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"La recherche asphyxiée par sa masse salariale", Marc Mennessier, Le Figaro, 27 septembre 2012.

vendredi 28 septembre 2012

« La recherche publique française souffre ! Elle souffre de trop de complexité, de trop de papiers à remplir, de trop peu de temps à consacrer à la recherche elle-même ». Une fois n’est pas coutume : l’Académie des sciences vient de jeter un gros pavé dans la mare, en publiant à deux mois des Assises nationales de la recherche organisée par le ministère du même nom un véritable brûlot.

Le rapport, sobrement intitulé « Remarques et propositions sur les structures de la recherche publique en France », énumère en dix points tout ce qui cloche aussi bien dans les universités que dans les grands organismes publics (CNRS, Inserm…) et propose sur chacun d’eux « des améliorations ou modifications profondes à réaliser en urgence ».

Principale cible des académiciens, qui ont adopté ce document en séance plénière à l’unanimité des 120 membres présents : la « bureaucratie et l’administration » dont l’inflation continue depuis plus d’un demi-siècle « asphyxie » littéralement la recherche publique.

Le groupe de travail de l’Académie, présidé par le Pr Bernard Meunier, révèle ainsi qu’au CNRS, le ratio entre la masse salariale et la dotation annuelle de l’État est passé de 47% en 1960, à 84% en 2010. Soit un quasi-doublement !

Hausse des emplois administratifs
Problème : cet accroissement s’est surtout traduit par une hausse vertigineuse des emplois administratifs plutôt que de techniciens ou de chercheurs. En 2010, les services centraux du CNRS employaient 879 agents contre 104 cinquante ans plus tôt. Autrement dit neuf fois plus alors que, sur la même période, le nombre de chercheurs était multiplié par quatre. La tendance est grosso modo la même dans les autres organismes de recherche et les universités même si les académiciens n’ont pas pu obtenir de chiffres précis.

Au bout du compte, « il ne reste pratiquement plus rien à distribuer aux équipes de recherches » lesquelles, note le rapport, sont devenues « uniquement dépendantes des appels à projets » émanant de la Commission européenne, de l’Agence nationale de la recherche (ANR) ou d’industriels et n’ont plus les moyens d’« initier des travaux originaux » de recherche fondamentale. En outre, chercheurs et directeurs de laboratoire passent le plus clair de leur temps à rechercher des crédits au lieu de faire leur travail qui consiste à produire des connaissances si possibles nouvelles ou à fort potentiel innovant.

Contraintes budgétaires
Pour remettre de l’argent dans les laboratoires, l’Académie des sciences propose de ramener progressivement ce rapport MS/DE à 60-65% de façon à assurer « un équilibre entre la masse salariale et les crédits de fonctionnement et d’équipement » (il est de 65 à 70% dans les instituts Max Planck, équivalent allemand du CNRS).

« Dans une période de contraintes budgétaires, nous tenons à souligner que nos propositions de simplification et d’arrêt de la complication des procédures administratives sont une excellente manière de redéployer, à volume constant, des moyens financiers vers les laboratoires et les équipes de recherche », peut-on lire dans le rapport.

En clair cela ne coûterait pas un euro de plus à l’État. D’autant que la recherche publique française, qui a absorbé 0,78% du PIB en 2010, n’est pas moins bien lotie qu’à l’étranger : 0,79% en Allemagne, 0,67% en Grande-Bretagne, 0,76% aux États-Unis et 0,74% au Japon.

Évaluations rigoureuses
Les fonds libérés par ce dégraissage devront aller prioritairement « vers les chercheurs les plus créatifs, en s’appuyant sur des évaluations rigoureuses ». Sans revenir au statu quo ante, avec des commissions composées à 50% de représentants syndicaux, les Académiciens recommandent au gouvernement de supprimer l’Agence d’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur (AERES) créée sous la présidence de Jacques Chirac, et qui « fait la quasi-unanimité contre elle ». À sa place, le rapport propose d’instaurer « des structures d’évaluation dépendant directement des universités et des organismes de recherche qui auraient la charge de constituer des comités d’évaluation indépendants, faisant appel à des experts nationaux et internationaux reconnus. »

L’Académie recommande également de remplacer les trois conseils existants (Haut Conseil, CSRT et Cneser) par un seul haut conseil de la recherche et de l’enseignement supérieur, « présidé par un scientifique de haut niveau entouré de personnalités scientifiques reconnues sur le plan international ». Cette instance trois en un, « aurait pour mission d’évaluer les grandes structures (universités, organismes,…) », d’établir des « directives sur les procédures d’évaluation des laboratoires » et de prendre en charge « les grands arbitrages entre les différentes disciplines » scientifiques.

Enfin le rapport suggère d’« améliorer l’attractivité des métiers de la recherche » au travers, notamment d’une « revalorisation des rémunérations des jeunes chercheurs ».

Pour lire cet article sur le site du Figaro : http://www.lefigaro.fr/sciences/2012/09/27/01008-20120927ARTFIG00562-la-recherche-asphyxiee-par-sa-masse-salariale.php