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« La LRU, c’est d’abord un coup de force », entretien avec Marine Roussillon, L’Humanité, 6 janvier 2012

mercredi 11 janvier 2012

Responsable du réseau école-université du PCF, Marine Roussillon explique pourquoi il serait nécessaire d’abroger la loi sur l’autonomie.

Le chef de l’État présente la LRU comme l’une de ses grandes réussites. Quel bilan en faites-vous ?

Marine Roussillon. La LRU, c’est d’abord un coup de force. Il est insupportable d’entendre partout que cette loi a été « souhaitée   » par les universitaires. Les luttes de 2009 ne peuvent pas être balayées d’un revers de la main ! D’autant que ceux qui ont résisté avaient raison. Depuis la mise en place de la LRU, l’État se désengage de l’enseignement supérieur et de la recherche. Ce sont les universités qui doivent gérer aujourd’hui la pénurie : elles réduisent leur masse salariale et recourent de plus en plus à l’emploi précaire. Cette pénurie, qui s’accompagne d’une nouvelle gestion managériale et autoritaire, est utilisée pour en finir avec l’indépendance de la recherche et de l’enseignement. Les pressions hiérarchiques ne cessent de s’accroître, tout comme les incitations à se tourner vers des financements privés. En mettant en concurrence les universités, les filières, les disciplines et les personnels, la LRU va à l’encontre de la coopération nécessaire au développement des connaissances. Pour la droite, c’est peut-être une réussite. Pour la communauté universitaire et l’ensemble de la société, c’est une catastrophe.

Dans quelle logique s’inscrit la LRU ?

Marine Roussillon. Avec la LRU, le pacte pour la recherche et les lois qui les ont suivis, le gouvernement s’inscrit dans une stratégie européenne qui vise à créer «   l’économie de la connaissance la plus compétitive du monde  ». Des lois similaires ont été imposées en Grèce et en Italie. La recherche et l’enseignement n’ont plus pour but de produire et de diffuser des connaissances, mais de favoriser la compétitivité, c’est-à-dire de servir les intérêts du capital.

Le PS n’a pas prévu, en cas d’alternance, d’abroger cette loi. Quelle est votre position ?

Marine Roussillon. Pour le PCF, il est impensable de conserver la LRU. Nous ne pourrons pas construire une loi progressiste d’orientation de l’enseignement supérieur et de la recherche sans d’abord abroger cette loi et les initiatives d’excellence qui en renforcent la logique. Il faut choisir : concurrence ou coopération ? Gestion managériale ou démocratie ? Enseignement supérieur à deux vitesses ou élévation générale du niveau de connaissance ? Nous avons aujourd’hui besoin de construire une culture commune qui permette aux hommes de demain de maîtriser les choix qu’ils devront faire dans leur vie de travailleurs et de citoyens. Cela nécessite un accès démocratisé à l’enseignement supérieur, la reconnaissance d’une même formation par une qualification commune, une recherche dynamique fondée sur le pluralisme, la coopération et l’indépendance. Rien de tout cela ne sera possible sans un service public national avec des financements pérennes et des personnels sous statut de la fonction publique d’État. Une telle politique suppose de rompre avec l’austérité imposée par les marchés financiers et le pacte euro plus, qui en est la traduction au niveau européen. Il est urgent d’avoir ce courage.