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A Noyon, l’école modèle de Luc Chatel - V. Soulé, Libération

jeudi 8 septembre 2011

En visite dans un internat d’excellence, le ministre a fait la promotion de ce dispositif cher à Sarkozy.

« Vous qui étiez déjà là l’an dernier, vous pouvez nous dire pourquoi vous avez voulu revenir cette année ? » Entouré de caméras et de micros, le ministre de l’Éducation, Luc Chatel, en visite à l’internat d’excellence de Noyon (Oise), a interrompu un cours consacré à l’étude d’un texte sur « la rumeur dans l’alimentation biologique » - « Ah ! La rumeur… » soupire-t-il en entrant. Et il interroge des élèves sur leurs motivations.

« J’ai fini l’année avec 14 de moyenne, explique le lycéen. Or, jusqu’ici, je n’avais jamais plus de 11. J’ai bien progressé car ici on est aidé : il y a de l’aide aux devoirs et des profs qui peuvent nous aider le soir. Alors j’ai voulu continuer. » « Et votre voisin, pourquoi est-il là ? » poursuit le ministre, manifestement enchanté de la réponse. « Ici, c’est vrai qu’on travaille mieux. A la maison, on en profite, on joue à la PlayStation », répond l’élève. « Ah oui, l’ordinateur… » commente, d’un air entendu, le ministre, père de quatre enfants.

Pièce maîtresse. Lundi, jour de la rentrée, après deux visites le matin au pas de course dans une maternelle puis dans un lycée de la région parisienne, Luc Chatel avait tenu à se rendre à l’internat d’excellence de Noyon. Pour sa seconde rentrée, l’établissement, installé sur une ancienne base militaire, accueille 156 élèves, tous motivés et « méritants », de milieux modestes. Le ministre inaugurait une seconde tranche de travaux - réfection de chambres pour les élèves et de studios pour les étudiants de la nouvelle prépa économique et sociale, ouverte cette rentrée.

Ces internats d’excellence sont une réforme phare du quinquennat, une pièce maîtresse de la politique d’égalité des chances version Nicolas Sarkozy. Dans l’esprit de « donner plus à ceux qui ont moins », ils accueillent des élèves ayant des capacités mais ne bénéficiant pas de bonnes conditions de travail chez eux. Pour un coût minimal pour les familles - 1 234 euros l’année, logement et internat compris -, l’Education nationale, avec le soutien financier des collectivités locales pour les bâtiments, met un maximum de moyens à leur disposition. A eux de saisir leur chance… Dans l’esprit de Nicolas Sarkozy, un tel dispositif doit suffire à combler les inégalités sociales. Neuf nouveaux internats d’excellence ouvrent à cette rentrée, portant leur nombre à 25. Au total, ils accueillent 10 000 élèves.

« Défi ». A Noyon, les élèves, dont les plus jeunes sont en quatrième, suivent leur scolarité dans deux collèges et deux lycées de la ville où ils sont emmenés en bus. Lorsqu’ils rentrent le soir, huit assistants pédagogiques (anciens surveillants) d’éducation les aident à faire leurs devoirs, ainsi que des profs du secondaire, payés en heures sup. Un professeur d’EPS (éducation physique et sportive) a été recruté à temps complet, ainsi que deux CPE (conseillers principaux d’éducation) et une « directrice des études » - une prof agrégée qui fait fonction de coordinatrice. L’internat propose aussi des sorties dans les théâtres de la région, ainsi que des activités sportives - capoeira, rugby, etc.

Pour ses détracteurs, ce dispositif fait la preuve que, contrairement aux assertions du ministre qui supprime des postes sans état d’âme, le fait de mettre des moyens supplémentaires peut faire la différence. Ils dénoncent aussi le fait que l’on prend ainsi quelques bons élèves dans des établissements difficiles pour les hisser vers « l’excellence » et que, la conscience tranquille, on ne fait pas grand-chose pour tous les autres.

« Nous n’avons pas été capables de diversifier notre élite, a expliqué Luc Chatel. Au lieu de l’égalitarisme, nous, nous mettons en avant le mérite et l’équité - c’est-à-dire donner le meilleur à ceux qui en ont le plus besoin. » Et le ministre s’est dit prêt à relever « le défi le plus difficile depuis Jules Ferry ».

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