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L’université était une "vieille dame", mais de quelques formules magiques, V. Pécresse l’a rajeunie. Intervention lors des "Rencontres de la modernisation de l’Etat", 7 juillet 2010

dimanche 11 juillet 2010

Mesdames, Messieurs,
Je suis très heureuse d’être parmi vous aujourd’hui pour clore ces rencontres de la modernisation.

Que ce soit pour l’Etat, pour les collectivités territoriales ou pour l’hôpital, la question de la réforme ne se pose plus. Elle est en marche.

Je vous remercie de me donner l’occasion de contribuer ainsi au débat public, en vous soumettant ma vision de l’Université, de sa réforme et des moyens que le Gouvernement a déployé depuis 3 ans.

Nous avons besoin de construire ensemble une vision partagée de l’avenir de l’université. Et l’action politique ne pouvait s’exonérer d’une réflexion de fond sur un sujet aussi complexe et aux enjeux si stratégiques pour notre pays.

Des Universités oui ! bien sûr ! Mais pourquoi ? Pour qui ? Pour quel projet de développement économique, social, culturel ?

Les universités françaises attendaient la réforme. Le système d’enseignement supérieur et de recherche souffrait de plusieurs maux :

- Des difficultés de pilotage interne et de gestion ;
- Le cloisonnement entre organismes de recherche et universités d’une part, grandes écoles et université d’autre part ;
- La difficulté de mettre en oeuvre des stratégies de coopération en matière de formation et de recherche ;
- La faible capacité à nouer des partenariats avec le secteur privé
- l’absence de moyens enfin.

Le Président de la République et le Premier ministre m’ont demandé de mener les universités sur le chemin de leur autonomie et de leur développement.

Bâtir un projet d’établissement, faire des choix stratégiques de recherche et de formation, mener une véritable politique de gestion des ressources humaines, gérer un budget global, assumer une nouvelle liberté et en prendre toutes les responsabilités afférentes : voilà ce que le Gouvernement a proposé aux universités. Et voilà le défi qu’elles sont, toutes, en train de relever.

51 universités sont aujourd’hui autonomes. Et le désir d’autonomie ne se dément pas. 90 % devraient l’être au 1er janvier prochain. Je dois dire que c’est pour moi une immense satisfaction.

L’autonomie c’est le pari de la confiance : confiance de l’Etat dans la capacité des universitaires à s’ouvrir au monde socio-économique, à former leurs étudiants et à préparer leur insertion professionnelle.

La loi du 10 août 2007 relative aux libertés et responsabilités des universités a donné du poids à l’Université française. Elle a écrit la partition qui en a fait un acteur économique et social de premier plan, au coeur de notre dispositif de recherche. Elle lui a offert la possibilité de participer pleinement à notre projet de développement, à notre projet de société. Les 3 ans qui viennent de s’écouler ont mis en musique cette réforme majeure pour notre pays.

Et pour traduire en projets concrets les promesses de l’autonomie, nous avons pris dès 2007 avec le Président de la République un engagement fort : accompagner la transformation de nos universités et faire progresser de 1,8 milliard d’euros les moyens de l’enseignement supérieur et de la recherche. Ces moyens, véritable investissement dans la croissance à moyen long terme de notre pays, étaient nécessaires au vu des comparaisons internationales. Cet engagement, depuis trois ans, nous l’avons tenu.

En 2010 encore, le budget de la mission interministérielle recherche et enseignement supérieur a progressé de 1,8 milliards d’euros.

Cette nouvelle augmentation est considérable alors même que l’année 2009 avait déjà été marquée par un effort exceptionnel de 2,7 milliards d’euros, grâce aux crédits du plan de relance. Sur trois ans, les moyens de mon ministère auront donc en moyenne augmenté chaque année de 2,1 milliards d’euros.

Sur 3 ans, les universités auront vu leur budget augmenter en moyenne de 19 %.

S’y ajoutent les 5 Mds€ de l’opération campus, et, maintenant, les 22 Mds€ des investissements d’avenir.

Cet effort financier sans précédent traduit une volonté politique claire : celle de donner la priorité à nos universités et à notre système de recherche pour construire la croissance de demain.

Au-delà des moyens financiers, c’est une réforme globale et une modernisation profonde que le Gouvernement a souhaité mettre en oeuvre.

La nouvelle responsabilité confiée aux universités exigeait une révision complète de leur relation financière avec l’Etat.

Conformément aux préconisations de la représentation nationale et de la revue générale des politiques publiques, il s’agissait de mettre fin à un dispositif devenu obsolète, inéquitable et en dehors des pratiques internationales. Nous avons un système simple, transparent, incitatif et réactif afin qu’il soit dans les mains des universités un véritable outil de performance.

A travers cette évolution, nous avons fait entrer délibérément les universités dans la culture de résultat : c’est une exigence alors que l’effort budgétaire important consenti par l’Etat en faveur de l’enseignement supérieur prend place dans un contexte de gestion contrainte des finances publiques et que la réalisation des objectifs de la stratégie de Lisbonne repose sur une amélioration de la performance globale française en matière d’enseignement supérieur et de recherche.

20 % de leurs moyens sont désormais distribués en fonction de leur performance en matière de formation et de recherche, contre 3 % précédemment.

La conception même de la performance a été revue. Désormais, tant la cotation des laboratoires de recherche, que l’insertion professionnelle ou encore la valeur ajoutée, qui apprécie les résultats à l’aune de la fragilité des étudiants accueillis, sont des déterminants fondamentaux du financement de l’enseignement supérieur. L’accompagnement des projets et la tenue des objectifs sont également valorisés grâce à un outil renouvelé : le contrat d’établissement signé entre l’Etat et l’université.

Cette évolution consacre un dialogue renouvelé entre des universités devenues autonomes, c’est-à-dire libres de peser sur leur politique de formation et de recherche, et une administration moderne, à la fois tutelle et partenaires des établissements.

Les relations entre l’Etat et les établissements d’enseignement supérieur et de recherche ont profondément évolué. Leurs pratiques de management interne également. La modernisation est là, avec la mise en place d’outils nouveaux pour les établissements : capacité interne de décider et d’allouer les moyens, contrôle de gestion, comptabilité analytique. C’est une petite révolution pour ce secteur.

Tout autant que les questions de financement et de gestion, il était indispensable de rendre les métiers de l’enseignement supérieur et de la recherche plus attractifs, d’en finir avec la fuite des cerveaux liée au niveau de rémunération et aux goulets d’étranglement des promotions et de permettre à l’excellence des universitaires de s’exprimer plus librement au sein de nos universités.

Car la qualité d’un projet d’établissement repose avant tout sur la communauté universitaire toute entière, sur ces femmes et ces hommes qui se mobilisent pour la réussite de leurs étudiants. Cette revalorisation des carrières a permis de mieux reconnaître l’excellence scientifique et pédagogique, la valorisation de l’engagement professionnel, et bien sûr l’évaluation par les pairs, collégiale et indépendante.

Et les résultats sont là : nous avons redonné à ce secteur les moyens d’une véritable attractivité avec le chantier sur l’attractivité des carrières qui s’articule autour de 4 principes :

- la reconnaissance de l’excellence scientifique et pédagogique,
- la valorisation de l’engagement professionnel et du mérite, particulièrement pour les fonctions de gestion qui deviennent déterminantes dans le cadre des nouvelles responsabilités des établissements
- le décloisonnement entre les organismes de recherche et les universités, avec par exemple la création de chaires mixtes qui organisent des recrutements conjoints
- et bien sûr l’évaluation par les pairs, collégiale et indépendante. Au-delà de l’évaluation des laboratoires, nous travaillons actuellement à l’évaluation des enseignants chercheurs eux-mêmes. Le conseil national des universités, instance nationale d’évaluation des enseignants chercheurs travaille actuellement à la mise en place d’un dossier standardisé qui harmonise les critères d’évaluation, à la fois sur le volet scientifique et pédagogique. Cette évaluation sera le socle de leur promotion, comme c’est le cas pour tous les grands pays de la connaissance.

Mais au-delà de la revalorisation des carrières, nous avons donné aux établissements la capacité de faire vivre une politique de gestion des ressources humaines plus dynamique en leur donnant des moyens, en leur transférant la responsabilité de la gestion et en leur donnant de la flexibilité, comme par exemple celle de recruter des contrats à durée indéterminée.

Et les universités ont investi ces nouvelles marges de manoeuvre :
Je pense par exemple au dispositif de primes de l’université d’Aix-Marseille II qui a mis en place un système ingénieux d’intéressement à la fois collectif et individuel. L’université organise même des appels à projets et des prix, tant en matière de formation que de recherche.

Je pense également aux recrutements de chercheurs étrangers, comme par exemple en Lorraine, où les trois niversités, en lien avec les universités transfrontalières, vont faire venir pendant quelques mois un prix Nobel.

Nous travaillons aujourd’hui avec elles à améliorer et optimiser leurs fonctions support et soutien. Là aussi, les universités devraient y gagner en termes d’efficacité et de marges de manoeuvre.

Mesdames, Messieurs, cette réforme de l’université n’aurait pas eu de sens si elle ne s’inscrivait pas dans une transformation de notre système de recherche en profondeur.

C’est d’abord l’élaboration d’une stratégie nationale de recherche et d’innovation par la communauté scientifique sur la base d’une large concertation, qui fixe les grandes priorités pour les quatre prochaines années. Cette stratégie vise notamment à regrouper les moyens et éviter la dispersion des efforts.

Ensuite, j’ai souhaité que notre paysage de recherche évolue considérablement pour être plus lisible.

Les organismes de recherche se sont regroupés au sein d’alliances dans cinq grands domaines (Sciences du vivant, Énergie, Environnement, Sciences et technologie de l’information et prochainement dans les Sciences humaines et sociales). Ces alliances ont pour mission de coordonner les principaux acteurs d’un domaine afin, notamment, d’éviter les doublons et de concevoir des programmes cohérents avec la stratégie nationale de recherche et d’innovation.

Enfin, le CNRS et l’INSERM se sont réorganisés en instituts thématiques et se recentrent sur leur fonction d’agence de moyens en apportant personnels et financements aux unités mixtes de recherche hébergées par les universités.

Les universités sont désormais au coeur de notre système de formation et de recherche. Elles se regroupent au sein de pôles de recherche et d’enseignement supérieur, véritables universités fédérales qui rassemblent les forces de toutes les disciplines, celles des universités, des grandes écoles et des organismes de recherche.

Ces pôles, ce sont de véritables outils de structuration du paysage de formation et de recherche, d’élaboration de stratégies de recherche, l’endroit où les doctorats peuvent être délivrés, où la valorisation de la recherche peut se faire. Ils sont un excellent interlocuteur pour les partenaires des établissements, entreprises et collectivités locales, et un espace de mutualisation. Ce mouvement de recomposition n’est pas achevé. Des fusions d’établissement sont à l’étude. Il doit se poursuivre et être approfondi.

Et c’est dans ce même esprit que le Président de la République a souhaité que notre pays se dote d’une dizaine de campus universitaires, dignes de ce nom.

Sur ces campus, universités, écoles et organismes de recherche, bâtissent l’Université française de demain, celle que l’on trouve partout dans le monde, celle qui offre aux scientifiques, aux professeurs et à leurs étudiants des conditions d’étude, de recherche et de vie, à la hauteur de leurs attentes.

Mesdames, Messieurs, il reste encore du chemin à parcourir, mais les lignes sont en train de bouger. Et avec les investissements d’avenir, qui consacrent 22 Mds€ à ce secteur, nous entrons dans une nouvelle étape de cette réforme.

La France doit achever sa mutation des Universités en corrigeant des faiblesses structurelles, des complexités d’organisation et de gouvernance, et des cloisonnements historiques entre universités, grandes écoles et sphère socio-économique qui brident depuis trop longtemps son développement et son rayonnement. Il s’agit pour nous d’avoir des acteurs académiques et technologiques mondialement reconnus, qui attirent les meilleurs, à l’image de ce qu’ont fait la plupart des grandes nations de l’innovation.

Les investissements d’avenir permettent de lancer trois dynamiques. Celle tout d’abord qui doit « booster » de grands projets scientifiques : il s’agit pour l’essentiel des appels à projet « santé et biotechnologies », dotés de 1,55 milliard d’euros, et des « équipements d’excellence », qui bénéficieront d’une enveloppe de 1 milliard d’euros.

Deuxième dynamique, les appels à projets qui auront des effets plus structurants sur le paysage de recherche et d’enseignement supérieur, avec :

- Les instituts hospitalo-universitaires, tout d’abord, qui seront dotés de 1 milliard d’euros, et qui permettront d’approfondir les liens entre recherche, formation et soins, pour le plus grand bénéfice des patients.
- Les laboratoires d’excellence, quant à eux, réuniront une ou plusieurs équipes autour d’un même objectif : celui de faire émerger un centre de recherche de pointe dans un domaine donné, au besoin interdisciplinaire. Ils bénéficieront de 1 milliard d’euros pour y parvenir et construire la dynamique collective qu’une telle ambition implique.
- Enfin, 3,5 milliards d’euros seront consacrés à la valorisation des résultats de la recherche, pour transformer le plus rapidement possible les progrès scientifiques en source de croissance et d’emploi.

Troisième dynamique : celle des initiatives d’excellence, qui seront la maison constituée des briques précédentes et qui permettront de réaliser l’ambition affichée par le Président de la République : celle de faire émerger des pôles universitaires capables de rivaliser avec les meilleurs établissements du monde. Elles reposeront sur trois critères simples :

- l’excellence en matière de recherche et de formation
- l’ouverture sur le monde économique et les partenariats avec le secteur privé
- et une gouvernance efficace

Elles constitueront des ensembles universitaires que les étudiants, les enseignants et les chercheurs du monde entier rêveront de rejoindre. Ces entités devront être transformantes pour elles mêmes, et avec un effet d’entraînement sur l’ensemble du paysage.

Ces initiatives d’excellence seront dotées de 7,7 milliards et permettront d’attribuer des dotations en capital pérennes.

Vous le voyez, cette réforme, ou plutôt ces réformes ont une grande cohérence entre elles.

L’université était une vieille dame, au sein de laquelle les pratiques de gestion et l’éclatement des processus au sein des facultés et des laboratoires de recherche empêchait toute marge de manoeuvre.

L’autonomie a profondément rénové les modes de fonctionnement internes. Elle s’est traduite par une plus grande centralisation de la gestion. Mais en même temps, elle a libéré les initiatives en matière de formation et de recherche.

Liberté et responsabilité des universités d’une part, investissements d’avenir d’autre part, ce sont deux volets d’une même réforme, qui conjugue pour la première fois l’ambition et les moyens. C’est sans doute le signe d’une réforme réussie.


Voir en ligne : http://www.enseignementsup-recherch...