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"Les chercheurs français produisent moins", "Les Echos" du 8 janvier 2009

jeudi 8 janvier 2009, par Laurence

[|Le chercheur public français produit entre 30 % et 50 % de moins de savoirs que son homologue allemand ou britannique.|]

On a beau tourner les chiffres dans tous les sens et varier les sources d’information, le résultat est toujours le même : à budget égal, le chercheur public français produit entre 30 % et 50 % de moins de savoirs que son homologue allemand ou britannique. Le bilan publié en décembre [1] par l’Observatoire des sciences et des techniques (OST) propose une comparaison entre les trois pays qui confirme les tendances précédentes. Avec 6,2 % du total des publications scientifiques mondiales, le Royaume-Uni est le leader européen, devançant de justesse l’Allemagne (6,1 %) et plus largement la France (4,4 %). Les autres indicateurs bibliométriques (nombre de citations et indice d’impact) confirment les positions de ce trio : « La part mondiale de publications de la France, stable entre 1995 et 1999, s’érode depuis cette date. Son indice d’impact est de 0,93. C’est une valeur supérieure à celle enregistrée en 1993 (0,91), mais plus faible que celle de ses partenaires allemand (1,15) ou britannique (1,19) avec lequel l’écart s’accroît légèrement », remarque l’OST. Ces variations très importantes ne sont pas la conséquence d’effectifs ou de budgets insuffisants.

En 2005, la France employait au total environ 205.000 chercheurs, dont 46 % dans le public, loin derrière l’Allemagne (278.000, dont 40 % dans le public), mais devant le Royaume-Uni (180.000 chercheurs, dont 47 % dans le public). Ces publications proviennent en quasi-totalité du secteur académique (essentiellement public) et plus rarement des entreprises (en charge du développement). En termes d’effectifs, la recherche publique française (environ 95.000 chercheurs statutaires) est certes moins nombreuse (d’environ 15 %) que son équivalent allemand (110.800 chercheurs publics), mais elle devance d’environ 13 % celle du Royaume-Uni (84.600 chercheurs publics). Sur le plan quantitatif, et mis à part les mathématiques, la production de la communauté hexagonale est partout inférieure à celle de nos voisins. Qualitativement, la situation ne s’améliore pas « l’indice d’impact immédiat de la France est inférieur à ceux de l’Allemagne et du Royaume-Uni dans toutes les disciplines scientifiques », rapporte l’OST.

Baisse de régime

Selon les chiffres du spécialiste Thomson Reuters, au cours des dix dernières années [2], la recherche académique française a fourni, toutes disciplines confondues, un total de 548.000 articles, contre 678.000 pour le Royaume-Uni (+ 23 %) et 766.000 pour l’Allemagne (+ 39 %). Pendant la même période, les travaux français ont été cités 5,93 millions de fois, contre 8,76 millions pour les Britanniques (+ 47 %) et 8,78 millions pour les chercheurs d’outre-Rhin (+ 48 %). En d’autres termes, la recherche publique hexagonale diffuse beaucoup moins de connaissances fondamentales que ses proches voisines et ce savoir est de moindre qualité (il est moins reconnu au plan international).

Cette baisse de régime est vérifiée depuis une dizaine d’années. Pour certains observateurs, il est la conséquence de la léthargie des chercheurs hexagonaux anesthésiés par le doux oreiller du fonctionnariat. Pour d’autres, et notamment les représentants des chercheurs, ce thermomètre bibliométrique, concocté par des revues anglo-saxonnes, n’est pas adapté à l’esprit gaulois. La France est d’ailleurs un des rares pays où une fraction importante de la communauté scientifique ne reconnaît pas la valeur de cet instrument de mesure utilisé partout ailleurs. C’est notamment le cas de la très influente communauté des sciences humaines et sociales (un quart du total des chercheurs du CNRS), dont l’activité est plus visible dans les pétitions que dans les revues scientifiques de haut niveau où sa présence est confidentielle. Les budgets n’expliquent pas non plus ces variations. En 2005, et toujours selon l’OST, la dépense publique de la France s’est montée à environ 14 milliards d’euros (répartis entre 95.000 chercheurs publics), contre 15,5 milliards d’euros en Allemagne (110.800 chercheurs publics) et 11,7 milliards d’euros pour le Royaume-Uni (84.600 chercheurs publics).
A. P.


[1« Indicateurs de sciences et de technologies », édition 2008,aux Editions Economica etsur le site obs-ost.fr

[2« Essential Sciences Indicators » entre janvier 1998et août 2008. Accessible sur le site sciencewatch.com