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Encore un édito du Monde qui nous va droit au cœur - 21 mai 2013

samedi 25 mai 2013

Depuis une trentaine d’années, le système universitaire français se déforme plus qu’il ne se réforme. Le projet de loi sur l’enseignement supérieur et la recherche, que la ministre Geneviève Fioraso défendra à l’Assemblée nationale à partir du 22 mai, ne remet pas en cause ce constat.

Constat sombre pour certains. A leurs yeux, ce système serait plus morcelé, illisible et ingouvernable que jamais. Son inefficacité pédagogique serait patente, comme en atteste un taux d’échec en premier cycle qui touche peu ou prou la moitié des étudiants. Il serait incapable de permettre à la France d’affronter la compétition scientifique mondiale à armes égales avec la recherche anglo-saxonne et, bientôt, asiatique. Enfin, en dépit d’un budget en progression sensible depuis six ans, il continuerait à souffrir d’un manque cruel de moyens.

Constat plus encourageant pour d’autres. Par tâtonnements successifs depuis vingt ans, l’Université française a commencé à s’adapter à la nouvelle donne internationale. Création des écoles doctorales en 1990, réorganisation des études en 1998, renforcement de la coopération entre universités, grandes écoles et organismes de recherche en 2006, loi Pécresse de 2007 renforçant les présidents d’université et leur donnant une réelle responsabilité sur leur masse salariale, leurs recrutements et leur organisation, enfin incitation à l’émergence de pôles d’excellence de niveau international : la mutation a été réelle.

Le projet de loi qui arrive en discussion prolonge ces évolutions. Il n’abroge pas la loi de 2007, mais entend en corriger les dysfonctionnements : gouvernance plus collégiale et paritaire, élargissement des pôles d’excellence à une trentaine de "communautés scientifiques", réforme des procédures d’évaluation de la recherche, simplification drastique de l’offre de diplômes, priorité donnée (par des quotas) aux bacheliers professionnels dans les sections de techniciens supérieurs et aux bacheliers technologiques dans les instituts universitaires de technologie pour éviter qu’ils se fourvoient à l’université...

Au-delà de la polémique sur l’introduction de cours en anglais à l’université – dont on a déjà dit, ici, qu’elle nous paraît aussi excessive que vaine –, ce texte prudent et pragmatique n’est ni la révolution que d’aucuns appellent de leurs voeux ni la régression dénoncée par d’autres.

L’utilité de ce compromis devra être jugée à l’usage. Elle dépendra, pour une bonne part, de l’esprit dans lequel il sera mis en œuvre sur le terrain. Elle dépendra, tout autant, des moyens budgétaires consacrés à l’enseignement supérieur, tant l’équilibre reste tendu entre la progression des emplois (libre) et l’évolution de la masse salariale (contrainte) : si celle-ci était réduite, ce sont toutes les évolutions en cours qui apparaîtraient comme un marché de dupes.