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Le seul rapport qui plébiscite la mastérisation, Aurélie Colas, Le Monde, 31 mai 2012

samedi 2 juin 2012

Sur le site du Monde

Qui eût cru qu’il y aurait, un jour, un rapport élogieux sur la réforme de la formation des enseignants ? Mise en œuvre il y a bientôt deux ans, la « mastérisation » - qui a élevé le niveau de qualification des futurs professeurs de la licence au master et a supprimé l’année de stage en alternance dans les IUFM - n’a cessé de défrayer la chronique. Contre toute attente, un bilan d’étape réalisé par deux inspecteurs généraux, qualifie de « réussite » la première année de mise en œuvre de cette réforme, en 2010-2011. Leur rapport fait partie des 17 « cachés » par le ministre de l’éducation nationale Luc Chatel et publiés par son successeur, Vincent Peillon, le 25 mai. Il faut croire qu’il n’y a pas que des rapports critiques, dans les tiroirs de la Rue de Grenelle.

5 % de stagiaires recalés

Pourtant, des rapports critiques sur la mastérisation, il y en a eu un certain nombre : celui du « comité de suivi du master », celui de la Cour de comptes, celui, même, d’un député UMP, Jacques Grosperrin, qui appelait à « réformer la réforme ». Tous ont jeté une lumière crue sur les carences d’une réforme qui a envoyé dans les classes des jeunes n’ayant, pour la plupart, jamais été devant des élèves, même le temps d’un stage. Ces rapports se sont largement faits échos des contestations syndicales et du désarroi des enseignants stagiaires, rassemblés au sein du collectif « Stagiaire impossible ».

En quinze pages, la note des inspections générales – datée de juillet 2011 – tente de calmer le jeu. « L’année de transition s’est déroulée de façon globalement satisfaisante », et cette « réussite », disent-ils, est due à « l’engagement de tous les acteurs concernés au premier rang desquels figurent les stagiaires ». Pour preuve, selon eux, « seuls » 5% des professeurs des écoles ont été recalés à l’issue de leur année de stage : 3% ont redoublé, 2% ont été licenciés. Pas de quoi s’alarmer : ce chiffre de 5% serait « soit identique soit légèrement inférieur à celui des années antérieures ». Du côté des professeurs stagiaires certifiés, amenés à enseigner au collège ou au lycée, 7% ont été convoqués à un entretien au rectorat en juin 2011 - ceux qui avaient au moins une appréciation « réservée » ou « défavorable » dans leur dossier. Combien n’ont pas été titularisés ? La note ne le dit pas, mais préfère souligner que grâce à la réforme, le « rapport au métier » est « plus affirmé qu’auparavant ».

"Préparation insuffisante"

Les inspecteurs généraux rappellent qu’en 2010-2011, une partie des académies avaient cherché à « préserver » les enseignants stagiaires en les affectant dans les « brigades de remplacement » dans le premier degré ou en leur accordant des « allégements de service » dans le secondaire. Ces mesures n’ont bien souvent pas été reconduites cette année, mais cela ne pose pas de problème, puisque, selon les inspecteurs, « la plupart des lauréats des concours 2011 auront bénéficié dans le cadre du master de périodes de stages en établissement ».

Le chapitre consacré aux stages des étudiants de master dans les établissements est légèrement plus mitigé. Ces derniers ont « apprécié » ces stages qui ont « contribué à l’acquisition de références et de compétences professionnelles ». Certains, « en raison d’une préparation insuffisante », ont « éprouvé de fortes difficultés à assumer la prise en charge des classes » au point d’abandonner en cours de route. Mais, heureusement, « ces phénomènes sont restés fort limités », rassurent les inspecteurs. Dans la « très grande majorité des cas » donc, tout va bien dans le meilleur des mondes.

Aurélie Collas