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Universités : "Une complexité critiquée de toute part", interview de Vincent Berger par N. Brafman et I. Rey-Lefebvre, Le Monde, 20 septembre 2012.

lundi 24 septembre 2012

Pour lire cet article sur le site du Monde : http://www.lemonde.fr/enseignement-superieur/article/2012/09/20/universites-une-complexite-critiquee-de-toute-part_1763159_1473692.html

Ni prise de position ni recommandation : le premier bilan présenté, jeudi 20 septembre, par le comité de pilotage des Assises de l’enseignement supérieur et de la recherche vise à identifier les sujets à aborder lors des Assises régionales et nationales. Vincent Berger, rapporteur et par ailleurs président de Paris-Diderot, fait la synthèse des deux séries d’auditions-marathons : 85 organisations se sont exprimées.

Des consensus se dégagent-ils des auditions achevées le 18 septembre ?
Oui, et ils sont nombreux. Il y a, par exemple, une unanimité à critiquer la complexité inédite de l’enseignement supérieur et la recherche en France, avec une multiplicité de structures. Toutes les personnes auditionnées pointent le coût - en argent et en temps -, et les difficultés juridiques et administratives paralysantes. Les syndicats décrivent des personnels perdus, déboussolés par ce "millefeuille institutionnel". Il faut simplifier le paysage universitaire, la recherche, l’offre de formation et retrouver une sincérité budgétaire.
Dans la recherche, on est allé trop loin dans le financement par "appels à projets", qui met en compétition tous contre tous. Il faut revenir à des financements récurrents afin que tout le monde puisse travailler. Enfin, sur la loi sur l’autonomie des universités (LRU), les partisans de son abrogation sont très minoritaires, mais elle doit être réformée : le mode d’élection et les pouvoirs du président doivent être revus.

Qu’entendez-vous par sincérité budgétaire ? Les budgets sont-ils trompeurs ?
Oui, la superposition de structures brouille les comptes. Des projets sont largement dotés mais les crédits pérennes de fonctionnement sont réduits. Plus personne ne sait exactement combien chaque université, chaque région ou la France dépense en recherche et en formation. On dit partout que le coût d’un étudiant est d’environ 11 000 euros parce qu’on divise le budget des universités par le nombre d’étudiants. En réalité, c’est moins, car il faut soustraire les dépenses de recherche. Il faut aussi calculer le coût d’un étudiant en licence, master et doctorat par site et par discipline.

Un thème des Assises est la réussite des étudiants. Quelles pistes ont été évoquées ?
Tout le monde est d’accord sur l’objectif de démocratiser l’enseignement supérieur et de proposer des cursus pluridisciplinaires, en multipliant les passerelles entre filières. Des débats très vifs ont concerné la réforme, désormais urgente, de la première année commune aux études de santé. L’échec y est massif, les conditions d’accueil sont très dégradées. Le système favorise une sélection par l’argent grâce aux prépas privées. C’est une question de service public.
Autre sujet : la révolution du numérique. Ce n’est pas seulement l’introduction du "e-learning" ou de robots pour les apprentis chirurgiens..., mais aussi de s’interroger sur le rapport au savoir. Les enseignants ne sont peut-être plus là pour apprendre aux étudiants mais pour leur apprendre à apprendre. L’amphi est sans doute un modèle dépassé.

Y a-t-il eu au cours de ces auditions de fortes oppositions ?
Oui, notamment sur l’évaluation individuelle des enseignants : leurs syndicats sont contre, mais les syndicats étudiants sont pour. Autre sujet de polémique : l’Agence d’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur (Aeres) dont certains demandent même la suppression. Les critiques portent non pas sur le principe de l’évaluation mais sur la bureaucratie de ces processus et les conséquences délétères de la notation sur les unités.

La ministre des droits des femmes, Najat Vallaud-Belkacem, a été entendue. Quelles sont ses attentes ?
Des mesures concrètes pour lutter contre l’inégalité entre hommes et femmes à l’université et une recherche approfondie sur le genre. Elle souhaite aussi des propositions contre le harcèlement sexuel qui comporte des spécificités à l’université. Effectivement, la relation professeur-étudiant(e) peut induire une interaction intellectuelle intense qui peut être propice à une séduction.

Propos recueillis par Nathalie Brafman et Isabelle Rey-Lefebvre