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"L’université de Strasbourg inaugurée sous les lacrymos", blog "LibéStrasbourg", 5 février 2009

jeudi 5 février 2009, par Elie

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SOCIETE - Les personnalités invitées à l’inauguration de l’université unique de Strasbourg (UdS) ce jeudi ont du trouver que champagne et petits fours avaient un goût amer. La faute aux gaz lacrymogènes utilisés à l’extérieur du palais universitaire pour repousser les manifestants venus exprimer leur mécontentement à l’occasion de la venue de la ministre Valérie Pécresse. Récit d’une inauguration sous haute tension.

10h25. Environ 300 manifestants, des étudiants pour la plupart, sont rassemblés sur les escaliers et sur le perron du palais universitaire. "Pécresse démission !", scandent-ils. Au fronton du bâtiment est accrochée une banderole en forme de clin d’oeil à la naissance de la plus grande université française par le nombre d’étudiants (42.000), formée après la fusion au 1er janvier des trois universités strasbourgeoises : "Elle est unique et elle est en grève". Les gendarmes mobiles ont installé des barrages de part et d’autre du palais universitaire, rue Goethe et rue de l’Université.

10h30. Le gros des troupes arrive, en cortège depuis le campus de l’Esplanade. Il y a là des professeurs, des enseignants-chercheurs en lutte contre la réforme de leurs statuts, des étudiants qui dénoncent la loi sur l’autonomie et la "privatisation" des universités françaises, des élèves de l’IUFM. Un agrégat de conflits résumé par les pancartes : "Historien cherche entrepreneur pour le financer" ; "Master sans conscience = ruine de l’Education" ; "Profs sans avenir, quel avenir pour nos enfants ?" ; "Pécresse, fac off !". Il y a des sifflets et des grosses caisses. Cela fait un raffut d’enfer. Les manifestants sont désormais 2.000 environ. "L’UdS est à nous !", crient-ils.

10h45. Ambiance cosy à l’intérieur du palais universitaire. Les tables sont dressées, les verres soigneusement alignés, les caméras posées sur une estrade, face à la tribune d’honneur. De là, on n’entend quasiment pas le bruit des manifestants.

11h00. Alain Beretz, président de l’UdS, prend la parole. Valérie Pécresse est arrivée, elle a pris place au centre de la tribune. Trois personnes tentent de se mettre dans le champ des caméras, tenant chacune une feuille A4. Leur message dit "halte au mépris". D’autres pancartes similaires fleurissent de part et d’autre, de même qu’une banderole disant "Non au décret sur les statuts" des enseignants-chercheurs. Un homme se lève et interrompt le discours : "L’université est en grève. Cette inauguration est une mascarade !". "C’est cela...", reprend Alain Beretz, qui évoque ensuite les "moyens 2009", la formation des maîtres et la réforme du statut des enseignants-chercheurs : "Le président que je suis ne peut pas ignorer les interrogations et les contestations. J’en appelle à votre capacité à renouer le fil du dialogue", déclare-t-il à la ministre. Avant de faire l’éloge, Jean Sturm et Marc Bloch à l’appui, d’une "université fière de son passé, mais tournée vers l’avenir, innovante et ambitieuse".

11h20. Le président PS de la communauté urbaine, Jacques Bigot, est au micro : "Les expressions de contestation doivent être considérées comme une manière de se mobiliser pour le succès de l’université". Il appelle à la vigilance sur les moyens financiers des établissements d’enseignement supérieur. Le maire PS, Roland Ries, prend la suite et évoque une visite ministérielle qui s’inscrit "dans un contexte de crise générale de notre université et de notre recherche". Applaudissements.

11h30. A l’extérieur, ça barde. En haut des escaliers, les manifestants se pressent vers les accès au palais universitaire. Le cordon de policiers est comprimé. Les CRS débarquent et repoussent les contestataires à coups de matraques et de jets de gaz lacrymogènes. Ceux-ci s’infiltrent à l’intérieur du palais. Dans le hall, on commence à tousser et à pleurer. Livide, Alain Beretz quitte la tribune pour constater les dégâts. A l’intérieur, Paul Meyer, conseiller municipal délégué à la jeunesse, dénonce un "scandale" : "Si à chaque fois qu’un ministre se déplace on a besoin de moyens policiers aussi disproportionnés et de faire usage de la force...". A l’extérieur, consternée, l’ancienne ministre et eurodéputée Catherine Trautmann, vice-présidente de la communauté urbaine chargée de l’enseignement supérieur, se demande pourquoi les CRS ont réagi d’emblée aussi fort plutôt que d’appeler au calme. Les policiers sont intervenus sur un terrain appartenant à l’université, et a priori sans qu’on les ait requis, fait-elle aussi remarquer.

11h45. Valérie Pécresse prend la parole (voir la video de son discours). Des policiers en civil ont pris place au pied de la tribune. Le préfet Jean-Marc Rebière surveille le tout, à quelques mètres. Des enseignants-chercheurs de l’UFR des sciences historiques, qui jouent à domicile (le siège de cette composante se trouve au palais universitaire), interrompent le discours ministériel, pour réclamer le "retrait des réformes". "Je vous écouterai, j’ai pris cet engagement. Je ne représente pas seulement ici les réformes, je représente la République qui rend hommage à l’Université de Strasbourg", affirme Valérie Pécresse. Elle veut conclure par une citation de Goethe, mais les cris de protestation reprennent. "Si vous ne me respectez pas, respectez au moins Goethe...", coupe Valérie Pécresse.

11h55. Pascal Maillard, professeur de littérature française, s’empare du micro. Il remet à la ministre l’Appel de Strasbourg et les 2.200 signatures qui l’accompagnent : "Merci, Mme la ministre, de faire un peu plus que lire cet appel. Il faut que vous l’entendiez."

12h05. Conférence de presse de Valérie Pécresse. Elle commence par la bonne nouvelle : dans le cadre du plan Campus, l’UdS va recevoir 375 millions d’euros. Un capital placé qui doit lui permettre de financer ses projets immobiliers, les intérêts servant à rembourser les constructions et rénovations effectuées par le biais de partenariats public-privé. Puis la ministre annonce "une charte de bonne application" sur la réforme du statut des enseignants-chercheurs : "L’essentiel des craintes qui s’expriment vient de la manière dont le texte va être appliqué concrètement. Il faut que dès mercredi prochain, nous nous réunissions avec l’ensemble du monde universitaire (présidents d’université et syndicats représentatifs, selon un conseiller de la ministre) pour travailler sur la charte nationale de bonne application du texte, qui doit prendre en compte les spécificités de chaque discipline". Elle se dit "attentive à toutes les interrogations qui s’expriment et soucieuse d’y apporter une réponse". Et promet qu’elle est "une femme de dialogue et d’écoute".

T.C.