grâce au mécénat d’entreprise comme L’Oréal. Enfin, « tous ceux qui le demandent obtiennent un logement à la Cité internationale universitaire de Paris ».

C’est le cas d’Eric Shiduhrime qui, en 4e année, prépare un master finance et stratégie. « En comptant les aides de la CAF, je paie 150 euros de loyer et je m’en sors avec une bourse de 678 euros par mois sans quasiment avoir à solliciter mes parents », calcule l’étudiant venu des Hauts-de-Seine et entré à Sciences po en 2006, via les CEP. Durant sa troisième année, dédiée à l’international, Eric a choisi de s’envoler pour la Caroline du Sud. « J’ai obtenu une bourse de mobilité de 1.600 euros de la région Île-de-France et de Sciences po. Cela m’a permis de payer le billet d’avion et mon visa. J’ai aussi reçu une bourse de 800 euros de ma municipalité d’origine et une aide de 1.000 euros de l’association La Voix de l’enfant », rapporte l’étudiant, d’origine rwandaise. Il a néanmoins dû contracter un emprunt de 10.000 euros, le montant de ressources personnelles exigé par les Etats-Unis pour la délivrance du visa étudiant. « Mais je l’ai décroché au taux le plus bas du marché et sans caution, grâce au dispositif Oséo garanti par l’Etat. »

« A ce niveau d’études, il n’est pas possible de voir nos étudiants boursiers chercher un job en parallèle. Nous faisons donc en sorte qu’ils disposent d’au moins 6.000 euros par an », précise Hâkim Hallouch. A 500 euros par mois, donc, même avec une chambre en collocation, la vie reste austère. Mais, au moins, le «  grand établissement » ne semble plus inaccessible pour de strictes raisons financières.
MARINE RELINGER